Algérie

Princesse raffinée et libre



Bloggeur et chroniqueur sur les réseaux sociaux, Sidali Kouidri Filali publie son premier roman Wallada, la dernière Andalouse, à compte d'auteur. L'écrivain entraîne les lecteurs au c?ur de l'Andalousie, entre le Xe et le XIe siècle.Un roman historique qui a pour cadre Cordoue, Grenade, Séville et qui met en lumière des personnalités de l'époque, à l'instar de Wallada Bint El Mostakfi, Ibn Zeydoun, Ibn Hazm, Zawi Ibn Ziri, Ibn Hayane, Khayrane, Samuel Ibn Naghrella...
Personnage principal : la poétesse Wallada Bint El Mostakfi, fille de l'un des derniers califes omeyyades de l'Andalousie. Son père a été assassiné par ses propres gardes en 1025. Princesse raffinée, poétesse de talent et femme libre, Wallada n'a jamais été mariée. Elle a occupé une place importante dans la littérature arabe et été célèbre également pour sa poésie érotique. Elle gérait une école de danse et organisait des rencontres littéraires, poétiques et philosophiques chez elle ; des cénacles (Madjliss el adeb) où se retrouvait tout le gratin de Cordoue : le penseur et écrivain Ibn Hazem, le poète-vizir Ibn Abdous, le poète Ibn Zeydoun. Wallada vécut une relation passionnante avec ce dernier. Leur histoire nous est dévoilée par l'auteur tout au long de son roman.
La princesse andalouse a été témoin à deux reprises de la fin d'un règne : la première et la deuxième chute de Cordoue. Au début du roman, elle est âgée de 90 ans. L'ex-amoureuse de Ibn Zeydoun déroule le fil de sa vie et se confie à sa servante Izza. Les images du passé ressurgissent devant ses yeux avec une pointe de nostalgie : «Le souvenir en est si présent que Wallada le touche presque : cénacles littéraires où les plus beaux poèmes étaient récités, où dissertaient les savants les plus distingués ; ces divans où les esprits libres, éméchés, enivrés ou passionnés s'étaient tant
exaltés ; ces colonnes qui renvoyaient les chants, hymnes à l'amour et à la beauté, ces voûtes arquées qui couvaient les plus inavouables secrets.»
Wallada rencontre Ibn Zeydoun lors d'un banquet. Elle a déjà entendu parler de lui. Elle sait qu'il est hautin, possessif, vaniteux et cavaleur. Le coup de foudre entre Wallada et Ibn Zeydoun alias le «Bouhtouri andalou» est immédiat. Elle a 40 ans, lui en un 10 de moins. Peu après leur rencontre, Wallada compose un poème pour son
amoureux : «Guette à la mainmise de la pénombre ma visite, je sais de la nuit qu'elle est gardienne des secrets, j'ai de toi ce que, s'il l'avait pris un soleil se tairait. La lune se cacherait et plus aucune étoile ne luirait.»
Ibn Zeydoun nourrissait une jalousie maladive à l'égard d'Ibn Abdous, l'ami et protecteur de Wallada. Il insiste pour qu'elle prenne ses distances avec lui : «Ses questions sur ma relation avec Ibn Abdous devenaient plus insistantes. J'avais beau le rassurer, rien ne pouvait calmer l'arrogance blessée du poète... Je tentais en vain d'endiguer cette jalousie qui le consumait, mais il demeurait intraitable. Il exigeait que je ne revoie plus Ibn Abdous. Il voulait me priver de ma liberté pour conforter sa vanité ! Sa nature d'homme avait pris le dessus sur son esprit de poète.»
La dernière Andalouse refuse de devenir une marionnette entre les mains de son amant. Elle lui rappelle qu'elle est une femme libre. Lors d'une soirée, Ibn Zeydoun tente d'humilier Wallada en s'adonnant à un jeu érotique avec Otba, une esclave, devant elle. Wallada est furieuse. Elle chasse son amant de son palais. Ibn Zeydoun implore le pardon de sa bien-aimée. Elle raconte à Izza : «Chaque matin, la servante d'Ibn Zeydoun, ses poèmes attendrissants, dans lesquels il s'excusait et demandait pardon. Encore en colère, je refusais de le recevoir... Après plusieurs jours, je revins à de meilleurs sentiments.»
La hache de guerre fut donc enterrée, mais pas pour longtemps. La jalousie d'Ibn Zeydoun devenait toxique et le couple finit par rompre. Plus tard, Ibn Zeydoun sera déchu de son poste de vizir et jeté en prison. Après deux ans de détention, la princesse-poétesse réussira à le faire évader mais les deux ex-amants ne se reverront jamais.
Dans cette histoire romancée, mais basée sur des faits réels, d'autres personnages sont à découvrir à l'exemple d'Ibn Hazm, penseur, historien et juriste de Cordoue qui a écrit près de 40 000 parchemins. On lui doit entre autres Le premier collier de la colombe. Lorsqu'il quitta Séville pour Mondéjar, ses livres furent brûlés. À cette occasion, il écrivit : «Brûlez les parchemins, vous ne brûlerez pas leur contenu. C'est un savoir que je traînerai, jusqu'au jour où je serai enterré. Je ne pleurerai pas un parchemin, un papier. Une pleine lune qui me suit.»
Autres portraits intéressants : Ibn Hayane, contemporain d'Ibn Hazm. Il était chroniqueur et principal témoin de la chute des taïfas ; Samuel Ibn Naghrella (chroniqueur et vizir) fut le premier juif à devenir vizir sous le règne des Berbères ; Zawi Ibn Ziri, le fondateur de la dynastie ziride de Grenade ; Elmotadid Ibn Abbad, dernier émir à régner à Séville...
Le roman de Sidali Kouidri Filali balaye un siècle d'histoire. Cette fresque historique romancée de l'Andalousie musulmane des Xe et XIe siècles va connaître une suite. L'Andalousie musulmane puissante et unie sous les Omeyyades de Cordoue est menacée par Ferdinand 1er. Un autre volet à découvrir d'ici quelques mois.
Soraya Naïli
Wallada, la dernière Andalouse,
Sidali Kouidri Filali.
Compte d'auteur. 252 p. 1 000 DA.


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