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Poutine et Medvedev face au «printemps de Russie»



Poutine et Medvedev face au «printemps de Russie»
Bien que brandissant l'étendard de Russie unie, nom de leur parti, le peuple a prouvé à  la face du monde que les Russes ne sont pas aussi unis pour soutenir un homme – Poutine – à  l'appétit de pouvoir décidément insatiable.
Au moins 50 000 personnes – jusqu'à 80 000, selon certaines estimations – ont manifesté, hier à  Moscou, pour contester la victoire de son parti aux élections législatives du 4 décembre. Les Russes, qui ont épousé depuis longtemps la froideur du climat, ont été subitement chauffés à  bloc par ce jeu malsain des chaises musicales entre Poutine et Medvedev ; deux hommes qui se croient imbattables. Mais c'était compter sans la colère qui grondait dans cet immense pays où l'oligarchie au pouvoir a écrasé des millions de personnes. C'est donc un mouvement d'une ampleur jamais vue contre Vladimir Poutine, arrivé au pouvoir en 2000, Premier ministre depuis 2008, et qui a annoncé son intention de revenir au Kremlin en mars 2012.  La police de Moscou, citée par l'agence de presse Ria Novosti, a évalué le nombre des manifestants à  25 000 ; l'opposition a avancé des chiffres allant de 50 000 à  80 000 personnes. Même la chaîne télévisée sous contrôle de l'Etat, NTV, a fait état de «dizaines de milliers» de manifestants «qui ne veulent pas de révolution, mais des élections justes, qui sont le meilleur remède contre les révolutions». Il s'agit de la plus grande manifestation d'opposants organisée à  Moscou depuis les années 1990. Et contrairement aux rassemblements de ces derniers jours, «aucune interpellation» n'a eu lieu dans la capitale russe, selon la police.
Forts de ce succès, les opposants ont prévu un nouveau rassemblement le 24 décembre. «Rendons au pays les élections !», «Exigeons un nouveau comptage des voix !», «La Russie sans Poutine !», était-il écrit sur des banderoles brandies par la foule. Des slogans qui n'ont rien à  envier, par leur résonance, à  ceux des jeunes du Printemps arabe. A la tribune se sont succédé des représentants de l'opposition, un mélange disparate allant de l'extrême gauche aux libéraux en passant par le mouvement nationaliste «Les Russes». «Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev ont fait une découverte très désagréable pour eux aujourd'hui : la Russie a un peuple», a déclaré Sergueï Mitrokhine, chef du parti libéral d'opposition Iabloko.
Mobilisation dans 90 villes
«Nous sommes le peuple !», lui a répondu la foule.  Un des dirigeants de l'opposition libérale, l'ancien ministre Boris Nemtsov, a souligné devant la presse que la mobilisation avait lieu «dans 90 villes de Russie». «Les dizaines de milliers de personnes qui se rassemblent aujourd'hui ne se laissent pas faire quand Poutine et (le chef de la commission électorale Vladimir) Tchourov leur volent 12 millions de voix», a-t-il dit. «Ils ont trompé le peuple russe», a encore déclaré M. Nemtsov. Il a précisé que l'opposition exigeait la libération des personnes emprisonnées depuis les premières manifestations, le 5 décembre (1600 interpellations à  Moscou et à  Saint-Pétersbourg), la fin de la «censure» et l'organisation de nouvelles élections. Une concentration sans précédent de forces de l'ordre a été observée à  Moscou, avec des centaines de camions des unités antiémeute et des fourgons cellulaires, de part et d'autre du Kremlin, près de la place Rouge, près du siège du FSB (service fédéral de sécurité) sur la place de la Loubianka, jusqu'à la place Pouchkine et sur un pont franchissant la Moskova.
La place Rouge, qui jouxte le Kremlin, était bloquée par des camions des forces de l'ordre et un grand nombre de policiers.  
A Saint-Pétersbourg, ce sont 10 000 personnes (selon la police) qui ont manifesté dans le centre-ville, scandant «La Russie sera libre !» ou «Poutine voleur !».
Une dizaine de personnes ont été interpellées, selon la police. Compte tenu du décalage horaire, les manifestations, en réponse à  des appels lancés sur les réseaux sociaux – internet étant au centre de la mobilisation – avaient commencé plusieurs heures avant celle de Moscou dans les villes d'Extrême-Orient et de Sibérie. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans l'Oural et en Sibérie, notamment à  Ekaterinbourg et Novossibirsk. Environ 1500 personnes avaient manifesté à  Vladivostok, port russe de la côte Pacifique, à  sept fuseaux horaires de la capitale russe, selon une correspondante de l'AFP.
La place Rouge, un symbole quadrillé
Les manifestants étaient au moins 1500 à  Tomsk (Sibérie) malgré une température de -10°, et 2000 à  3000 à  Tcheliabinsk (Oural), selon des militants de l'opposition joints par l'AFP. Des rassemblements ont été rapportés dans de nombreuses autres villes de Russie. Selon l'agence Interfax, 130 personnes ont été interpellées à  travers le pays.
La seule réaction officielle à  l'exceptionnelle journée de protestation à  Moscou a été celle d'un responsable du parti Russie unie, Andreï Issaïev : «Ce n'est pas beaucoup pour une ville de plusieurs millions d'habitants. Néanmoins, nous allons analyser soigneusement ce qui a été dit et les motifs de mécontentement (des manifestants).»
Le Journal officiel russe a publié hier les résultats officiels des élections confirmant la victoire du parti au pouvoir Russie unie avec 49,32% des voix et une majorité absolue de 238 mandats sur 450 à  la Douma (Chambre basse du Parlement). La mission d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait déclaré à  Moscou, à  l'issue du scrutin, avoir relevé des irrégularités «fréquentes» et «de sérieuses indications de bourrage des urnes». Une ONG, L'Observateur citoyen, affirme sur son site internet (nabludatel.org) que le résultat réel de Russie unie est inférieur d'environ 20 points aux chiffres officiels.
Ces élections et la répression des manifestations qui ont suivi ont suscité de vives critiques des Etats-Unis, de l'UE, de la France et de l'Allemagne notamment.  M. Poutine a accusé jeudi Washington d'avoir fomenté le mouvement de contestation, un scénario du «chaos» pour lequel seraient versés «des centaines de millions de dollars». Mais cette «main de l'étranger» brandie à  chaque fois par des régimes fermés comme celui de Russie risque de ne pas suffire pour absorber la colère citoyenne. L'ours blanc pourrait foncer tout droit vers… le Kremlin.


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