Une opposition au
sens politique est-elle une nécessité pour être un contre-pouvoir ou une simple
siccité pour s'aveugler sur les tares du pouvoir ? Tout pouvoir en droit a
besoin d'une opposition, le pouvoir en fait en est en plein manque.
Sans contestation
aucune, l'actualité du moins celle post avril confirme par preuve tangible que
le pouvoir excelle dans la maîtrise de la pratique du régime. Ses ennemis,
voire ses adversaires ou ses détracteurs, n'ont de cure de cette pratique que
des jérémiades, des lamentations et de la résignation fatidique. Selon le menu
que nous livre cette actualité ; il est difficile de pouvoir distinguer le
moindre brin d'une lutte qu'auraient à exercer les partis dits d'opposition. A
en croire durement que l'un et l'autre ne forment en fait qu'une seule et
unique entité.
Parce qu'elle est frappée d'asthénie et
bourrée de parasites, l'opposition est dans ce cas inutile. Le sacrifice de
temps, qui équivaut souvent à un recul tactique, vaudrait mieux qu'une piètre
démonstration vouée assurément à l'autodestruction. Pour la figuration, il
n'est pas nécessaire d'ameuter le monde autour de soi. On a bien vu des
immenses grèves, notamment à la SNVI, El-Hadjar, les hôpitaux, mais tout le
monde a remarqué l'absence totale d'une dynamique oppositionnelle. Le politique
n'y était pas. Les professeurs en médecine étaient bastonnés, mais aucun parti
n'a jugé les prendre en charge. A s'interroger sur le comment doit-on exercer
une force d'opposition si ce n'est à l'occasion de telles circonstances idoines
pour tout mouvement politique, quand il ne le crée pas ?
Depuis l'écrasante victoire électorale du
président, le pouvoir a su se faire offrir le luxe de l'aisance de gestion. Plus
une force n'est en mesure de lui obstruer le chemin qu'il compte faire
entreprendre à la destinée nationale. Programme ou pas programme ; coalition ou
non ; il persévère intransigeant dans le style multiple qui désormais le
caractérise : son intime conviction ; son humeur et sa potentielle vision des
choses. Tous les remparts ont été rompus. Du simple à l'infranchissable. Des
partis (es) à l'armée ; plus rien ne lui résiste. Comme un rouleau compresseur
; sûr ; serein et rassuré ; il dégrafe nÅ“ud par nÅ“ud les mailles d'une
opposition qu'il prétend n'être pas de l'amplitude pragmatique qui le
prédispose, virtuose dans les arcanes de l'autorité. Même les arouchs n'ont
plus cette vigueur ; cette fermeté ou cette rigueur de demander ; d'exiger ;
encore loin de proférer des menaces accrocheuses l'ordre public ou l'unité
nationale. Les émeutes qui se sont érigées en mode d'expression populaire et
revendicative se voient abandonnées tant par les concepteurs installés dans les
laboratoires centraux de la déstabilisation que par les acteurs locaux alléchés
par l'odeur séduisante des charognes. Le pouvoir reste donc imbattable sur le
plan politique. Il n'a pu être tracté dans les cloaques que tissent à bout
portant et à tout bout de champ certains zélés en manque de publicité
politique. Les scandales importants, de Sonatrach à l'autoroute et d'autres
faits rendus proéminents n'arrivent point à engendrer son intervention ni
secouer sa tranquillité. Le débat étant inscrit dans un règlement de compte
personnel, le pouvoir se surélève altier au-dessous de tout ce tapage
inefficient.
Tous les opérateurs agissant dans le champ
politique ; syndical ; patronal ; ou ceux inscrits dans les ordres ; les
corporations ; le bâtonnât ; les fondations ; les comités et les associations ;
du culturel au sportif ; de l'historique à l'animation juvénile ; tous. Lui
sont acquis.
Tellement le système de gestion des affaires
publiques s'est réinitialisé, en faisant de la sourde oreille une tacite
réponse aux différentes manÅ“uvres tendant à son renversement ; ce système avait
pu résister par-devant tous les obstacles. Si une ou deux journées d'émeutes
ont pu en ce 05 octobre 1988, procéder au changement radical de l'essence même
du régime ; les trois années de la grande émeute en Kabylie ou ailleurs n'ont
pas pu en effet oser entraîner le moindre recul dans la trajectoire que s'est
tracée ce régime. Une fois la façade du pays s'est parée d'une législation à
connotation démocratique à opposer aux tiers du monde textes fondamentaux à
l'appui ; le reste n'est qu'une affaire de souveraineté nationale. Finies, les
menaces prétendant l'ingérence au nom du droit des minorités brandies par
néo-adeptes des puissances étrangères vers 1991/1992, suite à l'arrêt du
processus électoral. Finie, la résistance armée au nom d'un islam que
l'ensemble de la population n'arrivait point à s'y situer. Finie, la suprématie
du militaire sur le politique. De l'extérieur sur l'intérieur. Du général au
particulier, le président Bouteflika aurait donc avec beaucoup de constance,
d'adresse et de silence actif coupé le souffle à tout le monde. Point
d'opposition. Nulle contestation. Aucune doléance. Le tout va bien, dont l'aveu
et l'annonce doivent être enjoints, semble gagner tous les cÅ“urs. Dans les
institutions républicaines l'heure n'est plus à la partisannerie. Les clans
font office d'un unique parti. D'ailleurs, peut-on actuellement parler de clans
au sens pluriel et multiple ? Alors que nous sommes en présence d'une seule et
unique idée. L'appartenance au pouvoir. Quel que soit l'étiquetage ou le label
de fabrication d'avant avril 2004 ou 2009 le rangement est le même et aux mêmes
étalages. C'est d'ailleurs vrai que d'avoir honte à se cantonner encore dans la
fibre faible d'une objection politique qui n'entreprend rien pour, au moindre
effort, assurer ne serait-ce que la survie de son personnel. A ne plus vouloir
s'identifier dans cette honte qui perfore l'ultime ténacité encore rattachée à
l'ombre d'une incertaine opposition ; des unités, entités associées voire
d'individus se sont jetés sans coup férir et jusqu'à mourir malheureux sur les
remparts du pouvoir. Car, c'est simple ; le pouvoir s'aide aussi à remplir
implicitement la mission de l'opposition interne. Encouragée de la sorte ; elle
ne cesse de se ravitailler par l'aigreur, le rejet et la marginalisation. En
somme, elle se revivifie de tout ce que l'on nomme communément des
ex-fonctions. Elle est somme toute pernicieuse. Comme la guérilla fausse la
clarté d'une guerre, l'opposition interne déprave le jeu de la coalition. Croyez-vous
que toute coalition ne sert généralement que l'intérêt de l'axe central des
coalisés ? Chaque maillon qui la compose cherche le réconfort pour ses troupes.
Lorgne la moindre place laissée vidée sur un banc de prérogatives puissance
publique. Premier ministre, leader d'un parti ou simple coordonnateur d'un
brouhaha pris comme parti ; ils zyeutent les audiences avec le président de la
République en vue d'apparaitre à l'opinion publique comme étant toujours dans
sa bienveillante grâce. Le niet présidentiel est un savoir de gestion que le
chef de l'Etat sait hautement le notifier.
C'est la texture systémique de ce pouvoir qui
a fait, pour les uns que le départ volontaire en retraite est une urgence, que
le renoncement est un salut personnel, que l'oubli de la politique et la
servitude au service du service public ne doivent être qu'un souvenir lointain
d'une époque qui ne s'apprête qu'au prolongement. Pour d'autres, c'est
justement cette opportunité idoine que leur offre le système conçu ainsi sur
l'exclusivité de vision, qui devait favoriser leur réintégration et leur
recyclage.
Il leur suffit
d'approuver à l'appui de déclaration de subordination et avec beaucoup de
calculs le fonctionnement du système, pour qu'ils puissent oser prétendre,
croient-ils aux pourboires gratifiant de telles initiatives. Le hic, c'est que
parfois, c'est l'effet inverse qui se produit. Le rien, l'indifférence ou le
dommage collatéral. L'exercice du pouvoir ne se limite plus à l'orthodoxie des
dispositions légales tant que celles-ci n'obéissent plus à l'exigence de
l'heure. La reforme généralisée et intersectorielle n'est-elle pas redevenue une
éternelle commission où la réflexion est continuellement permanente ? Ne
faudrait-il pas repenser ou « reformer » carrément la procédure ayant présidé à
ce jour le traitement des réformes ? Tout ce que l'on peut dire, c'est que la
reforme ne doit plus être perçue comme une commission, un président et des
membres tire-au-flanc ; mais bel et bien un constat neuf et neutre d'une
réalité, une projection d'avenir faisable et une farouche volonté de créer la
symbiose entre la réalité et la projection.
Dans cette optique, les gestionnaires ne
montrent pas leur cran à veiller à la justesse des réformes. Certains ministres
vont jusqu'au doute de leur labeur. Certains walis vont jusqu'à mentir en
travestissant les priorités populaires en objectifs dits de développement
stratégique. Construire des pôles universitaires gigantesques dans des
localités où le rapport logement/citoyen-demandeur est plus important que celui
place-pédagogique/citoyen-demandeur ne peut reposer que sur un fantasme
pharaonique d'aspirer à construire à la mesure de sa grandeur. L'apurement du
paysage politique est peut-être un autre effet inverse parmi ceux suscités, dû
à la ligne personnellement présidentielle. Bouteflika a le mérite au moins
d'avoir su dévêtir, dépouiller publiquement tous ceux qui faisaient faire
croire autrui que la démocratie est une foire, que la liberté de presse est une
insulte que le droit syndical est un sabotage, que les députés sont des
représentants du peuple, que le terrorisme est une destinée, que les partis sont
indispensables, que l'opposition enfin est un parasite. Il aurait de la sorte
fait taire pas mal de voix inutiles, superfétatoires et valant de surcroît trop
cher au Trésor public. Les subventions sont budgétisées comme de dépenses
provisionnelles. L'opposition «résiduelle» ou ce qui en reste de ce 09 avril
est en meilleure posture maintenant de recompter son parc, réviser ses engins,
établir une nouvelle feuille de route. Car elle ne respire qu'à un faible
taux.. Elle devra accéder au niveau qu'exige d'elle l'équilibre national comme
une force de proposition et une corbeille de menus. Les leçons à tirer sont
celles enseignées à leurs adversaires, sur les chapitres de l'alternance au
pouvoir, de l'implantation locale, de la clarté politique et de la faisabilité
des choses. Pensez-vous que le trotskisme ou l'idéal pagsiste est en mesure de
sauver le monde de la mondialisation déferlante ? Que l'islamisme suranné ou le
baâthisme culturel puissent avoir le dessus sur le chômage, la mauvaise
gouvernance ou la misère de l'intelligence nationale ? Que même le nationalisme
restreint, traditionaliste et grégaire soit apte à faire reculer la pandémie de
la harga, de la hogra ou de la contrefaçon morale? L'impératif réside donc dans
cet élan rédempteur qui consiste à remodeler ses tableaux de bords, ses agendas
et surtout ses sources d'énergie. On a tous besoin d'une aile-refuge à l'égard
d'un pouvoir menaçant. Cela est vitalement indispensable pour la survie du
combat.
Tous les ex-chefs de gouvernement successifs
se sont alignés derrière le silence qui s'éloigne d'une position clairement
politique pour contrer le passage de Bouteflika. Qu'ont-ils fait, pour
conforter et soutenir en fait et en droit la place de l'opposition lorsqu'ils
étaient en charge des affaires publiques ? Ignoraient-ils que les aléas de
l'acte politique pouvaient aisément les réduire un jour à néant pour les
joindre battus et abattus à la rive gauche du pouvoir ? Quand on s'envole sans
péril, l'essentiel sera de penser aux conditions périlleuses de l'atterrissage
éventuellement forcé.
S'il ne fallait pas assurer la pérennité à un
personnel objet d'un héritage dont le président ne semblait pas satisfait, il
faudrait de même, pour le salut d'une opposition forte que la carte politique
du pays connaisse un regain de mise à niveau. En effet, tous les micro-partis
et les partis en lice dans l'accaparement du pouvoir sont ceux du début de
l'ouverture démocratique. Depuis, ce sont les fondateurs qui sont toujours les
chefs. La passation de consignes est dure à réaliser entre ceux qui prétendent
qu'il s'agit là d'une propriété privée avec les droits d'auteur y afférents et
les autres, arguant d'une légitimité organique et politique subalterne. On
verra bien les porte-parole et les SG de partis dits d'opposition prendre leur
retraite. Ils seront sans doute dans l'opposition mais ne feront plus au sens
pratique, de l'opposition faciale. Ils seront plus utiles dehors que dedans.
Posté Le : 11/02/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com