On constate désormais que depuis l'initiative de la Chine de se rapprocher de l'Afrique, à travers des sommets parodiques dont celui qui tombait à pic, du 17 juin 2020, qualifié d'extraordinaire pour sa solidarité aux épreuves subies par les Africains par la crise sanitaire due au Covid-19, les grandes puissances se réveillent subitement pour se faire une place dans ce continent que, notamment, de nombreux pays européens connaissent très bien. Est-ce pour contrecarrer le géant asiatique ou probablement pour une influence géopolitique, mais le constat est là : les grandes puissances se dépêchent par dupliquer l'initiative chinoise dans les différents continents du monde. Pour la première fois, depuis la tragédie colonialiste, on entend, enfin, « la recherche d'un partenariat gagnant- gagnant ». On peut citer en vrac les rencontres après celles de la Chine ou prévues, le Japon, le Royaume-Uni, la France, l'Arabie Saoudite et la Turquie.
1- Quel est l'objectif avoué ?
D'abord est mis en avant les ressources minérales, les terres agricoles non encore exploitées, une population jeune et en pleine expansion. Ce continent, victime lui-même du terrorisme, reste un acteur majeur pour empêcher ce fléau à se généraliser dans le monde. Il est aussi un rempart d'une immigration économique qui «gêne Outre- mer». Enfin, le monde se rend compte que ce continent dispose de 54 voies influentes aux Nations unies. Tout calcul fait, la seule solution trouvée par cet éveil partenarial est de se rapprocher de ce continent pour l'aider à résoudre ses problèmes sinon il va les déverser ailleurs. Il faut reconnaitre que ces signaux ont été reçus 5 sur 5 par l'Afrique depuis le début de la décennie 2010. Ainsi, organisé sous l'égide de l'Union Africaine (UA), les pays membres, se sont mis d'accord, sur un plan qui leur permettrait, cette fois-ci, de relever «les innombrables défis auxquels le continent est confronté» dans leur rencontre en 2013.
L'UA l'a baptisé «Agenda 2063.» Ce plan vise, entre autres, à mettre fin aux guerres sur le continent, développer les infrastructures et permettre la liberté de mouvement sur le continent. Un autre projet-phare, la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), le plus grand pacte de libre-échange au monde, en termes de pays impliqués, devrait améliorer et stimuler le commerce entre les nations africaines.Toutefois, sans conviction, les critiques venant d'ici et là que la ZLECA, étant donné les délais, pourrait se heurter à de gros obstacles, notamment les politiques protectionnistes et les mauvaises infrastructures de transport entre les États membres. Voici en détail ce que ce plan prévoit, tiré de cet agenda 2063 :
• Relier toutes les capitales et les centres économiques africains par un réseau de trains à grande vitesse
• Accélérer le commerce intra-africain et renforcer la position commerciale de l'Afrique sur le marché mondial
• Le développement du barrage d'Inga en RD Congo pour produire 43.200 MW d'électricité
• Supprimer les restrictions imposées aux Africains pour voyager, travailler et vivre sur leur propre continent
• Mettre fin à toutes les guerres, aux conflits civils, à la violence fondée sur le sexe, aux conflits violents et prévenir les génocides
• Création d'un marché unique africain du transport aérien (Saatm)
• Renforcer l'Industrie spatiale africaine
• Créer une Université virtuelle et électronique africaine
• Développer une Encyclopédie africaine (Encyclopaedia Africana) pour fournir une ressource faisant autorité sur l'histoire authentique de l'Afrique et de la vie africaine
2- Pourquoi une mise en Å“uvre difficile ?
La discipline a manqué aux organisateurs de ce plan pour un respect strict de l'Agenda. Il est clair que les bailleurs de fonds à de nombreux membres de l'UA, ont profité de l'occasion pour travailler en connivence avec les lobbies des pilleurs des richesses africaines, hostiles à ce plan et toute organisation des pays africains d'ailleurs d'exiger pour les membres criblés de dettes d'accélérer leurs remboursements. Ceci, les a détournés malheureusement des priorités de l'Agenda 2063.
Les membres actifs à ce projet édifiant se sont rendu compte que les infrastructures de transport ne sont ni disponibles et encore plus incompatibles avec les ambitions du projet. Les pays africains se trouvent dans le même continent mais isolé l'un de l'autre pour un objectif de stimulation d'une économie continentale. Les routes constatent- ils, sont prédominantes dans l'état de vétusté où elles sont. La Banque Africaine de Développement (BAD) estime l'utilisation de 80% de ces routes pour les marchandises et 90% pour les voyageurs. La vétusté routière est avancée dans 49 pays d'Afrique subsahariennes empêchant les populations d'un accès à l'éducation de base, aux services de santé, aux centres commerciaux, surtout aux opportunités économiques.
43% des routes en Afrique sont bitumées selon la BAD dont les 30% se trouvent dans un seul pays : l'Afrique du Sud. Il faut donc absolument assainir cette situation pour permettre aux pays africains de s'affranchir de la dépendance extérieure pour se développe économiquement, socialement et pourquoi pas politiquement par leurs propres moyens
3- l'Afrique continue d'être victime des préjugés.
De nombreux analystes notamment occidentaux, pensent que la crise énergétique que vivent de nombreux pays européens à cause de l'invasion de la Fédération de Russie en Ukraine, pourrait faire profiter de nombreux pays producteurs des hydrocarbures dont principalement du gaz. C'est un préjugé qui apparait à chaque fois que les prix du baril de pétrole flambent et se répercutent automatiquement sur ceux des carburants à la pompe. Pourtant, de nombreux paramètres économiques ont montré qu'il s'agit d'une idée préconçue mais totalement fausse.
La première raison pour de nombreux pays producteurs qui fournissent du gaz à l'Europe, l'Algérie ou le Nigeria, pour ne citer que ceux-là, le font à travers des contrats dont les prix sont indexés sur celui du baril de pétrole et non sur celui du marché «spot». En hiver 2022, les prix du million de British Thermic Unit (MMBTU) ont atteint en spot une fourchette de 40-65 dollars le MMBTU ceux du gaz fourni contractuellement n'ont varié que de 1 à 2 dollars de l'indexation tout à fait conjoncturelle d'un prix moyen du baril de pétrole autour de 80 dollars entre octobre 2021 et le 24 février 2022, date du début des opérations militaires russes en Ukraine. Il fallait attendre la fin du premier trimestre 2022 lorsque les prix du baril ont atteint des niveaux semblables à ceux de la crise des ‘Supprimes' de 2008 en moyenne de la période supérieurs à 100 dollars le baril avec un pic haut dépassant les 130 dollars et celui plus bas 93 dollars, que les contrats commencent à être renégociés pour certains pays comme l'Algérie et l'Espagne par exemple. Ces pays subissent les effets pervers de la détérioration des termes de l'échange. En effet, les produits qu'ils importent croissent avec ceux du marché mais très loin du niveau des prix contractuels que les pays producteurs de gaz pratiquent sur le terrain. Il s'agit pour les ménages africains de se préparer à affronter un flux inflationniste sans compter celui de frôler une crise alimentaire dans un marché où le prix de la tonne de blé augmente plus que celui du MMBTU qu'ils vendent. La présence d'une délégation que les medias ont appelé «Arabe» qui s'est déplacé à Moscou pour contribuer à leur manière, à une issue diplomatique à la crise ukrainienne en est la preuve tangible.
L'Egypte et le Liban, sont de grands importateurs de blé ukrainien et russe. Au Yémen, pays entouré des riches monarchies du Golfe, l'ONU estime que jusqu'à 19 millions de personnes pourraient avoir besoin d'une assistance alimentaire à partir du second semestre 2022. Le Soudan, qui voit ses réserves fondre depuis l'arrêt de l'aide internationale, en rétorsion au putsch militaire fin 2021, semble déjà prendre les devants. Au moment où la guerre éclatait, le numéro deux soudanais était à Moscou pour discuter des échanges commerciaux avec la Russie, premier exportateur mondial de blé. Maintenant en perspective l'Europe pourrait revoir sa politique en Afrique eu égard aux immenses réserves de gaz qui pourront constituer une réelle alternative à leur dépendance du gaz russe.
L'exemple du projet du gazoduc transsaharien, prévu depuis plus d'une décennie mais a pris du retard pour être relancer en 2022, est très avancé aujourd'hui. Au lieu de ce préjugé fallacieux, l'Europe peut booster ce projet qui souffre d'un manque de financement pour un coût estimé entre 13 à 15 milliards de dollars. Même si avec des «SI» on ne construit pas des châteaux, on pourra constater, avec regret, que si ce projet avait été encouragé par l'Union européenne, pour que le Nigeria envoie 30 milliards de m² de gaz jusqu'à Hassi R'mel, aujourd'hui l'Algérie dispose des moyens de transport pour les acheminer vers l'Europe par son réseau de transport (piping et shipping) actuellement sous-utilisés.
*Economiste Pétrolier
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Posté Le : 30/05/2024
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Reghis Rabah*
Source : www.lequotidien-oran.com