Cette présente analyse est une synthèse de mes différentes interventions nationales et internationales depuis le début du mouvement populaire en Algérie du 22 février à fin octobre 2019.1- Le ministre de l'Energie annonce l'urgence de l'adoption de la loi sur les hydrocarbures. Même, si cette loi est votée en novembre 2019, avec curieusement la campagne pour l'élection présidentielle, supposant un climat apaisé, l'attrait de l'investissement ne se fera pas avant quatre à cinq années et qui sera fonction du vecteur prix tant du pétrole que du gaz (représentant 33% des recettes de Sonatrach fluctuant, actuellement sur le marché libre entre 2/3 dollars le MBTU) et du nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial qui devrait connaitre un profond bouleversement entre 2020/2025/2030.
La révision nécessaire de la loi des hydrocarbures, doit s'inscrire dans le cadre d'une loi organique de la transition énergétique. Seront combinés à la fois les stratégies de Sonatrach à l'amont et à l'aval, dans le cadre d'un partenariat gagnant/gagnant, n'ayant plus les moyens financiers, ni les techniques nouvelles (recettes prévues fin 2019 d'environ 32 milliards de dollars auquel il faut soustraire 20/25% de coût, avec une sortie de devises y compris les services de 54/55 milliards de dollars avec des réserves de change entre 58/60 milliards de dollars), les énergies renouvelables, énergie d'avenir pour les besoins locaux et éviter de ne pouvoir exporter horizon 2030, l'efficacité énergétique, la plus grande réserve luttant contre le gaspillage posant la problématique des subventions généralisées et le pétrole/ gaz de schiste (3ème réservoir mondiale) à ne pas écarter dans le Mix, sous réserve de nouvelles techniques opérationnelles horizon 2022/2025, qui économiseront 98% d'eau douce et de produits chimiques dans les puits, donc protégeant l'environnement mais nécessitant un dialogue social avec les populations des régions concernées.
Les hydrocarbures procurant 98% des ressources en devises du pays, irriguant toute la société, directement et indirectement, renvoyant à la sécurité nationale, nécessite un dialogue sérieux pas seulement technique mais également politique, appartenant au futur président et à son gouvernent, légitime, de la présenter soit à l'actuel parlement ou à un nouveau parlement.
2- Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité Sociale, a appelé à la réforme des retraites. Rappelons, en fonction des expériences historiques dans le monde, qu'il y a le système de répartition auquel sont associés les assurances et le système de participation, souvent combinés. En Algérie existent deux Caisses de retraites, l'une pour les personnes nommées par décret pendant 10 ans bénéficiant d'une retraite à 100% et l'autre majoritaire plus de 80% bénéficiant d'une retraite à 80%.
Dans le système en vigueur, toute personne ayant cumulé 32 années d'activité peut, si elle en fait la demande, partir à la retraite sans attendre l'âge de départ légal de 60 ans. Fin 2018, nous avons 3,2 millions de retraités et le ratio du nombre de travailleurs cotisants pour un retraité est actuellement à 2/1 alors que la norme pour garantir la viabilité d'un système de retraite est d'au moins cinq actifs cotisants pour un retraité. Il s'ensuit que les recettes de la caisse tournent fin 2018, autour de 700 milliards de dinars soit au cours de 118 dinars un dollar 6 milliards de dollars et une dépense qui a dépassé les 1 200 milliards de dinars soit plus de 10 milliards de dollars.
Le déficit de la caisse en 2018 a été de plus de 500 milliards de dinars soit 4,3 milliards de dollars. Des discussions sérieuses grâce à un dialogue social serein doivent concerner les propositions émises récemment par le ministère du Travail, en soulignant que toute loi n'est pas rétroactive et qui concerne les futurs retraités où l'espérance de vie pour l'Algérie est autour de 77,70 ans en 2018, pour les deux sexes, selon les Nations unies. L'autre proposition du gel des 2,5% de revalorisation des retraites qui prennent effet chaque mois de mai. La proposition de ramener la part des retraites à 60% au lieu de 80% et de prendre en compte dans les calculs non pas les cinq dernières années, mais les 10 dernières années : les hauts fonctionnaires bénéficiant de la retraite de 100% sont-ils concernés ' Qu'en sera-t-il des petites retraites variant entre 20 000/30 000 dinars. Pour le rallongement à 65 ans a-t-on pris en charge les métiers pénibles et ceux qui ont commencé à travailler entre 18-25 ans.
3- Le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire a affirmé, que le projet de loi visait un code unifié des Collectivités territoriales afin d'offrir un champ large aux élus locaux dans le cadre du renforcement de la décentralisation de la prise de décisions afin de parfaire les prestations du Service public local et d'associer le citoyen à la gestion de ses affaires, en renforçant la démocratie participative, la commune devant sortir de ses missions classiques, en s'autofinançant et s'érigeant en institution qui a un rôle économique, en vue de permettre à l'Etat de revenir à des fonctions primordiales, celles de mettre en place les politiques publiques. Or cela pose toute la problématique non résolue à ce jour : quelle est le rôle de l'Etat régulateur dans le développement économique et social impliquant la refonte de l'Etat pour s'adapter aux nouvelles mutations tant locales que mondiales : tout un programme dont l'impact ne peut se faire que sur le long terme, (2025/2030 si cette réforme débute 2020), impliquant partis, sociétés civiles et la population et un pouvoir légitime.
4- La ministre de l'Industrie et des Mines, après les échecs répétées des annonces tant dans les filières industrielles que les mines (voir le déboire du méga projet de phosphate avec les chinois) annonce la relance de cette activité suivi d'une directive, du Premier ministre, qui a instruit la direction générale des douanes algériennes pour libérer les conteneurs de kits SKD/CKD bloqués depuis plus de quatre mois aux ports d'Alger, de Mostaganem, de Jijel, de Skikda et d'Annaba et dont la plupart des patrons ont été placés sous mandat de dépôt dans des affaires de corruption, de surfacturation et de transfert illicite vers l'étranger.
Pourquoi avoir mis en prison tant de promoteurs privés alors que les annonces ne précisent pas le contenu du nouveau cahier des charges afin de ne pas renouveler les expériences négatives du passé. Comme l'installation d'une commission au niveau de ce ministère, dans la précipitation, pour étudier la règle 51/49% de ce qui est stratégique et ce qui ne l'est pas, sans débats sérieux, et concernant l'ensemble des secteurs et pas seulement l'industrie, relevant d'une stratégie de développement, malheureusement inexistante, le gouvernement actuel navigant à vue.
5- Un ministre du Commerce transitoire, ancien haut responsable du commerce extérieur depuis les années 2000,donc responsable de la situation actuelle, qui par des déclarations souvent contradictoires, engageant d'autres départements ministériels, veut tracer la future politique socio-économique de l'Algérie horizon 2025/2030 et nous pouvons généraliser les déclarations à d'autres départements empiétant sur les programmes des candidats à l'élection présidentielle.
En résumé, mettre ces dossiers et autres provoquant des remous sociaux, sur la place publique par ce gouvernement décrié par la majorité de la population, revient à parasiter les débats des candidats à l'élection présidentielle qui commenceront dans quelques semaines et à démobiliser la population pour sa participation le 12 décembre où une faible participation risque de décrédibiliser le scrutin. Pourquoi, existant un porte parole de l'instance indépendante des élections, toutes ces déclarations de membres du gouvernement alors que la Loi est précise, n'étant nullement concerné par cette élection' Pourquoi à la veille d'une élection cruciale procède t- on à de vastes nominations dans le corps de la justice, sans concertation, qui provoquent des remous sociaux, paralysant le système judiciaire, alors que l'objectif est un climat apaisé, ce gouvernement devant gérer uniquement les affaires courantes, évitant de mettre de l'huile sur le feu' Il est important souligner que l'ensemble des décisions analysées précédemment doivent s'inscrire dans un programme de gouvernement sur cinq années minimum et dans le cadre d'une vision stratégique globale.
L'objectif passe par la mise en place d'une économie productive dans le cadre des nouvelles valeurs internationales (bonne gouvernance, valorisation du savoir, compétitivité) en évitant de vivre de l'illusion de la rente éternelle des hydrocarbures et de croire que des lois ou des décisions bureaucratiques administratives peuvent résoudre le problème du développement sans une réelle volonté politique de mener à bien les réformes structurelles qui accusent des décennies de retard. Dans le contexte politique particulier à l'Algérie qui traverse une très grave crise politique, ces dossiers très sensibles et hautement stratégiques, seul un pouvoir légitime peut les mener, avec l'adhésion de la population grâce à une communication transparente, afin d ?éviter accroître les remous sociaux et influer négativement sur le taux de participation à l'élection présidentielle.
A moins que ce gouvernement, veut un faible taux de participation, mobilisant les anciens acteurs du système qui iront voter, pour essayer de faire passer son candidat, ce qui conduirait inévitablement à de vives tensions sociales, isoler le pays de l'arène internationale et à la déstabilisation de l'Algérie. Seul un président légitime, avec son gouvernement, peut mener les réformes, qui seront douloureuses, nécessitant l'adhésion de la population.
Professeur des universités, Dr Abderrahmane Mebtoul ancien haut magistrat
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Posté Le : 02/11/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abderrahmane Mebtoul
Source : www.lnr-dz.com