Algérie

Présentation de la pièce «Le banquet» au TNA Le Pouvoir de l’intelligence



Publié le 28.12.2023 dans le Quotidien l’Expression

Adaptée d’après la pièce de Mouloud Mammeri, celle-ci a été présentée devant une salle archicomble, mardi dernier, dans le cadre de la compétition officielle du Fntp…

L'on n'a pas trop compris si la pièce plaide pour l'intelligence artificielle ou l'intelligence industrielle, puisque nous l'aurons constaté, à la fin de la pièce, il ne suffit pas d'avoir beaucoup d'armement pour savoir gagner une bataille, encore faut- il avoir l'intelligence nécessaire pour savoir se défendre, autrement être fin stratège en étant doué... d'une forte intelligence! En gros, il faut savoir être le loup pour ne pas se faire dévorer comme une vulgaire brebis galeuse. C'est sans doute la morale de cette pièce, du moins, c'est la conclusion à laquelle nous sommes arrivées en voyant la pièce «le banquet», mardi dernier, au niveau du Théâtre National Algérien Mahieddine Bachtarzi. Un roi assez simplet, gigotant comme un clown, vit dans son palais, avec sa fille promise au prince, toujours prêt au combat. Son gouvernement entend parler de l'attaque imminente d'un ennemi venant de l'est..Vénérant vraisemblablement le soleil, mais sans pour autant savoir prendre des décisions, la royauté sait que le peuple n'est pas aussi heureux qu'on le prétend, malgré les richesses dressées par son empire.

La ruse pour vaincre
La princesse qui n'est jamais contente, elle est rebelle st fait l'objet de désir du chef de l'armée, incarné par cet homme bossu qui rappelle étrangement Quasimodo. Un point faible qui n'est pas sans susciter un certain déséquilibre dans ce royaume où ça gesticule de toutes parts et ça parle, sans sans grand effet. De la Frivolité à peine cachée qui caractérise ce royaume qui, un jour, décide d'organiser un grand banquet où le même peuple pourra y prendre part....

Alors que tout le monde est en train de festoyer, l'ennemi débarque à l'improviste et fait prisonnier tout le monde. L'on ne peut que se prendre de compassion pour ce roi, idiot pourtant, alors que l'ennemi n'a fait qu'utiliser la ruse pour arriver à ses fins.

Une certaine dichotomie est faite à première vue qui démontre l'homme intelligent comme le méchant et la victime bébête comme la figure du bien, même si en apparence seulement, car on se le dise, le peuple est asservi, la vérité n'est pas bonne à dire et les soldats du roi arrivent à dégainer leur pistolet avec une facilité déconcertante sur le premier poète venu!

Pour autant, ceci est loin d'être le message véhiculé par cette pièce qui donne surtout à réfléchir sur les moyens que l'homme doit acquérir pour avancer, autrement du savoir et un esprit bien éclairé, au-delà le matériel sophistiqué que l'on peut employer, nonobstant l'idée de la guerre qui, est là, remise en cause. Cette dernière aujourd'hui est beaucoup plus économique, géostratégique et technologique et pas que religieuse comme ce fut le cas jadis.

Car faut-il le noter, «Le banquet» est une adaptation contemporaine de la pièce du même nom «Le banquet» (qui initialement comprend plus de 160 comédiens), en plus d'un essai manifeste intitulé «la mort absurde des Aztèques» de Mouloud Mammeri. Tout deux publiés dans un même livre paru en 1973. Plaidant contre la colonisation, Mammeri estimait que si la mort des Aztèques est absurde, donc «leur histoire est la nôtre». Partant de ce postulat, et avec l'aide de Ali Abdoun, le jeune metteur en scène Faouzi Benbraham, aussi acteur et qui n'est pas à sa première mise en scène d'ailleurs, choisira d'actualiser cette histoire, en juxtaposant deux civilisations, une grotesque, promise à disparaître, ou risquant de subir le même sort ethnocide que les Aztèques et une autre, assez rigide, venant d'Orient et pourvue d'idées nouvelles porteuse d'espoir quant à la construction d'un avenir beaucoup plus moderne et «safe» pour la planète « Sur demande de Faouzi Benbraham qui a lu le livre, on a dû réécrire la pièce.

Des Aztèques à l'Algérie d'aujourd'hui
On a travaillé au début sur 60 personnages, puis 20 pour arriver à dix personnages. On a essayé d'être fidèle à l'auteur Mouloud Mammei tout en ayant une vision» dira Ali Abdoun lors du débat qui a suivi la représentation théâtrale, cette dernière entrant en compétition dans le cadre de la 16eme édition du Festival National du Théâtre d'Alger. Et de rajouter: « On n'est pas sorti de la poétique de l'auteur, du sens de l'ethnocide de l'auteur mais, on s'est un peu amusé, moi au niveau de la langue et lui, dans d'autres volets.» Et de préciser: « On a essayé de donner une autre lecture et dépasser les motifs d'envahissement par l'Occident par d'autres motivations car aujourdhui, les nouvelles richesses que l'on tend à piller, c'est le cerveau. Les valeurs du nouveau colonisateur que l'on a tenté de mettre en exergue avec le metteur en scène, sont les richesses avec la science. Par intelligence artificielle, on voulait dire la technologie, la science, le savoir! Tout les pays pauvres ont, quelque part, en eux l'esprit de colonisabilité car ils en ont marre de ce système. Aujourd'hui, c'est l'économie qui est la cause constante du colonialisme. Mouloud Mammeri écrivait en français, tandis que moi j'ai toujours voulu être le médium entre ceux qui écrivent en français, ces génies et ceux qui ne lisent pas Mohamed Dib, Kateb Yacine, Malek Haddad et autres..D'ailleurs c'est Faouzi Benbraham qui a eu le coup de foudre pour ce texte, moi je n'ai été que le transcripteur avec la langue que je maîtrise qu'est l'arabe. On a utilisé l'arabe classique universelle pour les étrangers et notre langue commune, natale, en essayant de sauvegarder la poétique de Mouloud Mammeri»

La poétique de Mammeri sauvegardé
Prenant la parole, Faouzi Benbraham dira avoir attendu ce moment depuis avoir entendu parler de ce texte en le rencontrant en 2015 dans une bibliothèque, à l'époque, alors qu'il était interdit. Nous n'avons pas adapté un livre mais plutôt une pièce de théâtre et je suis fier d'être le premier à avoir mis en oeuvre ce travail en Algérie. J'aurai souhaité qu'on fasse cette pièce avec de grands moyens mais hélas on ne peut pas faire de grosses productions en Algérie, car nous ne possédons pas d'industrie théâtrale grande, comme nous n'avons pas non plus une industrie cinématographique, ni télévisuelle c'est ce qui fait que nous n'ayons pas un public qui puisse apprécier un théâtre riche dans sa diversité. Personnellement j'aime travailler sur de nombreuses écoles de mises en scène. En littérature, j'aime le geste verbal. J'apprécie la sonorité. M. Ali Abdoun possède un verbe pas seulement narratif mais très imagé. Sur le plan dramatique, j'ai voulu effacer le confit qui existait dans la pièce d'origine, autrement les Espagnols contre les Aztèques car je suis quelqu'un qui travaille pour son public. Je suis quelqu'un qui vit dans son temps. J'aurai pu en faire une pièce tragique carrément, avec la même profondeur idéologique telle citée par Mouloud Mammeri mais je n'ai pas choisi cette voie. Je pense que l'audace figurait dans le déplacement de cette hisoitre dans un nouveau espace/temps.» a-t-il fait remarquer. Rappelons qu'au niveau scénographie, l'espace comportait des éléments lumineux suspendus, posés de par et d'autre de la scène, occupée, au milieu par un trône qui se voulait fragile. «Les ordres établis s'effritent par leur idiotie» dira le metteur en scène qui relèvera aussi: « Le colonisateur ici, est celui qui est intelligent. Point! J'ai dailleurs minimisé le rôle du pistolet électrique. Ce n'est pas avec des balles et de baroud qu'on pourra gagner. Non ce n'est pas ça! Aujourd'hui, il faut prendre la vague, sinon on subira le même stupide sort que les Aztèques.» soulignera le jeune metteur en scène Faouzi Benbrahma qui remerciera notamment Bobaker Mattalah pour sa musique que l'on entend en partie durant le spectacle. Un mélange de sons roots modernisés. Notons, enfin, que cette pièce chorale était rehaussée par une très belle distribution d'acteurs. On peut citer Rabi Oudjaout, Abdelkrim Briber, Sally Bennacer, Chaker Boulemdaïs, Nacereddine Djoudi, Ahmed Deham, Kamelia Bendrici, Hafida Benrazi et Brahim Djabellah qui se sont donné à fond sur les planches du TNA. Notons aussi le travail minutieux, non négligeable réalisé au niveau du costume. Au jury maintenant de juger!
O. HIND



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