Algérie

Pourquoi Poutine fait-il peur à l'Occident '



Alors que deux jours auparavant, les «amis» de la Syrie réunis à Tunis proposaient d'y envoyer une «force arabe» de maintien de la paix et que l'Arabie saoudite et le Qatar, se distinguant dans le pire, veulent armer l'opposition à Bachar Al Assad, une opposition qui ne manque déjà pas d'armes, la chef de la diplomatie américaine développe une vision autrement plus pacifique et pondérée. A la chaine de télévision britannique BBC qui l'interrogeait, elle déclare : «Je pense qu'il y a tous les risques d'une guerre civile (en Syrie). Une intervention étrangère n'empêcherait pas cela, elle précipiterait même probablement les choses». Affichant un souci de prévention contre «beaucoup de mauvais scénarios, l'ex-première Dame des Etats-Unis fait part de sa préférence pour une «transition démocratique à encourager», en Syrie. Le message est plus explicite encore dans la suite de son intervention : «Il y a toujours une très forte opposition à une intervention étrangère, à l'intérieur et à l'extérieur de la Syrie (?)) Nous n'avons pas l'approbation du Conseil des Nations Unies, qui donne la légitimité et la crédibilité aux décisions de la communauté internationale». Elle justifie, enfin, l'option pour une solution diplomatique par la présence de «plusieurs acteurs dangereux dans la région, Al-Qaïda, le Hamas, et d'autres qui sont sur notre liste d'organisations terroristes, qui affirment leur soutien à l'opposition [syrienne]. Il y a beaucoup de Syriens qui sont inquiets de ce qui pourrait arriver ensuite». Pour ceux qui doutent encore que l'insurrection en Syrie est essentiellement menée par des islamistes qui ont le mérite de se revendiquer comme tels dans un pays multiconfessionnel et laïque, les propos d'Hillary Clinton sont une mise au point cinglante. Plus pragmatique et avisée que des dirigeants arabes faussement solidaires et que le sang de leurs coreligionnaires syriens ne révulse pas, elle termine par une interrogation lourde de sens : «Si vous faites entrer des armes automatiques, que vous pouvez sans doute faire passer à la frontière, que peuvent-elles face à des tanks et à l'artillerie lourde'»Quel rapport avec l'actuel Premier ministre et néanmoins président de la fédération de Russie ' En apposant son veto pour la deuxième fois consécutive, le 4 février dernier, à un projet de résolution du Conseil de Sécurité qui reprend une proposition d'ingérence, en Syrie, de la Ligue arabe, Moscou accélérait son retour par la grande porte sur une scène internationale en recomposition. La fermeté de Poutine, aboutissement d'un processus de remise en ordre de la maison russe mené jusqu'au bout, situe un peu mieux, désormais, les lignes de démarcation à l'échelle de la planète. Le démantèlement de l'ex-URSS avait fait basculer le monde dans «l'unipolarité» d'une globalisation génératrice de graves crises économiques et financières. En assumant l'héritage de l'Empire disparu et en l'intégrant dans leur action diplomatique, les dirigeants russes actuels ont toutes les chances de faire émerger de nouveaux équilibres mondiaux. Au surplus, ils ne sont pas seuls dans ce chantier difficile mais réalisable. La Chine, deuxième puissance économique mondiale, de grands pays émergents comme le Brésil, l'Inde et l'Afrique du sud développent une vision identique quant à ce que doivent être les rapports internationaux. Le Venezuela en Amérique latine, l'Algérie en Afrique du Nord peuvent également peser d'un poids décisif dans cette perspective. On rêverait presque, dans ces conditions, d'un réveil politique du mouvement des non-alignés. Il suffirait juste que la Russie et la Chine continuent d'être sur la même longueur d'onde sur les grandes questions internationales. On comprend mieux, à présent, pourquoi Vladimir Poutine n'a pas cessé d'être dans le collimateur de l'Occident. Pur produit du KGB dont il a gardé les habitudes de rigueur et d'efficacité, son parcours politique, qui a débuté dans l'ombre de l'ancien président Boris Eltsine, est à la fois impressionnant et fulgurant. Dans les conditions tumultueuses nées de la démission d'Eltsine et du terrorisme séparatiste tchétchène, il est élu en mars 2000, à l'âge de 47 ans, Président de la fédération de Russie dès le premier tour du scrutin avec 53 % des suffrages. L'homme est très populaire et adopte un style, mélange d'agressivité et d'austérité, qui plaît aux Russes. Il ne tarde pas à réussir là où ses prédécesseurs, Gorbatchev et Eltsine, ont échoué. Il emploie les grands moyens pour une remise en ordre musclée face à une puissante mafia qui excellait dans la défiance de l'Etat. Il met un terme au bradage des biens de la collectivité et apporte la sécurité qui manquait au quotidien des Russes. Il sauve l'économie du naufrage en la mettant au diapason d'un libéralisme sous haute surveillance mais sans rebuter les investisseurs étrangers, nombreux à être attirés par un marché en expansion. Enfourchant leur habituel cheval de bataille des droits de l'Homme, George W. Bush et ses conservateurs, rejoints par les médias de nombre de pays occidentaux, vont soumettre l'ancien colonel des services de renseignements de l'ex-URSS à une campagne de désinformation en continu, la même qui se poursuit en ce moment. Mais il faut croire que l'intox a peu d'effet sur les électeurs russes, Poutine étant réélu, le plus démocratiquement du monde, pour deux autres mandats à la tête de la fédération et il s'apprête à rempiler pour un troisième mandat, le 4 mars prochain, après l'intermède du jeu de chaises musicales avec son ami Medvedev.Dans l'entendement occidental, un dirigeant de cette stature est nécessairement un empêcheur de tourner en rond. Et le meilleur est à venir !A. S.

Un géant euro-asiatique
Superficie 17 075 400 km2
Population (2011) 143 M
Président Dmitri Medvedev
Monnaie Rouble (RUR)
Taux de change 1 USD = 30,37 RUR
PIB (2010) 1465 Md USD
PIB par habitant 11 867 USD
Taux de croissance 4 %
Réserves de change 498,6 Md USD
Exportations (2011) 521,4 Md USD
Importations (2011) 323,3 Md USD

Refus de l'hégémonisme US
Invité de la conférence de Munich sur la sécurité, le 10 février 2007, Poutine se distingue par une intervention forte dans laquelle il dénonce l'hégémonisme des Etats-Unis et leur dénie le droit d'intervenir en dehors de leurs frontières sans un mandat de l'ONU :«Les Etats-Unis sortent de leurs frontières nationales dans tous les domaines et cela est très dangereux. Personne ne se sent plus en sécurité parce que personne ne peut plus trouver refuge derrière le droit international»«L'usage de la force n'est légitime que sur la base d'un mandat des Nations unies,pas de l'OTAN ou de l'Union européenne»«Un monde unipolaire ne signifie en pratique qu'une chose, un centre de pouvoir, un centre de force, un centre de décision agissant comme un maître unique,un souverain unique, qui s'effondrera de l'intérieur.Cela n'a rien de commun avec la démocratie.»


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