Scène observée sur l'un de ces dizaines de parkings improvisés de la
wilaya d'Oran où des jeunes et moins jeunes, gilets fluo sur le dos et trique à
la main, imposent leur surveillance aux automobilistes qui n'en demandent pas
tant. «Makeyen la khedma la oualou. Ils devraient nous laisser travailler et
gagner notre croûte !!», jette un jeune en se plaignant d'un conducteur
récalcitrant. «Décidément, les gens ne sont pas très indulgents!», conclut-il
avec humeur, en tournant les talons en direction d'une autre voiture. Cette
revendication de compassion, beaucoup de gardiens de voitures, vendeurs à la
sauvette et, plus généralement, les travailleurs des marchés parallèles, l'entendent
comme un droit auprès de la société, une sorte de dédommagement de
l'indifférence des pouvoirs publics à leur situation. «C'est soit ça, soit le
vol et les agressions !», expliquent-ils en relatant les déboires qui les ont
conduits à cette activité dont ils se seraient «bien passés si seulement
l'école ne nous avait pas rejetés ou si nous avions acquis un métier !»
Aux quatre coins de la wilaya, des étals, des tables et parfois des
fourgons se disposent en un tour de main sur les trottoirs et les places, sans
égards pour la loi et au mépris de toutes les convenances, par des commerçants
insouciants des désagréments qu'ils peuvent ainsi provoquer sur le quotidien de
leurs concitoyens. A la cité Point du Jour, par exemple, quelques vendeurs de
fruits et légumes, installés il y a quelques années sur une petite placette
face au CEM Rahal Abbès, ont réussi à créer un marché en bonne et due forme,
auquel des marchands de salons ou de meubles se sont greffés depuis quelques
mois. Résultat: de lieu calme et sympathique où des enfants venaient parfois
admirer les pigeons, l'endroit est devenu un véritable cauchemar pour les
automobilistes et les passants qui se trouvent contraints de slalomer entre les
étals, obéissant ainsi aux nouvelles règles non écrites que les commerçants ont
ainsi érigées. Il en est même parmi ces marchands qui interpellent les
conducteurs sur la nécessité de faire attention en traversant le marché,
ignorant qu'en cas d'accident, ils seraient probablement comptables devant la
loi. Cette situation est commune à tous les marchés dits illégaux de la wilaya
d'Oran qui, avec le temps, ont réussi à s'installer dans la durée et entrer
dans les mÅ“urs de la société. «Ici au moins, les prix sont légèrement en
dessous de ceux pratiqués par le marché couvert plus bas !», justifie-t-on
parmi les vendeurs du souk cité plus haut, dont certains ont même débordé sur
la route.
Avec les centaines de gardiens autoproclamés, les milliers de marchands
activant dans les 145 marchés parallèles recensés par les pouvoirs publics -ce
qui revient à dire qu'il doit en exister beaucoup plus- et ces innombrables
petits vendeurs que l'on croise un peu partout à travers le territoire de la
wilaya, c'est une importante partie de l'économie locale qui a sombré dans
l'informel et entraîné l'apparition de nouveaux comportements dans la société.
Et les timides tentatives des autorités de mettre fin à une anarchie qui finit
presque par pousser les plus légaux des commerçants à envisager d'activer dans
l'informel, sont restées vaines, notamment la décision, prise l'année passée,
d'aménager quelque 30 marchés couverts pour tenter de ramener les commerçants
de l'informel dans le giron de la légalité. Cette année encore, il est prévu la
réalisation de 14 nouveaux marchés couverts destinés à absorber une partie des
commerçants exerçant dans l'informel. «L'allégement des charges fiscales et
parafiscales incitera sans doute les réticents à tenter l'expérience et
empêchera surtout les commerçants légaux de basculer de l'autre côté de la barrière»,
prévient l'un de ces nombreux diplômés de l'université d'Oran qui sont allés
gonfler les rangs de l'informel pour éviter le chômage.
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Posté Le : 02/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Nadir
Source : www.lequotidien-oran.com