Algérie

Présidentielle 2014



Présidentielle 2014
L'élection présidentielle de 2014 est porteuse de graves dangers pour notre pays. Pourtant le peuple algérien y a fondé de grands espoirs. Nous risquons de basculer dans un enfer sans précédent alors que des alternatives de solution existent. Le monde entier est en train de nous observer ; avec amitiés et espoirs par nos amis et dédains et vengeance par nos ennemis. Pourtant ! En gestion de crises, les voies de sortie des situations les plus périlleuses existent, lorsqu'on communique et on considère le point de vue et les craintes de l'autre. L'exemple tunisien est édifiant. Toutes les parties prenantes avaient fait des concessions. Lorsqu'on veut tout avoir souvent on finit par ne rien avoir. Finalement, la Tunisie n'est pas sortie avec la meilleure Constitution possible mais seulement avec une Loi fondamentale qui permette de gérer au mieux la situation actuelle. Les dangers ont été transformés en espoirs. Il y avait derrière les négociations une fabuleuse gestion de crise. Nous avons laissé la situation déraper en 1991. Les Tunisiens se sont avérés meilleurs gestionnaires de crises que nous. Le prix que nous avions payé était terrifiant.La passion du pouvoir constitue la tentation suprême de tout être humain. Les conflits de pouvoirs dans le monde arabo-musulman ont commencé juste après la mort du Prophète (SAWS). Certes, historiquement on peut remarquer qu'il y a des exceptions mondiales (Mandela, Mahathir, etc.). Mais la probabilité d'en trouver de tels êtres humains est très mince. La convoitise du pouvoir dépasse n'importe quel autre désir d'un être humain. C'est pour cela que, si les mécanismes sociétaux ne l'encadrent pas fortement, il deviendrait le pire danger d'une nation. Les ex-pays de l'Est ont littéralement explosé pour avoir failli gérer les conflits de pouvoirs, en plus d'une mauvaise utilisation des ressources disponibles. Les pays développés arrivent à avoir une stabilité politique malgré les immenses imperfections de leurs systèmes : inégalité, lobbies, destruction de l'environnement, tyrannie de la finance, crises économiques à répétition. Mais les mécanismes de transmission de pouvoir sont efficaces. Ils ont ce que l'on appelle une démocratie construite. Nous sommes victimes de notre histoire. Les crises de pouvoir sont apparues depuis 1962. Nous les avons gérées selon les rapports de force. Nous avons abouti à ce que j'appelle d'une manière soft une "démocratie gérée". L'être humain détenteur d'un pouvoir oublie souvent qu'il pourrait être emmené à le remettre. Il multiplie les dépassements, les exceptions et les abus. Il oublie même qu'il est mortel. Par la suite, il se trouve dans l'impossibilité de quitter le pouvoir sans encourir de graves risques. Demeurer au pouvoir devient une question de survie. C'est là où intervient la gestion de crises.Il est encore temps de trouver des alternatives de solutions. L'Algérie est presque prête pour passer d'une démocratie gérée à une démocratie construite. Mais cela nécessite des compromis, des négociations et des concessions qui donnent des garanties aux uns et aux autres et permettent de sortir des situations piégées pour tous. Nous avons d'excellents gestionnaires de conflits qui permettent d'aller vers des alternatives de solutions beaucoup plus prometteuses que le chaos. L'Algérien moyen veut que toute faute commise doive être payée. Il oublie qu'à la place des décideurs qui ont commis des fautes il aurait probablement fait la même chose, enfin pour 99% des êtres humains. Il ne faut diaboliser personne ni idéaliser personne. Il faut se positionner au-dessus de tout cela et offrir plutôt une chance à l'Algérie de s'en tirer. Nous avons plusieurs alternatives à explorer en faisant ressortir leurs avantages, faiblesses et leurs conditions de réussite. On peut citer :un gouvernement d'union nationale ;une continuité avec mise en place d'un calendrier de passage à une démocratie construite (possible avant la fin du prochain mandat) ;une personnalité neutre appelée à gérer la transition ;un groupe de sages qui mettent les jalons de la transition ;Autre solution à identifier.En tout état de cause, la concertation doit déboucher également sur la prise en considération des craintes des uns et des autres. Elle peut nécessiter une révision de la Constitution après l'élection. Mais la transition nécessite de prendre en charge les inquiétudes des uns et des autres. L'Italie vient de nous offrir un bel exemple en ce sens. Elle a publié une loi qui permette à ses ressortissants, qui ont illicitement transféré des fonds à l'étranger, de les rapatrier en leur garantissant l'anonymat et de bénéficier d'une immunité. Passé le délai de trois ans, ceux q!ui ne le feraient pas seront poursuivis. Des dizaines de milliards d'euros furent gagnés par le Trésor italien. Une belle leçon qui peut nous inspirer. Quelle est la meilleure option pour un hittiste : essayer de punir ceux qui ont versé dans la corruption ou disposer des ressources pour obtenir un travail, un logement, fonder une famille dans un pays serein et éviter d'aller se noyer en mer ' Il y a toute une foule de détails à régler. Le passage d'une démocratie gérée à une démocratie accomplie passe par une étape transitoire. Cette dernière permettrait aux personnes qui se sont fait piéger de s'en sortir. Il vaut mieux un pardon qui bénéficie aux pays et à ses jeunes qu'une vengeance qui mettrait la nation à feu et à sang l'Algérie. Bien sûr qu'il y aurait des "puristes" qui diraient que tout un chacun doit payer. Mais en cinquante ans, personne n'a payé. Si on poursuit aveuglément cette voie nous allons beaucoup plus gérer le passé que l'avenir. L'expérience nous montre que cette chasse aux sorcières va aboutir à des règlements de comptes et à des situations inextricables. Et on risque de sombrer dans la déchéance. Cependant, à partir de la nouvelle loi, il faudrait mettre des mécanismes pour que ceci ne se reproduise jamais. Une transparence totale doit s'instaurer quitte à faire comme les pays scandinaves (n'importe quel citoyen ou association peut demander à voir les comptes d'un ministère, d'une institution publique, etc.). Les associations, les citoyens et les journalistes seront observateurs dans toutes les commissions et ont accès à toute l'information financière disponible. Ce sont des aspects techniques faciles à régler. Mais nous pouvons édicter des règles de jeux de sorte à ce que les malversations deviennent des exceptions extrêmement rares. Mais le problème urgent serait de sortir du marasme dans lequel nous nous sommes laissé entraîner. Il est malheureux de constater que les élites intellectuelles et surtout nos jeunes sont absents de ce débat qui les concerne. 60% de la population a moins de 25 ans et personne ne les a organisés pour être entendus. Pourtant c'est leur avenir qui se dessine. Ils ont des idées et de l'énergie qui comptent. Le nouveau phénomène politique mondial est l'extrême rajeunissement de la classe politique. Nous n'avons pas exploré toutes les solutions possibles. Nous allons droit à une crise aiguë sans que les acteurs aient exploré toutes les possibilités. Certains partis ou personnalités politiques peuvent avoir des visions sur la manière de s'en sortir. Surtout les candidats à la présidentielle. Il faut les écouter. Dans une situation pareille personne ne sait d'où peut provenir la bonne idée : peut-être une enseignant à Béchar, un paysan à Aïn Azzel ou un administratif à Béjaïa. Dans ces situations, l'intelligence d'un peuple peut produire une solution. Cependant, on n'a pas mis les moyens d'écoute qu'il faut. Il faut également faire participer nos spécialistes en gestion de crises. Nous risquons d'être dans une situation où chacun campe sur ses positions, se convainc qu'il a raison et les autres ont tort et avancer vers sa solution propre au lieu d'une option négociée. Nous nous sommes fait piéger ainsi en 1991. Je ne sais pas s'il y avait la possibilité d'une autre solution. Mais les protagonistes n'avaient pas suffisamment exploré d'autres situations. Les Tunisiens viennent de nous administrer une belle leçon sur la gestion des crises. Je ne sais pas si elle sera retenue. L'Egypte et surtout le Libye entrent dans une spirale infernale de crises. Il est facile de basculer dans de telles situations mais extrêmement compliqué de s'en sortir. Beaucoup de nos citoyens commencent à sortir de leur silence pour proposer des solutions. Mais généralement on évoque des solutions finales (retour au processus démocratique, ouverture des médias publics, utiliser rationnellement les deniers publics, etc.). Mais on nous dit rarement comment gérer cette étape transitoire. Il ne reste pas beaucoup de temps et on risque d'aller vers la confrontation au lieu du compromis qui placerait l'Algérie au-dessus de tous. Mais en même temps il faut gérer les craintes des uns et des autres. Nous avons besoin d'une gestion de crises qui transforme ces terribles menaces en opportunités et espoirs. Elle consiste à éviter de se focaliser sur les coups bas reçus et se concentrer sur les opportunités de sortie de crise. Je félicite nos amis tunisiens pour avoir su le faire. J'espère que nous nous hisserons au moins à leur niveau.A. L.(*) Economiste et chercheurNomAdresse email




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