Algérie

Pouvoir intemporel et pouvoir réel Edito : les autres articles



La démission ou la faillite des canaux de dialogue officiels et officieux représentés par les structures de la société civile ont fait que l'on assiste à un face-à-face dangereux entre les citoyens et le pouvoir. Cela s'est encore vérifié avec la tension autour de l'emploi à Ouargla et dans les autres villes du Sud, où toutes les tentatives de dialogue initiées à travers les mécanismes institutionnels au niveau local ou national
ont lamentablement échoué dans leur mission de bons offices.
L'Algérie d'aujourd'hui n'est plus celle du siècle dernier. Les structures traditionnelles de médiation et d'intermédiation de la société, fondées sur le pouvoir des notables, des chefs de tribu, de la djemaâ en Kabylie, des zaouïas, sollicitées pour arbitrer les conflits sociaux et les contentieux de toute nature, petits et grands, ont manifestement perdu aujourd'hui de leur influence. La notion d'autorité morale autour de laquelle étaient organisés les rapports sociaux et de pouvoir dans la société traditionnelle a fait son temps avec l'évolution générationnelle qu'a connue le pays depuis l'indépendance, la déstructuration du tissu social auquel s'est substituée une nouvelle forme d'organisation politique et sociale de la société, le poids des influences extérieures.
La réaction de la Coordination des chômeurs de Ouargla, qui a exigé de dialoguer «avec le pouvoir réel», est à cet égard symptomatique de la perception qu'ont les jeunes de la réalité du pouvoir en Algérie ainsi que des groupes d'influence qui ne sont plus incarnés par les structures traditionnelles mais par les nouveaux lobbies de l'argent et de l'affairisme. En déphasage par rapport aux transformations de la société, le pouvoir continue de s'appuyer sur les réseaux des notables et des zaouïas pour tenter d'amortir les chocs politiques et sociaux auxquels est confronté le pays. Le choix de l'envoi à Ouargla d'un chef de zaouïa en tant qu'émissaire de la présidence de la République, pour ouvrir un dialogue avec les jeunes chômeurs, entre dans cette logique de nos dirigeants consistant à puiser dans les sentiments religieux, les croyances et les valeurs ancestrales des Algériens, dans le pouvoir intemporel, des arguments pour dénouer toutes les situations de crise.
La réalité du terrain a une fois de plus démontré qui ni les notables de Tamanrasset et d'ailleurs ni les chefs des confréries religieuses n'ont réussi à peser sur les événements d'hier et d'aujourd'hui. Bouteflika, qui a beaucoup fait depuis son arrivée au pouvoir pour réhabiliter et réactiver ces structures, qui le lui ont bien rendu en appuyant ses trois candidatures successives, ne semble pas l'avoir compris. Discréditées et délégitimées tout autant que le pouvoir, les organisations socioprofessionnelles proches du sérail, à l'image de l'UGTA, ne mobilisent plus. Preuve en est qu'au lieu d'envoyer Sidi-Saïd rencontrer les chômeurs de Ouargla, c'est sur un chef de zaouïa que s'est porté le choix du Président. De démission en compromis et compromission, on en est arrivé aujourd'hui à une phase où le pays est gouverné sur le modèle des sociétés primitives.


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