Quelques solutions pratiques pour limiter les attaques d'éperviers sur les oiseaux attirés par la nourriture mise à leur disposition.
L'Épervier d'Europe (Accipiter nisus) est un petit rapace commun et en expansion. Il se nourrit presque exclusivement d'oiseaux (mésanges, pinsons, grives, merles, étourneaux...). Le mâle étant d'une taille inférieure à celle de sa 'compagne', il s'attaque à des proies plus petites (jusqu'à 120 grammes), la femelle pouvant elle tuer des oiseaux plus gros qu'elle, comme le Pigeon ramier.
On n’observait autrefois cette espèce que dans les bois et dans les forêts de feuillus, de conifères ou mixtes (elle chassait alors dans les lisières et les clairières) et dans les secteurs de bocage et de bosquets, mais depuis une vingtaine d'années, suite à l'expansion urbaine, à l'interdiction de l’usage de certains produits chimiques qui perturbaient sa reproduction et à la protection dont elle bénéficie, elle colonise de plus en plus souvent les banlieues et même les centres-villes : elle niche ainsi en plein Paris, à Montmartre.
Certains éperviers ont bien compris que les jardins dans lesquels de la nourriture était distribuée (en hiver surtout, mais aussi parfois toute l'année), et qui attirent donc de nombreux passereaux, constituaient de très intéressants terrains de chasse: ils se postent à l'affût près des mangeoires. Leurs attaques, même si elles sont rarement couronnées de succès, provoquent la panique et entraînent parfois une désertion du secteur.
Même si nous pensons qu'il est préférable de ne pas intervenir car il s'agit là d'un processus tout à fait normal (et l'impact de ces rapaces sur les populations d'oiseaux est bien moindre que celui des chats), des personnes nous ont contacté pour connaître des moyens de limiter le nombre d'oiseaux tués.
Nous présentons dans cet article des arguments en faveur d'un 'laissez-faire', mais aussi des solutions pratiques pour diminuer les captures.
Abstract
The Eurasian Sparrowhawk (Accipiter nisus) is a small raptor which is more and more common. It feeds almost exclusively on birds (tits, finches, thrushes, blackbirds, starlings...). The male is smaller than the female, and so it hunts smaller preys (up to 120 grammes). The female can kill larger birds such as Woodpigeons. In the past, we only watched this species in woods, forests and wooded cultivated areas, but For about twenty years, it has been colonizing suburbs and even city centres as a result of urban expansion, the prohibition of certain chemicals and its legal protection.
Some Sparrowhawks have understood that gardens where food is distributed (in winter, but sometimes all year round) attract many birds and are so very interesting hunting grounds: they station themselves near feeders and try to catch Passerines. Even if they are rarely successful, they cause panic and the sector often becomes more and more deserted (it is nevertheless important to say that cats are much more dangerous for the birds in our gardens!).
We propose practical solutions to decrease the number of killed birds, although we are in favour of laissez faire.
Un prédateur spécialisé et habile
L'Épervier d'Europe est un petit rapace (le mâle adulte mesure de 29 à 34 cm de long et la femelle de 35 à 41 cm) spécialisé dans la chasse des oiseaux des bois et des campagnes. Il s'agit d'un rapace polyvalent, capable d'appliquer différentes stratégies de chasse. Il attrape principalement ses proies par surprise, profitant des haies, des taillis et des autres cachettes disponibles. Il vole rapidement et habilement entre les arbres et juste au-dessus des buissons grâce à ses ailes arrondies et à sa longue queue (lire Différencier l'Épervier d'Europe de l'Autour des palombes). Ce rapace se place parfois à l'envers pour saisir sa victime par dessous. Il peut aussi la courser à travers la végétation ou de fondre sur elle comme un faucon. Deux oiseaux peuvent chasser ensemble.
Lors d'une chasse, l'épervier peut parcourir 2 à 3 km. Son territoire de chasse couvre de 7 à 12 km², une superficie qui varie selon l'abondance des proies.
La victime est tuée rapidement grâce aux longues serres et au bec recourbé de l'épervier. Il la déplume et lui arrache des lambeaux de chair.
Un mâle tue des oiseaux pouvant peser jusqu'à 120 grammes, les femelles peuvent quant à elles s'attaquer à des proies pesant jusqu'à 500 grammes ou plus. La consommation quotidienne est 40 à 50 grammes pour le mâle et de 50 à 70 grammes pour la femelle. Le mâle se nourrit essentiellement de passereaux pas plus grands que des grives, comme des Paridés (mésanges), des Fringillidés (serins, linottes, chardonnerets), des Passéridés (moineaux) ou des Emberizidés (bruants). La femelle consomme principalement des Turdidés (grives, merles) et des Sturnidés (étourneaux), mais elle peut également s'attaquer à de plus gros oiseaux.
Selon une étude menée en Grande-Bretagne durant l'hiver 2001-2002 par le British Trust of Ornithology, les proies les plus fréquentes étaient la Tourterelle turque (Streptopelia decaocto) (20 % des captures), le Verdier d'Europe, l'Étourneau sansonnet et le Moineau domestique.
Plus de 120 proies ont été identifiées en Europe.
En un an, un couple d'Éperviers d'Europe pourrait tuer 2 200 Moineaux domestiques (Passer domesticus), 600 Merles noirs (Turdus merula) ou 110 Pigeons ramiers (Columba palumbus).
Les espèces qui se nourrissent à découvert, ou qui sont facilement repérables par leur comportement ou leur coloration, sont privilégiées : c'est le cas par exemple de la Mésange charbonnière (Parus major) et du Moineau domestique.
Des petits mammifères, comme les chauves-souris, sont parfois attrapés.
Mais il est important de préciser que l'impact des éperviers sur les oiseaux est bien moins important que celui des chats (lire Les chats ont également des effets négatifs indirects et Protéger les oiseaux des chats).
Une étude a examiné l'évolution d'une population de Mésanges bleues (Cyanistes caeruleus) dans une zone où un couple d'Éperviers d'Europe avait commencé à nicher en 1990 : elle a conclu que le taux de survie annuel des adultes avait diminué de 0,485 à 0,376. La taille de la population reproductrice n'a pas été modifiée, mais il y avait moins d'individus non reproducteurs dans la population. En forêt, les Éperviers d'Europe seraient responsables de la mort d'un tiers de toutes les jeunes mésanges.
Ce rapace a été mis en cause dans la diminution des populations de certains passereaux, mais les recherches menées n'ont pas établi de lien entre l'augmentation du nombre d’éperviers et les déclins de certains oiseaux des terres agricoles ou des bois après la Seconde Guerre mondiale; les études des décès des pigeons de course montrent que les éperviers sont à l'origine de moins d'un pour cent des pertes. On estime que 10 % de ses attaques sont en moyenne couronnées de succès.
Un rapace en expansion en ville
Autrefois, l'on n’observait les éperviers que dans les bois et les forêts de feuillus, de conifères ou mixtes (il chassait alors dans les lisières et les clairières) et dans les secteurs de bocage et de bosquets, mais depuis une vingtaine d'années, suite à l'expansion urbaine, à l'interdiction de certains produits chimiques qui perturbaient leur nidification et à la protection dont ils bénéficient, ils colonisent de plus souvent les banlieues et même les centres villes : ils nichent ainsi par exemple à Montmartre, en plein Paris (lire Une nidification de l'Epervier d'Europe à Montmartre).
Lors d'un recensement ('Garden Bird Survey') mené en Irlande durant les hivers 1993-1994 et 2003-2004, l'épervier a été le rapace le plus fréquemment vu dans les jardins (trouvé dans près de 30 % d'entre eux).
Un rapace audacieux
Les éperviers peuvent être audacieux, et ils n’hésitent parfois pas à chasser tout près des maisons.
Mary-Gaëlle Tacnet, membre de notre comité de lecture, nous a ainsi décrit le cas d’une femelle d’épervier qui vient se poser en hiver deux à trois fois par semaine, en général au lever du jour, sur le toit de la grande mangeoire placée juste sous la fenêtre de sa cuisine et qui attire de nombreux passereaux (Mésanges nonnettes, charbonnières et bleues, Chardonnerets élégants, Bouvreuils pivoines, Verdiers d’Europe, Tarins des aulnes, Pinsons des arbres et du Nord, Pics épeiches…) (voir la vidéo ci-contre).
Le 14 novembre 2013, cet individu (le même ?) a capturé au vol une Mésange bleue juste devant la véranda. Le 15 novembre il était encore perché juste devant une fenêtre.
Gérard Rolin, membre de notre comité de lecture, nous a également rapporté l'anecdote suivante : un canari avait installé dans un cage placée derrière une fenêtre avec une vue sur le jardin. Alors qu'il chantait, une femelle d'épervier avait heurté violemment la vitre en essayant de le capturer. Heureusement, elle n'était que 'sonnée' et est partie se poser dans un arbre voisin.
Les arguments en faveur d'un 'laissez-faire'
- Pour plusieurs observateurs, il ne faut pas intervenir, même si un épervier chasse dans votre jardin. Et en effet plusieurs arguments plaident en faveur d'un 'laissez-faire':
- l'épervier est une espèce indigène de nos contrées et il fait donc intégralement partie de notre avifaune; il est en outre intégralement protégé;
- les éperviers ne s'approchent généralement des maisons que lorsque les conditions météorologiques sont rudes (neige abondante, gel prolongé) ou quand ils ont niché dans le secteur et qu'ils nourrissent leurs petits (au printemps);
- le nombre d'éperviers est limité par celui des passereaux présents. D’autre part, au-delà d’une certaine densité de proies, 'l’effet de satiété' réduit son activité prédatrice;
- l'impact des éperviers sur les oiseaux est bien moins important que celui des chats (lire Les chats ont également des effets négatifs indirects et Protéger les oiseaux des chats).
- les rapaces ne sont pas responsables du déclin de plusieurs espèces de passereaux depuis 25 ans : c'est essentiellement l'intensification des pratiques agricoles qui a entraîné leur chute;
- La présence croissante des éperviers dans nos jardins est la preuve de ses capacités d'adaptation aux changements du milieu, et cela est plutôt encourageant;
- les mangeoires sont simplement les 'équivalents urbains' des accumulations de nourriture qui se produisent de façon saisonnière dans la nature et qui attirent aussi beaucoup de petits oiseaux, comme lorsque les faînes qui s'accumulent sous les hêtres en automne.
Quelques idées pour diminuer le nombre d'oiseaux tués
Même si'il nous semble préférable de laisser faire la nature, certaines personnes considèrent qu'ils doivent assurer la 'sécurité' de leurs 'hôtes'. Voici donc quelques pistes pour diminuer le nombre d'oiseaux tués par les éperviers:
- ces rapaces chassent à l'affût, mais ils ont besoin d'un peu d'espace pour les attraper : il faut donc éviter que les oiseaux que vous nourrissez soient trop à découvert et faire en sorte qu'ils puissent facilement se réfugier dans un taillis proche. Installez donc vos mangeoires près d’un ou de plusieurs hauts buissons protecteurs, épineux si possible. Certains buissons offriront même des baies (lire Aménager son jardin pour les oiseaux). On a remarqué que les mésanges et les passereaux se nourrissaient plus volontiers quand la nourriture était distribuée près d’un abri protecteur. Par contre, il ne faut pas placer vos mangeoires trop près de votre maison : il faut donc trouver la bonne distance!
- Vous pouvez déplacer vos mangeoires pour repérer les emplacements les plus sûrs. D’autre part, des déplacements réguliers empêcheront les rapaces de se trouver un affût régulier. De même, évitez de concentrer l’apport de nourriture à un seul endroit.
- Préférez les plateaux de nourrissage munis d’un toit.
- Vous pouvez placer vos mangeoires dans une sorte de cage métallique composée d’un grillage à larges mailles (au moins 5 cm) ou sous une treille, ce qui empêchera les éperviers de rentrer tout en permettant aux petits oiseaux de circuler librement.
- Plus simplement, il suffit de 'compliquer' l’approche du rapace en plaçant quelques perches ou grands bâtons près des mangeoires. Vous pouvez également installer un parasol sans le tissu qui le recouvre, les baleines étalées empêchant les rapaces de s’approcher.
- Les feuilles et les canettes en aluminium ou les CDs suspendus aux branches proches de la mangeoire effraient les éperviers (mais aussi d’autres oiseaux, ce qui n’est pas l’effet recherché), mais généralement seulement durant un temps limité.
- Un ballon avec de grands yeux dessinés dessus, comme le 'Gardeneer Guard-N Eyes TE-12C' proposé par la société Daren, censés effrayer les prédateurs comme le font les ocelles des ailes des papillons (lire Les papillons machaons peuvent vraiment effrayer les mésanges), semble assez efficace.
- Des boules à miroir 'anti-rapaces', placées sur des mas, sont utilisées par les colombophiles.
- Certains propriétaires favorisent la présence des Corvidés (Pie bavarde, Corneille noire) dans les jardins car ils n’hésitent pas à houspiller les rapaces et contribuent donc à les éloigner (lire Corvidés et rapaces, des ennemis farouches?).
- Les éperviers augmentent leurs attaques quand ils nourrissent leurs petits: il s’agit là donc d’un argument en faveur d’un arrêt du nourrissage dès la fin de l’hiver (lire Quand faut-il arrêter de nourrir les oiseaux : en mars ou en avril?).
* Photo:Epervier d'Europe (Accipiter nisus) venant de déplumer un oiseau dans un jardin.
Merci pour le commentaire. Pour votre miroir anti-rapace, il faut vous adressez à un spécialiste dans ce domaine. Bonne journée
Karaali Abdelouahab - Constantine, Algérie
07/02/2018 - 370138
J ai acheté la boule miroir anti rapaces à quelle hauteur idéale doit elle être fixée sur le mat ?
Chantal DUBOIS - Aide soignante - Roye, France
03/02/2018 - 369873
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 29/11/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: Cédric Berthelin ; texte: Validé par le comité de lecture en date du 19/11/2013 '
Source : http://www.ornithomedia.com/