Algérie

Préserver la paix


Publié le 20.06.2024 dans le Quotidien l’Expression
Dans cette phase critique où l’affrontement des puissances peut se transformer en une troisième guerre mondiale dévastatrice, le temps présent est à la vigilance.
Les pays du Sud assistent impuissants face aux guerres déclarées et aux conflits larvés que livre l'Occident à ceux qui contestent son hégémonie, cet Occident qui continue à leur faire subir après la fin de l'esclavage et de la colonisation une exploitation systématique de leur sol et de leur sous-sol et à les maintenir dans le sous-développement chronique de leur économie.

Les guerres en Ukraine et en Palestine, et les tensions en mer de Chine ne sont pas seulement les symptômes d'une fracture idéologique dans le monde, mais constituent également les prémisses d'un élargissement de ces conflits, impliquant et impactant tous les pays. Dans cette phase critique où l'affrontement des puissances peut se transformer en une troisième guerre mondiale dévastatrice, le temps présent est à la vigilance.

Cette vigilance s'accroît naturellement dans notre pays en suivant de près les évènements déstabilisateurs régionaux ou lointains qui s'accélèrent, s'intensifient et se rapprochent de plus en plus, de façon visible ou invisible, de notre espace terrestre, aérien et maritime. Partant de ces données, l'Algérie, connaissant le prix de la paix plus qu'aucun autre pays à cause du sang versé pour l'obtenir, anticipe le pire et s'organise pour préserver cette paix et sécuriser notre peuple face à toute agression.

La première arme est la dissuasion. Rappelons-nous la citation latine Si vis pacem, parabellum, traduite en français «Si tu veux la paix prépare la guerre» que le Chinois Sun Tzu a explicitée dans L'Art de la guerre et reprise par l'officier prussien Clausewitz. Cette thèse n'est pas une approbation de la guerre mais un rappel de l'importance de la force et de la préparation comme moyens de dissuasion contre l'agression.

Nous n'aurions pas crié: «Au loup!» si nous n'avions pas entendu un certain nombre de signaux qui nous ont alertés sur l'imminence du danger, dont notamment:

le non-respect du droit international par les belligérants des conflits actuels, notamment des résolutions de la CIJ et de la CPI, qui sonne la fin du règlement des conflits par la voie pacifique, ôte toute protection juridique aux pays sans défense, et les laisse à la merci des puissants dotés de forces plus grandes. La force du droit a été anéantie par le droit de la force.

Les budgets de défense, aussi bien d'équipement que de fonctionnement, qui augmentent dans quasiment tous les pays.
Certains de ces pays, les plus développés, ont décrété l'économie de guerre, donnant la priorité à la production d'armements pour leur propre défense ou pour leurs exportations.

L'élargissement des conflits et le déclenchement de nouveaux foyers de tension transfrontaliers qui constituent une autre source d'inquiétude car portent le risque de guerres régionales, y compris à nos frontières.

La constitution de nouvelles alliances plus sécuritaires qu'économiques en Europe avec l'élargissement de l'OTAN et de l'UE, en Asie Pacifique, dans les Amériques et sur le continent africain qui visent à s'assurer une défense et une protection communes.

La montée des mouvements extrémistes en Europe qui entraînera le virement à droite de la nouvelle UE, avec comme perspectives le vote de lois anti- immigration et des tensions dans les relations Nord-Sud.

Les pressions diplomatiques et économiques qui s'exercent sur de nombreux pays pour les aligner sur leur politique hégémonique, accompagnées de campagnes de déstabilisation des régimes récalcitrants.

Tout cela n'augure rien de bon. Nous constatons déjà les premières conséquences pour notre pays sur le plan économique et social de cette évolution géopolitique guerrière dont notamment: une sécurité alimentaire fragilisée, une inflation importée en augmentation, une diplomatie contrariée par des intérêts hostiles à notre soutien aux causes justes dans le monde.

A l'exemple d'autres pays, il s'agit d'anticiper les périls annoncés et se préparer à y faire face. C'est ce que fait l'Algérie avec, notamment, le renforcement continu de son armée par la modernisation et la diversification de son armement ainsi que par le perfectionnement continu de son encadrement. Elle assure en même temps la constitution de stocks de sécurité des produits de première nécessité, la consolidation du front politique intérieur et l'actualisation de ses alliances extérieures de défense et de sécurité.

Enfin, compte tenu de l'évolution rapide et imprévisible des évènements régionaux et internationaux, l'activation de la veille stratégique au niveau des autorités compétentes, pour assurer le suivi au jour le jour de ces évènements et de leur implication, permet de détecter et de neutraliser à temps tout phénomène pouvant constituer un danger pour la sécurité nationale.

*Expert international
Mohand Amokrane Cherifi