Algérie

Presse : un rôle qui a exaspéré le hirak



Une image a marqué les esprits : un présentateur de la télévision publique qui dénigre le moudjahid Lakhdar Bouregâa, figure très respectée du hirak le jour de son arrestation, en mettant en doute son passé révolutionnaire.Avec le corps de la justice, c'est sans aucun doute la corporation qui suscite le plus de ranc?ur et de méfiance de la part des citoyens. Qualifiée trop abusivement de "quatrième" pouvoir, la presse algérienne, dans ses diverses déclinaisons, n'a jamais été autant stigmatisée que depuis ces derniers mois. Signe de cette méfiance : les milliers de voix qui, chaque vendredi du "hirak", répètent à l'envi "Essahafa ya chiyatine, entouma sbabna ya el madlouline" (Presse de lèche-bottes et indigne, vous êtes la cause de nos malheurs) dans plusieurs wilayas du pays.
À l'évidence, l'attaque ne cible pas toute la corporation, mais essentiellement les chaînes de télévision. À la veille de la célébration du 1er anniversaire du hirak, la question du rôle de la presse, particulièrement celle de son traitement des convulsions qui secouent le pays depuis une année, sa responsabilité sociale, son avenir et sa refondation, se pose avec acuité. Pourquoi cette défiance d'une bonne partie de l'opinion au moment où le mouvement a pu briser le mur de la peur et libérer les énergies, comme l'ont reconnu certains acteurs d'autres corporations ' Assurément, le divorce a commencé dès le jour où une bonne partie de la presse, notamment les chaînes de télévision, ont décidé de tourner le dos au hirak.
Non seulement, elles se sont livrées à un black-out total, mais encore certaines se sont attelées à un véritable travail de manipulation et de propagande. Une image a marqué les esprits : un présentateur de la télévision publique qui dénigre le moudjahid Lakhdar Bouregâa, figure très respectée du hirak, le jour de son arrestation, en mettant en doute son passé révolutionnaire.
Après avoir tenté d'accompagner le mouvement révolutionnaire les premières semaines de sa manifestation, nombre de médias, probablement sur injonction, ont complètement changé leur fusil d'épaule, ignorant totalement les manifestations qui s'expriment chaque semaine.
Au déni de la réalité, passant sous silence la ferveur révolutionnaire et les nombreuses arrestations ayant ciblé nombre de figures et d'activistes, se sont ajoutés quelques "dérapages" visant à semer la discorde au sein du mouvement dans l'espoir, non dissimulé, de l'égarer. Illustration : le passage diffusé de citoyens à Oran parlant des "habitants authentiques".
Summum du déni : pendant la campagne électorale, largement boycottée et rejetée par les citoyens, les télévisions se sont mobilisées au service des candidats en diffusant des "gros plans" sur les mêmes candidats et en évitant de montrer les images de salles complètement vides.
Quant aux manifestations d'hostilité, il fallait sans doute repasser. Parallèlement, les tentatives d'affranchissement de certains journalistes, notamment des médias publics, qui ont organisé des sit-in pour réclamer la "libération" de la parole, se sont heurtés à l'intransigeance des responsables. Et certains, sous la pression, ont été réduits au silence.
Loin d'échapper à l'observation de nombreux citoyens, frustrés de devoir migrer sur les réseaux sociaux pour s'informer sur la réalité de leur pays, cette attitude des télévisions a fini par exaspérer nombre d'entre eux qui n'ont pas hésité à l'exprimer ouvertement chaque vendredi dans des slogans et des chants. Feront-elles amende honorable '


K. K.


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