Algérie

Présomption d'innocence pour tous


Hier, c'était au tour du ministre des Affaires religieuses de faire l'éloge du principe de présomption d'innocence. Un peu maladroitement, d'ailleurs, puisqu'il proclamait que 'l'accusé est innocent jusqu'à son inculpation par la justice".
Depuis que l'affaire Sonatrach a rendu concevable la virtualité des poursuites contre un responsable politique dans une affaire de corruption, le discours de nos dirigeants cultive avec une certaine insistance cette sacro-sainte règle qui fonde l'innocence de tout suspect avant son jugement et sa condamnation.
Pourtant, la pratique judiciaire n'a pas manqué de donner l'occasion à nos politiques de défendre l'innocence présumée comme pendant de toute culpabilité présumée. L'usage exagéré de la détention préventive , inlassablement dénoncé par les juristes et les associations des droits de l'Homme nationales et internationales, a pourtant toujours constitué un bon motif pour ceux qui auraient le souci de la sauvegarde des droits du justiciable. Bien des voix se sont élevées pour mettre en garde contre l'enferment des prévenus quand la dangerosité de l'accusé n'exige pas ce préalable et lorsque l'instruction ne commande pas l'application de cette mesure. En tout état de cause, la justice algérienne essuie régulièrement le reproche d'abuser de la détention préventive, que celle-ci est souvent inconsidérément prolongée sans que cela émeuve outre mesure nos politiques. Pourtant, en vertu du noble principe, tous les prévenus sont des présumés innocents. Ce qui justifierait que la détention préventive doive constituer l'exception et non la règle.
Mais, aujourd'hui, l'exception c'est peut-être la personnalité des potentiels coupables. Et là-haut, l'on se rappelle de la vertu du principe de présomption d'innocence.
Et c'est tant mieux. Ainsi va l'histoire du droit, l'évolution de la jurisprudence et la pratique de la justice. Parfois, c'est la masse qui les fait avancer, comme il en fut, pour les juridictions d'exception après Octobre 1988 ; d'autres fois, c'est par le privilège accordé à une catégorie de justiciables, comme il en fut pour l'application du mémorandum sur les exécutions des condamnés à mort, en 1993, opportunément survenu après l'exécution d'une partie des poseurs de bombes de l'aéroport d'Alger condamnés à la peine capitale.
Aucun citoyen ne se plaindra donc de la soudaine popularité du préjugé d'innocence dans le discours politique. Et c'est tant mieux que, comme le dit Ghlamallah, 'nous sommes dans un Etat de droit, on ne peut pas accuser une personne sans preuves". Tant mieux aussi que tous appellent à 'laisser la justice faire son travail" et que l'indépendance de la justice soit ainsi consacrée.
Même si personne n'est dupe et voit clairement que dans ce concert de célébration d'une justice sereine, le message s'adresse à la presse qu'on... accuse de se mêler, par son instance à retourner les affaires de corruption dans tous les sens, de ce qui ne la regarde pas.
À quelque chose malheur est bon. Peut-être que cette tragédie de la corruption fera évoluer ce fondement culturel du jugement de l'Algérien et que, désormais, le citoyen, même contestataire et critique, devienne, aux yeux du pouvoir, un innocent jusqu'à preuve du contraire et non, comme il l'a toujours été, un coupable jusqu'à preuve du contraire.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
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