Algérie

Près de 2 000 logements squattés vendredi



L'occupation massive et illégale de logements étatiques nouvellement construits, en instance d'attribution et qui a eu lieu dans la journée de vendredi dernier, ressemble, à s'y méprendre, à ce qui s'est passé durant les premiers jours de l'indépendance où des Algériens se sont accaparé des biens immobiliers laissés vacants après le départ précipité des pieds-noirs.Vendredi 5 mars 2019, donc, au moment où le peuple était dans la rue pour manifester afin de réclamer l'instauration d'un véritable Etat de droit, des gens ont pris d'assaut des cités entières constituées de plusieurs milliers de logements à peine finis et prêts à être livrés à leurs attributaires, dans le cadre des différentes formules de l'habitat lancées par les pouvoirs publics.
«C'est une véritable razzia», témoigne un citoyen, témoin oculaire mais indigné des faits. Des faits dont la gravité n'a pas laissé insensibles de nombreux citoyens interrogés, hier matin, à Tizi Ouzou, stupéfaits et outrés par ces assauts massifs pour occuper des logements par des personnes qui « ont fait fi de la légalité et qui ont, surtout, profité de ces moments où le peuple algérien s'est levé comme un seul homme pour dénoncer les prédateurs des deniers publics sous le regard consentant du pouvoir», nous disait un libraire d'un quartier du centre-ville. Jusqu'au milieu de l'après-midi d'hier, samedi, aucune réaction n'a été enregistrée de la part des autorités. D'où l'absence d'indication officielle sur le nombre de logements squattés. On parle de plus d'un millier de logements «razziés» sur le territoire de la commune de Tizi Ouzou (pôle d'excellence Oued Fali) et autant (un peu plus d'un millier) dans une zone mitoyenne située dans la commune de Draâ-Ben-Khedda, à dix kilomètres du chef-lieu de wilaya. Des informations contradictoires et non confirmées parlent d'un total de près de 4 000 logements illégalement occupés. Des individus ont jeté leur dévolu sur un immeuble dans le but de l'occuper en famille ou de le distribuer à leurs proches ou à leurs amis.
Rétrospective des faits
Tout a commencé dans la journée de vendredi, entre 13h et 14h. Alors que la manifestation battait son plein dans les rues de Tizi Ouzou, des centaines de jeunes qui, à l'évidence, ont prémédité leur coup, selon la bonne méthode du bouche-à-oreille, ont pris d'assaut les cités d'habitation dont certaines sont entièrement finies et d'autres en voie de l'être et où les aménagements extérieurs ne sont pas encore réalisés. Ce que nous avons pu constater, au niveau du pôle de Bouaïd, à la sortie est de Draâ-Ben-Khedda, à partir de l'autoroute où nous avons pu voir plusieurs véhicules stationnés sur la bande d'arrêt d'urgence. Sur place, des jeunes étaient en train de prendre leur petit-déjeuner, sans doute après une nuit de veille sur les lieux. En contrebas, d'autres étaient devant les portes des immeubles, sans doute en train de monter la garde.
Des témoins disent que des «piquets» de garde ont été mis en place durant la nuit, pour prévenir contre toute intrusion. Que ce soit de la part des services de sécurité ou d'autres personnes qui seraient tentés de faire main basse sur des logements déjà occupés.
Même scénario au niveau du pôle d'excellence de Oued Fali de Tizi Ouzou. Un site pris d'assaut à la mi-journée par des jeunes âgés de 25 à 30 ans, ils seront suivis peu après par des personnes plus âgées dont des familles pour prendre possession des logements. Hier matin, des brigades de jeunes montaient la garde devant des immeubles, alors que d'autres observaient de l'intérieur des habitations et postés devant les fenêtres ce qui se passait aux alentours. Là aussi, des «piquets» de surveillance constitués de brigades de jeunes ont été installés durant la nuit de vendredi à samedi, selon des témoins. De passage sur les lieux, un citoyen nous fait part de son étonnement de trouver sur place des voitures récentes et coûtant plusieurs millions de centimes. «Ce qui, explique-t-il, est un signe extérieur de l'aisance matérielle de certains squatteurs.» Et d'expliquer que certains parmi ces derniers étaient des demandeurs de logements sociaux. Des candidats à l'obtention d'un logement social mais recalés et qui auraient ainsi agi pour protester contre le mode de distribution par la commission de daïra. D'autres seraient dans la même logique que celle qui a prévalu en 2001 où de nombreuses personnes ont profité des troubles et de l'instabilité vécus à l'époque en Kabylie pour occuper des logements, jusqu'à aujourd'hui. Devenant des propriétaires de fait, profitant du laisser-faire de la puissance publique.
S. A. M.


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