Publié le 10.08.2023 dans le Quotidien d’Oran
par Medjdoub Hamed*
La marche de l'Humanité, aujourd'hui, avec la guerre en Ukraine est à « un tournant de l'histoire ». Tous les feux sont au rouge. De cette guerre sur qui tous les yeux des décideurs du monde sont tournés, qu'augure-t-elle pour l'Humanité ? Il est peu probable que cette guerre va se prolonger ; si elle se poursuivra, ce ne sera que destructions sur destructions qui s'ensuivront, à l'image des villes comme Marioupol et Bakhmout, le président ukrainien Volodymyr Zelensky assure qu'il ne « reste rien » de Bakhmout. L'opération pour la prise de Bakhmout par la Russie a duré 224 jours et malgré tout, les combats continuent toujours dans la périphérie.
On peut penser que si les pays concernés essentiellement occidentaux et russe ne prennent pas le chemin de la raison et ne trouvent pas des compromis pour arrêter cette guerre et qu'ils se dirigent résolument vers la paix, tout laissera penser que la guerre en Ukraine va s'enliser dans la durée et provoquer des incertitudes telles que tout peut arriver. Et qu'entend-on par incertitudes sur cette guerre qui risque de durer ? Qu'arrivera-t-il en 2023 ou en 2024 si le conflit se prolonge ? Peut-on penser que la guerre en Ukraine restera en l'état, c'est-à-dire d'un côté l'Ukraine soutenu par l'Europe et les États-Unis, de l'autre la Fédération de Russie, et les deux camps qui s'épuisent dans la guerre sans visibilité de sortie ; les combats durent toujours et, le 24 mai 2023, ils auront bouclé le quinzième mois.
Certes, des armements massifs qu'apportent les États-Unis et l'Europe à l'Ukraine, et une volonté du pouvoir de Kiev de libérer ses territoires occupés par les forces russes, la guerre continuera jusqu'à la victoire. Et c'est ce que comptent l'Ukraine et ses alliés occidentaux. Cependant, le conflit s'enlise tant pour l'Ukraine et ses alliés occidentaux sans visibilité de sortie de guerre que pour la Fédération de Russie, et pour les deux parties, plus le conflit dure plus la situation devient difficile, le facteur temps semble militer plus pour la Fédération de Russie que pour l'Ukraine qui risque de s'épuiser comme d'ailleurs les pays occidentaux qui seraient obligés de changer leur plan, s'il n'y a pas d'évolution positive dans cette guerre.
Cependant, il faut se méfier du facteur temps, le doute, avec le temps, va s'installer aussi bien du côté russe que du côté ukrainien. En effet, l'idée que la Russie battra en retraite et quittera l'Ukraine est déjà une option retenue par les pays occidentaux comme pour le régime de Kiev. Une telle situation si elle venait à arriver mettra en échec la Russie, ce qui affaiblira d'une manière magistrale ses prétentions géostratégiques sur l'aire d'influence que l'OTAN, et donc de l'Occident lui dispute. Dès lors, la voie est balisée pour l'Occident d'élargir son aire d'influence à la Géorgie, la Moldavie, le Monténégro, l'Albanie au détriment de la Russie ; ce qui explique le soutien progressif presque sans réserve de tous les types d'armements dont l'Ukraine a besoin, de même pour son financement par les États-Unis et l'Europe. Cependant, le conflit semble s'enliser dans une guerre de positions ; la mobilisation de 300.000 réservistes par la Fédération de Russie en septembre 2022 montre au contraire que la guerre va se poursuivre d'autant plus le président russe Vladimir Poutine a averti, à plusieurs reprises, les pays européens sur le risque de cobelligérance dans le conflit, et a brandi la menace nucléaire. Signifiant que la Russie si elle se trouvait en danger n'hésiterait pas de recourir à l'arme nucléaire. Heureusement que la prudence l'a emporté pour les deux camps dans le risque d'une Troisième mondiale. Aussi le soutien massif en armements y compris lourds et aériens, aujourd'hui, et même il est question de livrer des avions de chasse F-16 à l'Ukraine, cet automne, de même des sanctions économiques tous azimuts, et des nouvelles prises dans le onzième paquet, par l'Union européenne, à celles prises par le G7 à Hiroshima, au Japon, en ce mois de mai 2023. Cependant, l'histoire avance et souvent étonne par des événements qui changent la mise, des bifurcations pour ainsi dire qui viennent réorienter le sens de la marche de l'Humanité et, à travers celle-ci, le cours de la guerre en Ukraine.
Précisément, à la question que s'est posée, à juste raison, l'auteur de ces lignes : « Quand et comment la guerre en Ukraine se terminera ? » Et une question importante qui a trait à la guerre : « Pourquoi la Chine a choisi le jour du 24 février 2023 pour dévoiler son plan de paix composé de douze points pour l'Ukraine ? » La Chine a attendu une année pour s'impliquer dans le conflit armé russo-ukrainien. Et aussitôt dévoilé, les critiques n'ont pas manqué en Occident pour dire que ce plan n'apporte pas du nouveau, les avis restent donc sceptiques sur la proposition chinoise.
Il est vrai que la République populaire de Chine est bien plus qu'un soutien de circonstance pour la Russie; c'est réellement un allié de poids ; la Russie appuie la Chine dans les enceintes internationales et sur les marchés mondiaux pour contrer l'influence occidentale en général et américaine an particulier. Et cet antagonisme, il faut dire, relève de la configuration mondiale comme elle s'est construite historiquement depuis le siècle passé.
Donc, que la Russie et la Chine soient alliées ne fait pas oublier que l'Europe et les États-Unis sont aussi alliés. Et partant de là, on comprend pourquoi la Chine n'a pas condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie d'autant plus que la Chine a pratiquement le même problème avec l'île de Taïwan qu'elle considère fait partie de la Chine. La Russie, dans un certain sens, fait face aussi au problème des populations russophones d'ethnie russe qui sont majoritaires dans la région du Donbass, ce qui explique l'objectif ethnique russe avant même d'être géostratégique dans la guerre à l'est de l'Ukraine.
Cependant, dès que le plan de paix a été dévoilé, et malgré le scepticisme rapporté par les médias occidentaux, des voix ont répondu positivement. A commencer par le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui, le jour même de la parution du plan de paix, le 24 février 2023, a déclaré qu'« il est prêt à travailler avec Pékin et a annoncé son intention de rencontrer le président chinois ». L'autre voix, c'est celle du président français Emmanuel Macron qui « a annoncé qu'il se rendrait à Pékin, « début avril ».
Que peut-on dire de ces annonces qui émanent de l'Ukraine qui est en guerre avec la Russie, et de la France qui est un soutien de poids pour l'Ukraine ? Il est clair que, si elles répondent positivement au plan de paix chinois, on peut s'interroger sur les raisons qui ont amené les présidents ukrainien et français à donner suite au plan de paix chinois. La Russie certes a accepté le plan mais, en tant que belligérant, elle cherche à mettre fin à cette guerre, dans la mesure où une solution négociée la satisferait. Solution qu'accepteraient le gouvernement de Kiev et les pays occidentaux qui soutiennent l'Ukraine. Cependant, comme les positions de chaque camp sont très éloignées, une solution à la guerre en Ukraine reste lointaine.
Justement, à cette situation qui est « bloquée », on constate ces derniers mois une série d'événements qui se sont succédé depuis, il faut dire, que la Chine a dévoilé son plan de paix, le 24 février 2023. En effet, après cette date, un événement très important a suivi, il a trait à la Chine. C'est le président chinois Xi Jinping qui, à peine réélu, le 10 mars, pour un troisième mandat par le Parlement chinois, entame une visite d'État de trois jours en Russie, du 20 au 22 mars ; un voyage « pour la paix » selon Pékin qui cherche à jouer le médiateur dans la guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine. Une visite critiquée par l'Occident, et abordé d'un œil anxieux par l'Ukraine. Certes, cette visite peut se comprendre du fait qu'il existe un lien d'amitié fort entre les deux présidents d'une part, et des intérêts géostratégiques communs, sur le plan mondial, d'autre part. Et le président Vladimir Poutine en avait vraiment besoin de cette visite face aux pressions occidentales ; la venue de Xi Jinping en Russie a une certaine consonance métaphysique, Xi Jinping aurait pu ne pas décider une visite en Russie du fait de l'isolement de la Russie sur le plan international. Pourtant non seulement il a décidé de rendre en Russie, ce qui a été comme un bol d'air pour le président russe, et lui a été d'un grand secours face à l'hostilité occidentale, mais le président chinois Xi Jinping a tenu à souligner, à son arrivée à Moscou, juste avant les entretiens qui devaient le réunir avec Vladimir Poutine dans la journée, que son déplacement répondait à « une logique historique », affirmant face au monde : « Nous sommes les plus grandes puissances voisines et des partenaires stratégiques à tous les niveaux. »
Dans la foulée, il invitera le président russe, concerné depuis une semaine par un mandat d'arrêt international émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre en Ukraine, à lui rendre visite en Chine. Le ton est donné sur le soutien affiché du président chinois au président russe. Pour leur part, les Occidentaux scrutent le moindre fait de la visite pour tenter de déceler des indications sur les intentions du maître de Pékin sur la suite des événements.
En fait, de la bouche de Xi Jinping, c'était l'histoire qui parlait d'elle-même ; on ne fait référence à l'histoire que si l'histoire l'autorisait, au su et au vu de tout le monde, personne en Occident ne s'est opposé pour le démentir. On peut donc dire que l'histoire se déroulait dans cette « visite historique » dans le sens qu'elle donnait raison au président chinois. Qu'en est-il de la position de l'Occident sur cette visite historique du président chinois à Moscou ? Au moment des discussions des deux dirigeants russe et chinois au Kremlin, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stolenberg, a jugé important de déclarer à partir du siège de l'organisation à Bruxelles, que « la Chine doit comprendre le point de vue de l'Ukraine et dialoguer directement avec le président Zelensky », si elle voulait que sa volonté de paix soit prise au sérieux. Tout en renouvelant les craintes de voir Pékin soutenir militairement le Kremlin, le secrétaire général de l'OTAN rappelle que « le nouveau concept stratégique adopté par l'Alliance au sommet de Madrid en juin 2022 identifie la Russie comme le menace la plus importante pour notre sécurité, avec le terrorisme, et indique clairement que la Chine défie nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs ».
Pour l'Occident, la proposition du plan de paix et la visite de Xi Jinping à Moscou, moins d'un mois plus tard, montrent, sans l'ombre d'un doute, qu'elle a choisi son camp. Cependant, ce qui étonne, quinze jours après la visite du président chinois en Russie, le président français Emmanuel Macron et la Commissaire européenne Ursula von der Leyen se rendent en Chine, pour une visite aussi de trois jours, du 5 au 8 avril 2023. Une question : « Pourquoi le président français a été accompagné par la Commissaire européenne dans sa visite en Chine ? » Si le président Emmanuel Macron a annoncé, en février, après que le plan de paix chinois a été dévoilé, qu'il se rendrait à Pékin, « début avril », il n'en est pas de même pour la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen qui n'a pas laissé paraître. Alors que la secrétaire général de l'OTAN, Jens Stolenberg, a demandé, lors de la visite du président chinois à Moscou, « de dialoguer directement avec le président Zelensky ».
Force de penser que sa visite comme celle du président français entrait dans un processus « historique réfléchi » en rapport avec l'évolution historique que prend la guerre en Ukraine. Et par « historique réfléchi », on doit comprendre que leur visite était en plein accord avec les 27 États-membres de l'Union européenne. Ce qui explique pourquoi la Commissaire européenne s'est jointe dans la visite du président français en Chine.
Le président français et la Commissaire européenne ont été en fait des « émissaires de l'Union européenne » pour la Chine. Ne perdons pas de vue que toute décision prise au sommet de l'Union européenne est communiquée à la Maison blanche ; les États-Unis mis au courant auraient pu s'interposer, et demander qu'ils ne se rendent pas en Chine. Les Européens seraient obligés de tenir compte du message de Washington, l'objectif est de préserver la position et la cohésion occidentale. Que Washington n'a pas donné d'instruction ou a donné, il reste que la Maison Blanche est « consentante » à ce voyage, ce qui précise l'importance de la présence de la Commissaire européenne au côté du président dans dans la visite en Chine. Rencontrant le président chinois, au cours de leur entretien, le président français Emmanuel Macron a plaidé auprès de son homologue chinois pour qu'il appelle le président ukrainien. Comme on le lit sur le site de l'ambassade de France en Chine : « Déclaration de la porte-parole du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères
(26 avril 2023), « La tenue aujourd'hui d'un appel téléphonique entre le président chinois Xi Jinping et le président ukrainien Volodymyr Zelensky est positive. À l'occasion de sa visite d'Etat en Chine début avril, le président de la République « avait plaidé » auprès de son homologue chinois pour qu'un tel appel se tienne rapidement. La Chine, dont la voix compte, peut jouer un rôle important pour amener la Russie à mettre un terme à son agression contre l'Ukraine et à revenir, enfin, au respect du droit international. La France encourage tout dialogue qui peut contribuer à une résolution du conflit conformément aux intérêts fondamentaux de l'Ukraine et au droit international. » (1)
Le président chinois a, certes, promis qu'il allait le faire mais n'a pas donné de date pour appeler le président ukrainien, au point que les médias occidentaux ont critiqué la visite de Macron. Ce qu'il y a de surprenant, c'est que, huit jours après la visite du président français et de la Commissaire européenne, le ministre chinois de la Défense a effectué une visite en Russie, du 16 au 18 avril 2023 ; elle a intervenu quelques semaines seulement après la visite à Moscou du président chinois Xi Jinping. Le quotidien français d'information économique et financière, Les Échos', donne une analyse sur cette visite : « Li Shangfu, en visite à Moscou pour son premier déplacement à l'étranger, s'est montré très enclin à une collaboration militaire plus étroite. Au départ de la guerre en Ukraine, la Chine s'est montrée assez discrète, désireuse de ne froisser ni ses partenaires commerciaux occidentaux ni son voisin russe. Depuis, le renforcement d'un axe antiaméricain entre Pékin et Moscou est apparu, de plus en plus nettement, et notamment à l'occasion de la visite de Xi Jinping à Moscou en mars. Comme a été soulignée la dépendance grandissante de la Russie - sous sanctions occidentales - vis-à-vis de la Chine, laquelle a notamment augmenté de 30% ses importations de pétrole russe. Au-delà des liens économiques, les deux pays se montrent, de plus en plus désireux, de développer leurs liens militaires. « Nous avons des liens très forts, qui dépassent les alliances militaro-politiques de l'époque de la Guerre froide » et qui sont « très stables », a déclaré dimanche le ministre chinois de la Défense, Li Shangfu, qui a rencontré le président russe Vladimir Poutine au Kremlin. Selon lui, les relations entre la Russie et la Chine sont « déjà entrées dans une nouvelle ère ». (2)
Force de dire que l'analyse du quotidien français est pertinente, comme l'a déjà déclaré Xi Jinping, lors de sa visite à Moscou en mars, le ministre chinois de la Défense n'a fait que le confirmer. Les relations entre la Russie et la Chine sont « déjà entrées dans une nouvelle ère historique », qui ne concerne pas uniquement la Russie et la Chine, mais concerne le monde entier.
Le 26 avril 2023, c'est fait, le président chinois appelle le président ukrainien. Selon les médias, c'est la première fois que les deux présidents ont conversé par téléphone, depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié l'entretien téléphonique avec Xi Jinping de « long et significatif », il a nommé le jour même un ambassadeur en Chine, de son côté le président chinois a annoncé qu'il enverra une délégation en Ukraine pour chercher un « règlement politique » du conflit. « Une semaine après l'appel téléphonique du président chinois », le président ukrainien a effectué plusieurs voyages inopinés dans plusieurs pays européens. Le 3 mai 2023, il s'est rendu en Finlande, où il a rencontré les quatre Premiers ministres de la Suède, la Norvège, le Danemark et l'Islande ; le 4 mai, il s'est rendu aux Pays-Bas, rencontrant les Premiers ministres de la Belgique et des Pays-Bas, ainsi que la Cour internationale. Du 13 au 15 mai, le président Zelensky s'est rendu dans cinq pays européens différents, l'Italie, la Cité du Vatican, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, rencontrant les dirigeants de chaque pays. Le 19 mai, il se rend en Arabie Saoudite pour le Sommet de la Ligue arabe qui se tient dans la ville côtière de Jeddah, avant une visite attendue au Japon pour une rencontre du G7. « M. Zelensky « a remercié le prince héritier d'Arabie saoudite (Mohammed ben Salmane) pour son soutien à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de l'Ukraine », lors d'un entretien bilatéral, au cours d'une visite inédite du président ukrainien en Arabie saoudite. Il a également invité M. Ben Salmane, dont le pays a récemment coordonné sa politique pétrolière avec Moscou, à se rendre en Ukraine. » (3) Le 20 mai, le président ukrainien arrive à Hiroshima, pour participer, avec sa délégation ukrainienne, au sommet du G7. M. Zelensky a enchaîné, au cours de ce sommet, des réunions avec ses homologues du G7, mais également avec des dirigeants de pays tiers invités au sommet, pour plaider auprès d'eux la cause de l'Ukraine et son plan de paix en dix points, centré sur l'exigence d'un retrait des troupes russes du sol ukrainien. Il a obtenu de nouveaux soutiens diplomatiques et militaires. Les Etats-Unis ont annoncé une aide militaire supplémentaire de 375 millions de dollars, à l'Ukraine, sous la forme de munitions, de missiles antichars et de véhicules blindés notamment, après avoir déjà donné, vendredi leur feu vert à de futures livraisons d'avions de combat F-16 par d'autres alliés de Kiev. Dans une séquence pleine de symboles, il s'est aussi recueilli devant le cénotaphe aux victimes du bombardement atomique de Hiroshima. « Je peux dire franchement que les photos d'Hiroshima détruite me rappellent Bakhmout. Il n'y a absolument plus rien de vivant, tous les bâtiments sont détruits » a-t-il déclaré par la suite, dressant aussi un parallèle entre la renaissance de Hiroshima après la Seconde Guerre mondiale et la reconstruction de l'Ukraine qu'il appelle de ses vœux. Le président russe Vladimir Poutine « ne brisera pas notre détermination » à soutenir l'Ukraine, dont les alliés « ne faibliront pas », a juré le président américain Joe Biden après un entretien avec M. Zelensky au G7. « Les dirigeants du G7 ont convié à leur réunion le chef de file du régime de Kiev qu'ils contrôlent et ont transformé l'événement d'Hiroshima en un spectacle de propagande », a rétorqué dimanche le ministère russe des Affaires étrangères.
Mais l'offensive de charme du président ukrainien a aussi connu une fausse note: le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva ne l'a finalement pas rencontré, en tête-à-tête, durant le sommet. Très réticent à condamner l'invasion russe, Lula da Silva avait fait polémique le mois dernier en déclarant que les Etats-Unis devaient cesser « d'encourager la guerre » en Ukraine. Tout en condamnant la « violation de l'intégrité territoriale de l'Ukraine » et en appelant au dialogue dans les discussions de groupe, Lula s'en est pris dimanche aux membres du Conseil de sécurité des Nations unies, dont les cinq membres permanents sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni. « Les membres permanents perpétuent la longue tradition de mener des guerres non autorisées, que ce soit à des fins d'expansion territoriale ou de changement de régime », a-t-il dit, dans une allusion à l'invasion de l'Irak par une coalition menée par les Etats-Unis en 2003. A la fin de ce périple qui a touché l'Europe, le Moyen-Orient et le Japon, en fait une grande partie du monde, M. Zelensky est reparti dimanche 21 mai de l'aéroport de Hiroshima. Si le président Zelensky a obtenu de nouvelles promesses de matériel militaire ainsi qu'un soutien diplomatique « inébranlable » des pays du G7 à Hiroshima, l'annonce de la prise de la ville ukrainienne de Bakhmout par les forces russes a jeté une ombre sur ces déclarations. En effet, la Russie a revendiqué, un jour après le début de la réunion du G7, la prise totale de la ville de Bakhmout, théâtre de la bataille la plus longue (224 jours) et sanglante depuis le début du conflit en février 2022. M. Zelensky a tenu dimanche à Hiroshima des propos ambigus sur la situation actuelle à Bakhmout, affirmant, dans un second temps, que la ville n'était « pas occupée » par les Russes. Arrivé à la fin de la succession de ces événements depuis la proposition du plan de paix chinois, le 24 février 2023, que nous laisse penser ces voyages pour la plupart inopinés du président de l'Ukraine ? Il a été reçu par les principaux dirigeants des pays de l'Union européenne, du Royaume-Uni, de l'Arabie saoudite et du groupe du G7, au Japon ?
En réalité, l'histoire s'est, en quelque sorte, accélérée avec les consultations tous azimuts du président Zelensky, dans ses voyages. Et toujours avec la même quête, leur soutien à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de l'Ukraine ». Cette tournée diplomatique, pratiquement « mondiale », du président Zelensky a un sens, elle est liée aux événements de février, mars et avril 2023. D'abord le plan de paix chinois a dévoilé le 24 février 2023, la visite du président chinois Xi Jinping à Moscou, du 20 au 22 mars, la visite conjointe du président français et la Commissaire européenne à Pékin du 6 au 8 avril, suivie de la visite du ministre chinois de la Défense en Russie du 16 au 18 avril 2023. Ces événements ont été cruciaux et ont montré le danger auquel fait face l'Ukraine et son gouvernement depuis que la Chine a fait irruption dans la crise ukrainienne. Le plan de paix de la Chine a-t-il été seul dans les événements qui ont suivi depuis l'acceptation du plan par le président ukrainien, à la décision du président français et de la Commissaire européenne de « programmer » une visite de trois jours en Chine ? Pour répondre, que dit le plan de paix de la Chine ? Voilà le résumé du plan en douze points et autant de principes permettant d'arrêter la guerre. (4)
Ce plan ne dit pas comment on pourrait arrêter la guerre. Cependant, la Chine, en soumettant ce plan s'est proposée d'être le médiateur dans cette guerre. Une question intéressante : « Pourquoi elle a attendu une année pour proposer sa médiation et son plan de paix ? » Il est clair que la Chine n'a pas la baguette magique pour arrêter la guerre, néanmoins on peut penser qu'elle a apprécié les forces en présence, leur capacité de combat et les enjeux dans cette guerre. Or, tout montre que cette guerre est inégale ; l'Ukraine n'est pas en guerre contre un pays de son rang de puissance, elle est en guerre contre une grande puissance.
La Russie est classée à parité voire même dépassant sur le nombre d'ogives nucléaires, la première puissance mondiale, les États-Unis ; elle est globalement la deuxième puissance militaire dans le monde ; elle est la première puissance géographique du monde, avec ses 17 millions de km². D'autre part, l'Ukraine se bat pour des territoires qui lui ont été cédés en 1954, par l'ancien premier secrétaire du Parti communiste de l'Union soviétique, Nikita Khrouchtchev, et ces territoires sont peuplés de populations majoritairement russophones d'origine russe qui ont demandé à être rattachées à la Russie. Quant à la guerre, c'est l'Occident qui, à travers le gouvernement de Kiev pro-européen, a poussé à la guerre. L'objectif de l'Occident est d'agrandir l'espace européen au maximum face à la Russie et la Chine qui sont alliés. Ce que l'Occident craint dans cette alliance russo-chinoise de se voir dépassé tant sur le plan économique que militaire. Ce qui équivaut à une perte de l'hégémonie de l'Europe et des États-Unis sur le monde. Aussi les États-Unis et l'Europe, tenus en respect par la puissance nucléaire de la Russie, ont laissé l'Ukraine seule en guerre face à la Russie. Ils ne peuvent aider l'Ukraine que financièrement et en armements avec, cependant, des limitations de « ne pas étendre la guerre par les armements livrés par l'Occident au territoire russe ». Une situation difficile pour l'Ukraine face à la Russie. Si la Russie venait à subir une défaite, c'est aussi une défaite pour son allié, la Chine, sur le plan géostratégique, et inversement, si l'Ukraine essuyait une défaite, c'est aussi une défaite pour l'Occident.
A travers la guerre en Ukraine, c'est en fait une guerre entre l'Occident contre le camp eurasiatique, c'est-à-dire la Russie et la Chine. Aussi la Chine a fait son compte sur ce qui se passe en Ukraine ; après une année de combat que cette guerre est scrutée par les experts chinois, elle a compris, sans pour autant prendre parti, que, pour éviter un désastre, un plan de paix est nécessaire pour mettre fin à la guerre. Pourquoi le président ukrainien, le président français, la Commissaire européenne et le secrétaire général de l'OTAN ont demandé au président chinois de dialoguer avec le président ukrainien ? Là aussi, comme la Chine a compris ce qui se passait en Ukraine, et les développements ultérieurs qui pourraient surgir, les pays d'Europe comme les États-Unis ont eu, aussi, la même vision. En clair tout peut arriver et rien n'affirme que l'Ukraine remporterait la victoire sur la Russie avec tous les armements qui peuvent lui être livrés : les chasseurs F-16, la formation militaire dans les pays d'Europe des unités ukrainiennes. De même les sanctions occidentales. Évidemment, cela demande du doigté de la part de la Chine, du temps et surtout un mûrissement de part et d'autre, dépassant ce que les Ukrainiens ont clamé : « Un an de guerre en Ukraine, peu importe que nous soyons épuisés, nous devons continuer ce combat. » Donc la guerre va continuer. Cependant un point sur le plan de paix de la Chine à souligner, c'est le premier point sur qui tout va jouer. Qu'énonce-t-il ?
1 - Respect de la souveraineté de tous les pays.
La souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de tous les pays doivent être effectivement défendues, au regard du droit international universellement reconnu.
Il est vrai que le premier point du plan parle du respect de la souveraineté de tous les pays, et donc de l'intégrité territoriale. Mais il parle aussi d'indépendance et du droit international universellement reconnu. Pourquoi « indépendance » et droit international « universellement » reconnu ? Ce qui fait penser aussi à l'aspiration des peuples à l'indépendance, qui est une aspiration spécifiquement humaine et universellement reconnue.
Donc, ce sera ce premier point du plan de paix qui servira de base pour les négociations futures. Et ce sera le travail de l'émissaire chinois qui aura à confronter les avis de chaque responsable dans ce conflit, et à essayer de trouver un consensus réfléchi pour terminer cette guerre qui n'a plus de sens, tout au plus à créer des villes totalement détruites comme Marioupol, Bakhmout, et ni l'aide occidentale, ni les chasseurs F-16, ni une autre tournée européenne, américaine ou mondiale du président ukrainien ne changeront le décor. Ce sera l'escalade, la guerre avec ses destructions, ses morts, ses blessés, ses déplacés, et donc des souffrances terribles alors que l'issue est pratiquement jouée.
Certes, Li Hui, l'émissaire envoyé par Pékin pour discuter du « règlement politique » du conflit en Ukraine, a entamé, le 16 mai, une « tournée » en Europe pour tenter de trouver une issue pacifique au conflit opposant l'Ukraine à la Russie. Il connaît bien son métier, il est âgé de 70 ans, il a été un ancien ambassadeur chinois à Moscou et représentant spécial pour les affaires eurasiatiques. Après l'Ukraine, il doit également se rendre en Pologne, en France, en Allemagne et en Russie. Il faut rappeler que la Chine, proche partenaire de Moscou, n'a jamais condamné publiquement l'invasion russe. Que peut-on dire de cette succession d'événements depuis le 24 février 2023 ? Tout simplement l'Histoire a parlé. Les responsables européens, en se rapprochant de la Chine, n'ont fait que montrer que c'est la bonne décision. La Chine qui a préparé minutieusement, en pesant sur les mots, ce plan, aussi. La tournée du président Zelensky a été une nécessité, il voulait une confirmation de son plan de paix ou à défaut un soutien non seulement financier et militaire, mais aussi moral. Il craignait d'être abandonnés, lui et son pays, avec l'irruption de la Chine dans la crise ukrainienne, son plan de paix et la visite du président chinois en Russie, et aussi la contre-offensive ukrainienne qui a été annoncée plusieurs fois, mais toujours retardée et reportée. Le président Zelensky sait qu'une contre-offensive contre les forces russes, si elle se traduit par un échec, poussera les pays occidentaux à diminuer leur aides et lui recommanderont même de négocier avec la Russie, ce qui ne pourra qu'entériner la perte des territoires ukrainiens annexés par la Russie. Cependant, au-delà des événements qui vont surgir, quels que soient ces événements, ce sera à l'histoire de trancher comme elle l'a toujours fait par le passé. La Russie n'a-t-elle pas connue une révolution communiste, en mettant fin au régime impérial tsariste, en 1917 ? Et ce grâce à la Première Guerre mondiale. Elle est devenue l'Union des Républiques socialistes soviétiques, en décembre 1922 ; elle s'est éteinte en décembre 1991. La Chine n'est-elle pas devenue une République communiste, à l'instar de l'URSS, grâce aux deux Guerres mondiales ? Les pays colonisés d'Afrique et d'Asie dont certains sont devenus des puissances économiques ne le doivent-ils pas aux deux Guerres mondiales ?
Et l'Occident n'est-il pas monté en puissance par les guerres qui ont opposé les peuples d'Europe ? Puis, puissamment armé, il a commencé à explorer les autres continents. Et qui a créé les États-Unis, le Mexique, le Canada, l'Australie et colonisé l'Afrique et une grande partie de l'Asie ? N'est-ce pas l'Europe ? En fait, dans tous ces événements, c'est l'histoire qui est en marche, c'est elle qui commande le renouveau. Pareillement, comme l'énonce le représentant spécial chinois pour les affaires eurasiennes Li Hui, « il n'existe pas de méthode universelle pour résoudre le conflit russo-ukrainien, dans le même temps, il a souligné que Pékin avait l'intention de jouer un rôle constructif dans l'amélioration de la situation humanitaire en Ukraine. » Précisément, l'histoire a sa propre méthode universelle et les hommes, à leur insu, sont tenus à s'y conformer. Une loi non dite de l'histoire qui est non moins réelle. Aussi peut-on dire : « Et si l'histoire a investi la Chine pour mettre fin au conflit ukrainien, et ce faisant amène un renouveau au monde ? »
Note :
1. « Appel téléphonique entre le président Volodymyr Zelensky et le président Xi Jinping », par l'Ambassade de France en Chine. Le 26 avril 2023
https://cn.ambafrance.org/appel-telephonique-entre-le-president-volodymyr-zelensky-et
2. « Défense : la Chine prête à renforcer les « liens forts » avec la Russie », par le journal français Les Échos. Le 17 avril 2023
https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/chine-le-ministre-de-la-defense-vante-les-liens-forts-avec-la-russie-1935387
3. « Zelensky regrette que « certains pays arabes ferment les yeux » sur le conflit en Ukraine », par euronews. Le 19 mai 2023
https://fr.euronews.com/2023/05/19/zelensky-annonce-etre-arrive-en-arabie-saoudite-pour-le-sommet-de-la-ligue-arabe
4. « Le plan de paix chinois peut-il réellement mettre fin à la Guerre en Ukraine ? » par RTBF Belgique. Le 21 mars 2023
https://www.rtbf.be/article/le-plan-de-paix-chinois-peut-il-reellement-mettre-fin-a-la-guerre-en-ukraine-11170883
* Auteur et chercheur en économie mondiale relations internationales et prospective
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Posté Le : 23/08/2023
Posté par : rachids