Algérie

Principal accusé dans l'affaire Sonatrach 1



Principal accusé dans l'affaire Sonatrach 1
«J'ai fait les frais d'une lutte d'intérêts». «L'affaire Saipem dépasse largement le niveau du PDG». «Le dossier Sonatrach 1 ne pèse rien par rapport à celui de Sonatrach 2, où mon nom n'a jamais été cité». «Je n'ai jamais connu Farid Bedjaoui». «Tous les contrats que j'ai signés sont passés par les commissions des marchés et le comité éxecutif de la compagnie». «Le jeu était ailleurs, nous n'étions rien?»Par signés sont passés par les commissions des marchés et le comité exécutif de la compagnie.» «L'affaire Saipem dépasse largement mon niveau de PDG.» «J'ai fait les frais d'une lutte d'intérêts.» «Le jeu était ailleurs, nous n'étions rien.» «Le dossier Sonatrach 1 ne pèse rien par rapport à celui de Sonatrach 2, où mon nom n'a jamais été cité.» Telles sont les principales déclarations de l'ex-PDG de Sonatrach, à quelques semaines de son procès, prévu le 15 mars.C'est un homme détruit, terrorisé, que nous avons rencontré. Arriver à lui arracher quelques déclarations a été le fruit d'un travail de longue haleine. Lui, c'est Mohamed Meziane, ancien PDG de Sonatrach. En raison de notre continuelle insistance, il a fini par accepter de répondre à nos questions.Pas toutes, puisqu'il évite d'aborder les détails relatifs à l'affaire qui le concerne en raison du procès qui l'attend le 15 mars prochain au tribunal criminel près la cour d'Alger. Mais à ce sujet, il interpelle «la conscience des uns et des autres», sans les nommer, sur certains points qu'il estime très importants. «Tous les contrats pour lesquels je suis poursuivi ont été traités et étudiés par le comité exécutif et les commissions des marchés. Je n'ai fait qu'appliquer la procédure interne, qui est la R15.Aucun des 247 témoins interrogés par le juge d'instruction n'a trouvé à redire sur ma gestion, qui était la plus transparente mais aussi celle qui faisait participer les cadres dans toutes les décisions. Comment se fait-il qu'aujourd'hui, je me retrouve chef d'une association de malfaiteurs '» Sur sa relation avec le ministre, M. Meziane déclare : «Je suis du genre qui respecte beaucoup sa hiérarchie. Même si je ne m'entendais pas avec le ministre, je lui vouais tout le respect. Je savais qu'il ne voulait pas de moi puisqu'en 2008, on m'a clairement signifié qu'il avait l'intention de me remplacer.Mais je faisais mon travail normalement. Je recevais ses directives et ses instructions par écrit et par téléphone. Il était informé de tous mes actes de gestion, par les courriers que je lui adressais, mais surtout par les comptes rendus qui lui parvenaient de mon chef de cabinet, Réda Hameche.» Homme de confiance de Chakib Khelil, Hameche (ainsi que son épouse) fait l'objet d'un mandat d'arrêt international lancé par le tribunal d'Alger, dans le cadre du dossier Sonatrach 2. Quelle relation liait Meziane à Hameche ' Sa réponse : «Il a été nommé par le ministre et n'avait de compte à rendre qu'au ministre. Son bureau, au fond du couloir, lui permettait d'avoir l''il sur toutes mes allées et venues, mais aussi sur toute personne qui venait me voir.Il recevait mon courrier alors qu'il y avait un secrétaire général pour assumer cette fonction. Il agissait au nom du ministre.» Pour M. Meziane, Hameche «était comme un électron libre» au sein de la compagnie. Par contre, en ce qui concerne Farid Bedjaoui (qui fait l'objet de plusieurs mandats d'arrêt internationaux), l'ex-PDG est formel : «Je ne l'ai jamais connu.J'ai lu son nom et j'ai vu son visage dans les journaux?» Avec le recul et à la lumière des révélations qui parviennent d'Italie, Mohamed Meziane «pense» que «des choses auraient pu se passer à haut niveau» sans qu'il soit informé. Il révèle : «C'est vrai que j'avais quelques soupçons, rien que des soupçons, pas de preuves formelles sur des choses qui auraient pu se passer à plus haut niveau, à propos de certains contrats, mais rien de plus.Maintenant, quand je lis les comptes rendus de la presse, je suis surpris mais pas étonné.» Il revient en arrière et rapporte quelques exemples : «Tous les contrats passaient par des avis d'appel d'offres. Nous recevions de nombreux soumissionnaires, mais en cours de route, nombre d'entre eux disparaissaient. On se retrouvait avec seulement deux ou trois soumissionnaires. Parfois, nous étions obligés à ne pas refaire un autre avis d'appel d'offres en raison soit de l'urgence, soit de la complexité du marché. Souvent, c'était le ministre lui-même qui nous instruisait de ne pas refaire la procédure d'avis d'appel d'offres et de continuer avec les soumissionnaires qui restaient. Mais, je prenais cela comme une décision liée à l'urgence, pas plus.»M. Meziane évoque le marché GK3 avec Saipem : «Au début il y avait plusieurs offres, mais à la fin seules deux étaient restées, dont celle de Saipem, qui était de 60% plus cher. Il y avait une différence de l'ordre de 6 milliards de dinars. Fallait-il refaire l'avis d'appel d'offres ou continuer ' Nous étions devant un dilemme parce que le projet était urgent. J'ai demandé une négociation autour du prix en tablant sur une baisse d'au moins 25 à 30%.Le ministre n'était pas d'accord. Il a proposé par écrit un niveau de 12,5% de baisse de prix. J'ai dit au vice-président de l'activité transport que l'offre était trop chère et qu'il fallait arriver à une baisse. Tullio Orsi, le responsable de Saipem Algérie, a dit qu'il ne pouvait pas aller au-delà de 12% de rabais. Il a même menacé de se retirer en cas où nous insistions. Il était très sûr de lui. Pour nous, le projet était une urgence.Le retarder, c'était prendre le risque d'une hausse des prix sur le marché international, mais aussi compromettre d'importants projets pour le secteur de l'énergie. J'ai insisté auprès du vice-président pour obtenir une baisse de 15%. Saipem a fini par accepter une baisse de 15%. Nous avions économisé 105 millions de dollars. Nous sommes passés d'une offre de 680 millions de dollars à 575 millions de dollars. Comment pourrais-je être corrompu et chef d'une association de malfaiteurs tout en économisant une telle somme à la compagnie '»«Nous sommes victimes d'un règlement de comptes»Selon Mohamed Meziane, il est important de revenir sur les procédures internes de Sonatrach : «La R14, par exemple, nous obligeait à annuler l'appel d'offres s'il n'y avait qu'un seul soumissionnaire. La R15, que j'ai moi-même signée, plaide pour l'élargissement des soumissionnaires. S'il y en a moins de trois, l'avis d'appel d'offres doit être annulé et refait. Savez-vous qu'à l'époque, 40% des contrats étaient à caractère urgent 'Cela étant, les prix n'étaient pas dans mes prérogatives. Ce sont les experts des commissions des marchés, les membres du comité exécutif, qui connaissent la mercuriale des prix ; c'est à eux de dire si une offre est trop élevée ou non. Ma mission à moi consistait à organiser la stratégie de la compagnie. Mon rôle n'était pas d'intervenir dans les contrats. Je peux dire, peut-être, qu'il y a eu entente à un plus haut niveau?»Le «haut niveau», l'ex-responsable de Sonatrach le situe «à celui du ministre ou encore plus haut», sans être plus précis. Cependant, il rappelle un fait qu'il a eu à vivre durant l'exercice de ses fonctions, lorsque «quelqu'un», sans le nommer, l'a appelé «de la Présidence» pour lui demander de «recevoir» le patron d'une compagnie, Petrofac, «venu à bord d'un véhicule de la Présidence». «Il voulait prendre un marché de 4,5 millions de dollars, mais nous ne pouvions pas le lui donner parce qu'il n'avait pas de garanties suffisantes pour le réaliser.Je lui ai dit qu'il ne pouvait pas l'obtenir», dit-il. M. Meziane ne «trouve pas de réponse» à ces interférences, tout comme il affirme «ne rien comprendre» à l'affaire Chawki Rahal, ex-vice président chargé des activités commerciales, placé sous contrôle judiciaire et qui doit comparaître avec lui devant le tribunal criminel près la cour d'Alger, le 15 mars prochain. «Je sais une chose : lorsque Chawki Rahal était à Londres et qu'il a été informé de son rappel par le ministre, il m'a demandé d'intercéder pour qu'il reste sur place en raison de la scolarité de ses enfants. J'ai plaidé en sa faveur, mais le ministre n'a rien voulu entendre. Il a insisté pour qu'il rentre. Pourquoi et dans quel but ' Je ne sais pas», révèle Meziane.De toute façon, souligne-t-il, «c'était le ministre qui choisissait les vice-présidents, les nommait et les dégommait. Je n'avais aucun pouvoir sur eux. Moi-même lorsque j'ai émis le v'u de partir, à la lumière des incidents qui ont coûté la vie à des employés de la raffinerie de Skikda, des cadres supérieurs du groupe m'ont dit clairement qu'à Sonatrach on ne démissionne pas, on se fait démissionner?.» L'ancien PDG «ne comprend toujours pas» pourquoi les autorités ont accepté la «décapitation» de Sonatrach pour une affaire «aussi banale si l'on prend en compte ce qui s'est passé à Rome».Cette décision, dit-il, «a eu de lourdes conséquences» sur la compagnie. «Pourtant, l'affaire Saipem est de loin plus grave, avec un préjudice évalué à plus de 200 millions de dollars. Le nom du ministre est revenu à plusieurs reprises sans que le mien n'apparaisse. La compagnie a été décapitée pour un préjudice évalué, faut-il le rappeler, par ceux-là mêmes qui avaient pris part à l'étude des contrats objets de l'enquête, d'un montant de 4 millions de dollars. Est-ce normal '»«Nous avons fait les frais d'une lutte d'intérêts à un très haut niveau. Les enjeux peuvent être autant politiques que financiers. Nous sommes victimes d'un règlement de comptes, peut-être pour avoir annulé des marchés d'équipement des unités du Sud en matériels de protection et véhicules dotés de GPS, que devaient prendre certaines sociétés qui ont pignon sur rue», conclut M. Meziane.Pour lui, le procès du 15 mars «révélera beaucoup de choses» à l'opinion publique. Il dit trop souffrir de cette affaire qui a coûté la vie à sa femme et à sa mère, mais aussi l'incarcération depuis plus de 5 ans de ses deux enfants pour des délits. Même s'il a dit ce que tout le monde sait, il exprime sa «peur de représailles» tout en se déclarant «très confiant» en la justice.




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