Algérie

Premiers pas



La Turquie, en enchaînant un certain nombre d'initiatives diplomatiques, entend de toute évidence se positionner comme acteur d'influence sur la scène internationale. En témoignent sa médiation dans les négociations indirectes entre Israël et la Syrie ou son rôle dans la stabilisation d'une région sous haute tension avec l'occupation militaire de l'Irak et le dossier explosif du nucléaire iranien. La visite que vient d'effectuer en Arménie le président turc Abdullah Gül souligne davantage encore une démarche à contre-courant de préjugés solidement enracinés. Il est en effet notoire que les relations de la Turquie avec l'Europe ont toujours été sous-tendues par la question du génocide arménien.C'est un contentieux historique suffisamment lourd pour constituer un obstacle majeur à l'adhésion de la Turquie à l'UE. Une entrée à laquelle continue de s'opposer plus particulièrement encore la France. En se rendant à Erevan, la capitale de l'Arménie, Abdüllah Gül désamorce cette charge qui a pesé sur la Turquie comme une chape de plomb. Du côté de l'Arménie également, il convient de relever une évolution significative dans la difficile construction d'un pont d'autant plus fragile qu'il est miné par le travail de la mémoire. Jamais le président turc n'aurait été reçu à Erevan si les dirigeants arméniens et à leur tête le chef de l'Etat, Serge Sarkissian, n'étaient pas désireux de ne pas insulter l'avenir. C'est la première fois qu'une possibilité de dialogue s'instaure entre les deux nations turque et arménienne.Considérée comme une démarche fondatrice d'une possible normalisation entre les deux pays, la visite du président turc intervient dans un contexte dominé par la résurgence des tensions dans le Caucase. Les capitales occidentales craignent à cet égard que l'exemple de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie ne fasse tache d'huile et s'étende par exemple au Nagorny-Karabakh. C'est de la part du président turc un signal fort lancé en direction des Etats-Unis et de l'UE, qui voient s'affirmer un redéploiement de la Russie dans la région du Caucase où la Turquie n'est pas tout à fait absente. L'avenir dira si cette première prise de contact, qui sera suivie d'une prochaine rencontre entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays, ce mois-ci à New York, ne donnera pas lieu à l'élaboration d'une feuille de route pour aboutir à une normalisation fortement espérée par la Turquie.C'est en fait une voie ouverte à une démarche de repentance qui, pour le moment, ne dit pas clairement son nom mais que rend incontournable l'évolution du monde en ce XXIe siècle qui est celui des mutations les plus radicales. Il conviendrait simplement que les changements que rendent imaginables les premiers pas entres Turcs et Arméniens ne soient pas contrariés par la surenchère politicienne de tierces parties qui souhaitent entretenir ce climat d'opacité et de ressentiment. Il s'agit en fait de ne pas pousser la Turquie dans le déni sans fin et l'Arménie dans le repli victimaire. C'est par le dialogue que les deux nations, si elles le veulent vraiment, pourront se libérer des pesanteurs du passé et ouvrir enfin une page nouvelle que nul n'osait envisager il y a si peu.


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