Algérie

PRESIDENTIELLE FRANÇAISE De la campagne électorale à la danse du scalp



Par Zineddine Sekfali
En rappelant à l'envi l'origine algérienne de Mohamed Merah, petite frappe française de Toulouse, devenu suite à un concours de circonstances qui restent à étudier, un dangereux tueur de masse, les médias français mobilisés comme l'on n'a jamais vu auparavant, ont fait en vérité on verra ensuite au profit de qui — d'une pierre deux coups.
En effet, la presse de grande diffusion a, d'une part, quasiment réussi à escamoter une date historique, le 19 Mars 1962, qui marqua la fin de l'effroyable et peu glorieuse guerre que la France fit aux Algériens ; cette même presse a, d'autre part, réveillé chez tous les Dupont-Lajoie et autres brutes épaisses en civil ou en uniformes, l'image du «bougnoul-raton» et de la «Fatma-moukère » génétiquement violents et sauvages. On ne peut s'empêcher ici de rappeler, comme l'a fait Frantz Fanon dans son livre Les damnés de la terre, les infâmes affirmations des professeurs Porot et Sutter de la soi-disant «Ecole psychiatrique d'Alger», qui ont en effet écrit ceci : «L'Algérien a des lobes frontaux atrophiés… C'est un instinctif… D'où ses actes de violence.» L'Algérien n'était donc à leurs yeux qu'un «primitif» qui n'a pas achevé son «évolution»… Il le serait encore aujourd'hui, aux yeux de certaines braves gens et esprits éclairés. Ces écrits foncièrement racistes que je viens de citer datent de 1936 ; c'était l'époque où le «maurrassisme», qui n'est rien d'autre que du fascisme à la française, avait pignon sur rue en France, tandis que son alter ego allemand, le nazisme, se préparait quant à lui à bondir hors du Reich, pour anéantir les races et les civilisations inférieures. Or, on constate que les horribles assassinats commis par M. Merah ont donné à certains politiques et journalistes «engagés ou embedded» l'occasion de dire de façon subliminale ou de suggérer à demi-mot, l'infériorité d'une race et d'une civilisation que je vous laisse le soin d'identifier et avec laquelle ils n'ont pas l'air d'avoir réglé tous leurs comptes. On est en droit de poser à ces journalistes cette simple question : iront-ils, si l'occasion leur en était donnée, jusqu'à pisser sur le corps criblé de balles de Merah, comme l'ont fait ces trois ou quatre abominables GI's, filmés en train d'uriner sur des cadavres d'Afghans ' Qu'elle est belle la civilisation occidentale ! Mais le problème posé par l'affaire Merah n'est ni un problème de race et encore moins une question de religion. Faut-il rappeler à ceux qui ont la mémoire courte et sélective que trois des victimes de Merah sont des «beurs», comme on dit en France, et que deux d'entre eux au moins sont des musulmans ' En vérité, l'individu Merah, «son in-assimilation » ou «son in-intégration», de même que ses nombreux antécédents judiciaires, sa dérive terroriste, sa dangerosité patente mais qu'on n'a pas voulu voir, comme au demeurant l'état des banlieues françaises où se sont reconstitués des modes de vie communautaires en réaction aux ségrégations et où se sont aussi installés des rapports sociaux tendus et ainsi que des clivages tout droit venus des ex-colonies, tout cela interroge la France et les Français. Au lieu de crier au loup «algérien», il était sans doute plus pertinent pour les médias français de souligner et de répéter afin que nul n'en ignore, que Merah, dangereux criminel assiégé au rez-de-chaussée d'un immeuble de la banlieue de Toulouse, est né en France d'un père lui-même né en France «métropolitaine». Mais dire cela, c'est malheureusement pour ces journalistes avouer l'échec ou à tout le moins les sérieux dysfonctionnements de la politique française envers les «minorités visibles». Et puis révéler cela pouvait nuire à la campagne électorale de certains candidats à la présidence de la République et inversement profiter à d'autres. Il y a donc du parti pris. Il serait en outre naïf de croire que l'exceptionnelle mobilisation des forces de sécurité (DCRI, DPJ et RAID) sur place, la présence continue à Toulouse d'un ministre très communicant même s'il ne nous a pas appris grand-chose lors de ces interventions largement médiatisées, le transport sur les lieux de deux procureurs dont celui de Paris qui comme chacun sait est désigné par le gouvernement «ad nutum», la myriade de correspondants de presse et d'équipes de TV, bref que toute cette «grand-messe» ne participait pas de la campagne électorale qui, comble de la plaisanterie politique, aurait été suspendue depuis le 20/03/2012, suite à l'assassinat de trois enfants et d'un adulte de confession israélite ! Jamais, je le crois profondément, la campagne électorale n'a été autant présente qu'à partir de cette date, tant dans les médias que dans les faits et gestes de deux candidats Nicolas Sarkozy et Marie Le Pen — et bien sûr dans l'esprit des électeurs ! Le siège de Merah a duré trente heures ou un peu plus : c'est un record, sachant d'abord que l'assiégé ne détenait aucun otage (à l'instar par exemple des Tchétchènes que les Russes ont assiégés puis capturés après les avoir innervés à l'aide d'un gaz du type gaz surin), ensuite qu'il se trouvait dans un appartement situé au rez-de-chaussée d'un immeuble évacué de ses habitants, puis qu'on pouvait suivre ses déplacements avec des appareils spéciaux, et enfin qu'on disposait, au moins comme les Russes, de gaz incapacitants ! Merah a été tué, alors qu'il tirait à l'aide d'un colt, sur plusieurs policiers lourdement armés, venus à la queue-leu-leu «l'interpeller» dans les règles de l'art. L'autopsie qui a été faite a en effet révélé qu'il a été atteint d'une trentaine de balles dont une sur un côté du front, c'est-à-dire vers une tempe. Un peloton d'exécution n'aurait pas mieux fait. Une fois le corps du mort évacué, on donna le signal de la danse du scalp et l'on fit repartir au plus haut niveau la surenchère sécuritaire. C'est payant en ces temps électoraux. Mais si en plus de cela, la justice mexicaine, soudain prise d'un accès de bonté, avait décidé de libérer la dame Cassez, je crois que les Français auraient eu droit en prime à un beau feu d'artifices médiatique, pour le plus grand bonheur d'un seul candidat !


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