Pour l'instant,
l'affaire Merah n'a pas bouleversé l'élection
présidentielle française. A en croire les sondages…
Les sondages dans
une campagne présidentielle correspondent en général à un mélange compliqué des
fonctions de l'augure dans les sociétés antiques, du journal de pronostics pour
le turfiste et du groupe d'enarques experts qui
calculent à plusieurs centaines de millions (d'euros, de dollars, de yens…)
près, le niveau du futur déficit budgétaire dans la préparation de la loi de
finances : beaucoup de calculs, un peu d'intuition, du bricolage et un certain
nombre de vœux pieux.
Non pas que les
sondages soient manipulés, ni que les méthodes ne soient pas rigoureuses : ils
constituent très souvent une très bonne photographie de l'opinion au temps «T».
Oui, mais voilà, l'opinion populaire varie souvent et parfois même elle se
retourne. En un instant.
Les électeurs
sont en effet constamment abreuvés d'une masse infinie d'informations
contradictoires par des médias omniprésents commentant une actualité
extrêmement changeante.
Placé depuis
plusieurs mois par les instituts comme gagnant de l'élection présidentielle,
François Hollande devait naturellement être inquiet des réactions de l'opinion
après les drames de Toulouse et de Montauban. D'autant que le candidat Nicolas
Sarkozy, jusque-là en difficulté, est capable, dans la pire des situations,
d'une hardiesse tactique sans égale. Devant l'immense émotion populaire, le
candidat de l'UMP a su immédiatement réendosser ses habits présidentiels et redévelopper
d'un air grave ses deux thématiques préférées et les plus droitières : la lutte
contre l'insécurité et les dangers de l'immigration.
HOLLANDE TOUJOURS
EN TETE DES PRONOSTICS
Une semaine après
la traque mortelle du responsable des sanglants attentats, l'opinion publique
reste très choquée. Toutefois, il semble, au regard des nombreux sondages
parus, que les électeurs, dans leur grande majorité, dissocient l'acte insensé
de Mohamed Merah des enjeux essentiels de l'actuelle
campagne présidentielle française. Certes, François Hollande et Nicolas Sarkozy
sont dorénavant au coude-à-coude dans les résultats
donnés en prévision pour le soir du 1er tour, aux alentours de 28% pour les
deux, ce qui était déjà la tendance avant le drame de Toulouse, mais le
candidat du PS conserve aujourd'hui un très net avantage dans les enquêtes
d'opinion pour le résultat final, conservant le crédit entre quatre et huit
points d'avance pour le résultat du second tour. Celui-ci se déroulera dans un
peu plus d'un mois, le 6 mai prochain.
Trois autres
tendances sont révélées par les chiffres des nombreux instituts qui scrutent
quotidiennement l'état de l'opinion. Marine Le Pen
aurait pu, elle aussi, profiter de l'émotion publique après l'acte insensé du salafiste toulousain. La candidate du Front national reste
à un score élevé (entre 13 et 16%), mais elle ne progresse pas. Il est vrai que
ses thématiques préférées de campagne ont été escamotées par Nicolas Sarkozy
qui les a reprises à son propre compte. François Bayrou, le candidat centriste,
stagne dans les intentions de vote à 11/12 points. Il est, selon les instituts,
légèrement devancé par Jean-Luc Mélenchon, qui a même lors d'un sondage récent
conquis la place de 3ème homme de l'élection. Le candidat très à gauche a su
unifier un vaste courant protestataire alliant les communistes, des socialistes
déçus, de nombreux militants d'extrême gauche, des écologistes et surtout de
nombreux abstentionnistes. Il a su même capter dans certains milieux populaires
des anciens électeurs du Front national ! En réunissant, il y a deux dimanches,
cent mille personnes à la
Bastille, cet excellent orateur a fait la preuve qu'il peut
canaliser l'indignation de nombreux Français devant la montée des injustices
sociales.
AUSTERITE, ETYMOLOGIE
: «APRE AU GOUT»…
Les enquêtes
d'opinion sont unanimes sur un sujet : dans cette élection, les premières et
constantes préoccupations des Français restent depuis plusieurs mois le pouvoir
d'achat et l'emploi. La sécurité ou l'immigration sont loin dans la liste des
préoccupations actuelles des Français et ce classement perdure, y compris une
semaine après le drame de Toulouse.
Il est vrai que
la crise économique, ouverte en 2008, se poursuit sans qu'aucune solution
proposée par les pouvoirs publics en Europe ne semble pouvoir réduire sa portée
ou renouer avec la croissance. La
France va connaître une croissance zéro au 1er semestre 2012,
le chômage croît inéluctablement et les fins de mois deviennent difficiles pour
les classes populaires, mais également, fait nouveau, pour une partie notable
des classes moyennes.
A contrario de la
politique menée aux Etats-Unis par Obama, qui parie
sur la relance au prix d'une aggravation du déficit budgétaire, les seules
réponses actuelles des gouvernements de l'Union européenne se résument à une
seule promesse : «de l'austérité, encore plus d'austérité ». Le rétablissement
des comptes publics, vertueux en soi, débouche aujourd'hui sur une compression
du pouvoir d'achat, un affaiblissement de la demande qui aboutit sur une non-croissance ou, pire, une récession durable. Ce qui
nourrit un chômage explosif et réduit les rentrées d'impôts : ce qui aggrave
les déficits budgétaires !
Il semblerait
aussi que la «cas grec» a beaucoup plus frappé l'opinion publique européenne
qu'il ne pouvait y paraître. Les Européens du Sud (Italiens, Espagnols,
Portugais, Français…) et ceux de l'Est ont pu toucher du doigt ce qui les
attendait très concrètement. Le quotidien Le Monde a fait ainsi paraître cette
semaine une enquête sur la forte remontée du travail des enfants dans le sud de
l'Italie ! Ces mêmes Européens de l'Est et du Sud ont bien compris les limites
très concrètes de la fameuse «solidarité européenne», alors que les populations
qui s'en tirent un peu moins mal (pays nordiques, Allemagne, Hollande),
n'inclinent pas - on peut les comprendre dans le contexte d'une crise qui peut
être longue - à la générosité.
APRES LA PRESIDENTIELLE, LES
LEGISLATIVES
Les Français, à
qui l'on demande beaucoup de sacrifices, constatent également qu'aucune mesure
de réglementation n'a été prise à l'encontre du monde bancaire et financier,
dont les excès sont pourtant à l'origine de la crise actuelle, que les
entreprises du CAC 40 (l'indice boursier des plus grosses sociétés françaises)
affichent des bénéfices exaltants et que les dividendes versés aux actionnaires
sont toujours plantureux. Bref, de quoi fortement conforter le vieil adage,
«C'est ainsi, le monde est bien fait : les riches s'enrichissent, les pauvres
s'appauvrissent».
C'est dans ce
contexte que François Hollande, s'il paraît être le plus apte à prendre les
rênes de la République française, pourrait se retrouver au lendemain d'une
élection éventuellement victorieuse, avec des marges de manÅ“uvre parfois très
réduites et des attentes relativement fortes de ses électeurs. Ceci explique la
relative prudence de ses engagements en matière de programme face à un
concurrent qui multiplient nouvelles réformes en tous
genres et annonces de multiples projets de loi. Mais il est vrai que Nicolas
Sarkozy ne se sent pas souvent engagé par ses promesses électorales !
L'élection
présidentielle, enfin, ne constitue qu'une 1ère étape. Lionel Jospin, ancien
Premier ministre de cohabitation de Jacques Chirac, avait imposé une mesure
dont on ne mesure toujours pas si elle constitue une innovation démocratique ou
un renforcement de la présidentialisation de la Vème
République, déjà très dominée par les pouvoirs du chef de
l'Etat : les élections législatives doivent suivre de peu l'élection pour le
mandat présidentiel, réduit alors à cinq ans.
Il faut donc
gagner et l'une et les autres, au risque de retomber en «cohabitation». Si
François Hollande est élu, il devra donc tout faire pour obtenir une majorité à
l'Assemblée nationale. Comme la gauche française contrôle déjà la plupart des
grandes villes, des départements et la quasi-totalité des régions, cela
pourrait inciter les électeurs français à un souhait de rééquilibrage. D'où la
question qui dominera lors de la campagne du second tour, celle des alliances.
Nicolas Sarkozy a plutôt choisi de faire le vide autour de lui pour concentrer
les voix de la droite.
Diverses
personnalités tentées de se présenter, Morin, Borloo,
de Villepin… se sont finalement retirées. Le
centriste Bayrou ne cache pas son antipathie pour l'actuel président. On voit
mal Marine le Pen rejoindre une éventuelle majorité
présidentielle.
A l'inverse,
François Hollande a deux potentiels partenaires : le centriste Bayrou et le
très à gauche Mélenchon. Deux alliés pas facilement compatibles… Restent les
écolos, mais les candidats députés verts commenceront une campagne législative
avec le piètre résultat de la candidate Eva Joly, à laquelle les instituts
n'accordent au mieux que 2% des voix.
Mais enfin, comme
nous le disions au départ, il ne faut pas accorder un total crédit aux sondages
qu'à partir de 20h, le dimanche soir, jour de l'élection, à l'annonce des
résultats !
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Posté Le : 29/03/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com