Algérie

Poutine impulse une nouvelle bipolarité Le conflit syrien rebat les cartes



Poutine impulse une nouvelle bipolarité                                    Le conflit syrien rebat les cartes
Le président russe l'a dit, son chef de la diplomatie l'a redit et répété dans toutes les enceintes internationales : le départ de Bachar al-Assad ne doit pas être un préalable à une solution en Syrie. Vladimir Poutine et Serguei Lavrov, qui n'éprouvent apparemment aucune
lassitude à le répéter, conditionnent le départ du président syrien par la seule volonté de'Bachar al-Assad et du peuple syrien. Une dernière fois, encore ce dimanche, le ministre russe des Affaires étrangères n'a pas répugné à resservir l'antienne, après que Russes et Américains se soient quittés sans avancée ni progrès, à l'issue d'une rencontre à Genève en présence de l'émissaire international Lakhdar Brahimi. Mais avec, cette fois, une petite précision qui peut traduire soit un agacement de la Russie, soit une montée en puissance d'une Russie qui revient par la grande porte sur la scène internationale. Lavrov, pour ne pas être totalement routinier,
rappelle à ceux qui l'auraient oublié que le départ d'Al-Assad est une «condition préalable qui n'est pas contenue dans le communiqué de Genève et qui ne peut pas être remplie ; car cela ne dépend de personne».
Il n'est pas certain, pour autant, que les différents groupes de l'opposition politique et armée syrienne condescendent ne serait ce qu'à une mise entre parenthèses de leur leitmotiv préféré, c'est-à-dire l'éviction par tous moyens du chef du régime de Damas. Et que, prenant conscience de l'ampleur de la tragédie qui frappe la Syrie, ils fassent un pas, sérieux, en direction d'un processus de paix qui sera nécessairement laborieux et compliqué. L'équation syrienne, après 22 mois d'une guerre sanglante, ne se suffit pas de ces seuls éléments, soit le régime en place, l'opposition et la Russie, que ses intérêts placent objectivement du côté de Damas. D'autres éléments, dont certains très récents, doivent être pris en compte pour compléter les termes de cette équation. Il s'agit principalement de la difficulté de l'opposition à réaliser ses objectifs politiques et militaires, de la réélection de Barack Obama pour un second et dernier mandat, des limites de la propagande, d'une rare inefficacité, des opposants armés à Bachar al-Assad, enfin des doutes qui commencent à gagner certains pays arabes, Arabie saoudite comprise, qui avaient très tôt épousé les thèses occidentales. Et, sans doute, surestimé les capacités de l'opposition syrienne.

Objectifs non atteints
Sur le plan militaire, ni le CNS et la Coalition, ni l'ALS et les brigades islamistes, n'ont atteint les buts de guerre qu'ils promettaient. Leur grande offensive sur Damas qui devait sonner le glas du pouvoir syrien a tourné, en décembre, à l'avantage des forces gouvernementales. Leurs groupes ont battu en retraite, se contentant de positions à la périphérie de Damas. Non sans avoir laissé sur le terrain plusieurs milliers de morts. Il est par conséquent indiscutable que l'impossibilité pour l'opposition de destituer par les armes le régime correspond objectivement à un important avantage militaire pour Al-Assad, qui dispose de tous les moyens pour le consolider, l'appui de la Russie n'étant pas le moindre.
L'autre fait majeur est intervenu outre-Atlantique, où Barack Obama a entrepris une sérieuse opération de rénovation de son appareil militaro-diplomatique. L'arrivée, prochaine, d'un républicain (Hagel) atypique au Pentagone, couplée à la nomination de John Kerry au département d'Etat, préfigure un changement important de la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient. La mise en perspective de ces faits majeurs doit, pour être complète, intégrer le retour en force de la Russie sur la scène politique et géostratégique mondiale,
un retour que Poutine inscrit dans un prolongement de continuité de l'ex-URSS. La périphérie moyen-orientale a, c'est sûr, pris en compte cette nouvelle donne. D'où cette reprise de contacts entre l'Iran, la Turquie, l'Egypte et, plus discrètement, l'Arabie saoudite.
Si cette dynamique se confirme et se renforce, il ne resterait plus, alors, au Qatar qu'à se chercher un nouveau donneur d'ordres.
Ce sont là, aussi, les raisons qui pourraient expliquer, en grande partie, ce ralentissement de l'action diplomatique internationale sur
le conflit syrien. Ces mêmes raisons permettent également de comprendre pourquoi les efforts de l'émissaire Brahimi marquent le pas, en ce moment.

La déclaration de Genève
Adoptée le 30 juin 2012 par le «Groupe d'action pour la Syrie», la déclaration de Genève est essentiellement une reprise, avec détail de certains points, du plan en six points de Kofi Annan et des résolutions 2042 et 2043 du Conseil de sécurité sur le conflit syrien. Autant dire que si les intentions sont généreuses, les moyens préconisés pour leur mise en 'uvre le sont beaucoup moins. Pour comprendre pourquoi un vrai consensus international était et reste impossible (du moins pour le moment) pour promouvoir une réelle solution politique, il suffit de dérouler la liste de la composante dudit «Groupe d'action pour la Syrie».
Présidé par le médiateur international, ce dernier réunit : les secrétaires généraux de l'Organisation des Nations unies et de la Ligue des Etats arabes, les ministres des Affaires étrangères de la Chine, de la France, de la Russie, du Royaume-Uni, des Etats-Unis, de la Turquie, de l'Irak (président du sommet de la Ligue des Etats arabes), du Koweït (président du Conseil des ministres des Affaires étrangères de la Ligue des Etats arabes) et du Qatar (président du Comité arabe de suivi de la situation en Syrie de la Ligue des Etats arabes) et la Haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Par sa composition même, cette instance ne peut que reproduire les mêmes consensus mous qui concluent, faute de mieux, les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. On peut en juger à travers les principaux points de cette déclaration, évoqués encore, le 10 janvier, dans la même ville suisse où s'étaient réunis Lakhdar Brahimi et les représentants russe et américain et qui n'avaient d'autre choix, encore une fois, que de constater leur blocage. Pire, il est loisible de relever qu'entre le 30 juin et ce mois de janvier, les grands principes généreux affichés à Genève ont été battus en brèche par les développements sur le théâtre des opérations militaires, lesquels ont aggravé les clivages existants et révélé d'autres tout aussi inquiétants, sinon plus graves.
Sur la transition, par exemple, et sa gestion, la déclaration de Genève fait reposer l'essentiel sur un nouvel ordre institutionnel et «un organe de gouvernement transitoire [qui aurait] les pleins pouvoirs exécutifs». Le sort de Bachar al-Assad n'est pas évoqué, mais il est clair que «les pleins pouvoirs exécutifs» signifient un effacement du chef de l'Etat et une mise sous éteignoir de ses pouvoirs. Le processus préconisé reposant sur des élections, le groupe d'action insiste sur le caractère pluraliste de celles-ci à toutes les étapes de la transition et met en garde contre tout « sectarisme et toute discrimination fondée sur l'origine ethnique, la religion, la langue ou quelque motif que ce soit». Les minorités (plus du tiers de la population) sont évoquées sous le bel euphémisme de «communautés les
moins nombreuses (qui) doivent recevoir l'assurance que leurs droits seront respectés ». En moins de six mois, les Kurdes et les Druzes ont pris les armes contre «l'opposition» armée et les Alaouites et les chrétiens sont ciblés ès-qualité par les groupes islamistes, qui constituent majoritairement l'opposition armée.
Au moment où la Libye était prise dans le piège des milices qui, fortes de leurs armes, défiaient impunément l'autorité centrale, le groupe d'action inclut 'ce qui peut paraître surréaliste- un point relatif à «l'achèvement des retraits et le règlement de la question du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des groupes armés», sans dire ni comment, ni avec quels moyens ni sous quelle forme de coercition. Que dire, alors, de cette demande sidérante à l'adresse d'une opposition éclatée, incohérente et n'ayant d'autres tuteurs que ceux qui la financent : «Les membres du groupe d'action demandent instamment à l'opposition de renforcer sa cohésion et d'être en position de se doter d'interlocuteurs valables et représentatifs en vue d'une action sur la base du plan en six points et du présent communiqué.»
A. S.


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