La controverse date de 1975 et ne s'est jamais estompée. En 2009, le
gouvernement coupe la poire en deux. On travaillera le jeudi et on se reposera
le vendredi et le samedi.
A partir du 14 août prochain, les Algériens se reposeront vendredi et
samedi. Ainsi en a décidé le Conseil des ministres, en indiquant qu'un texte
réglementaire en précisera les modalités. Le communiqué du Conseil des
ministres explique que la décision a été prise sur la base du constat que
«outre les secteurs d'activités en contact direct avec la population (banques,
communes, postes),de plus en plus d'entreprises économiques privées ou mixtes
organisent le repos hebdomadaire de leurs personnels pendant les journées de
vendredi et samedi».
Ce n'est en effet pas un secret :
nombre d'entreprises privées, le plus souvent des sociétés de distribution de
produits importés, appliquent sans le dire le week-end «universel». Ces
sociétés interrompent leurs activités les samedis et dimanches, car les
fournisseurs et les maisons-mères imposent naturellement leurs rythmes
hebdomadaires.
La décision de décaler le
week-end algérien ne clôt cependant pas un débat installé depuis
l'instauration, en 1975, du jeudi et du vendredi en tant que journées de repos
nationales. A l'époque, ce nouveau week-end avait été présenté et célébré comme
une étape fondamentale dans la reconstruction de l'identité nationale dans
l'esprit des traditions de l'Islam. La décision a donné lieu à une controverse
diffuse qui ne s'est toujours pas interrompue. Elle est revenue de manière plus
claire ces dernières années. Les «modernistes» en quête de «victoire»
exigeaient un retour au week-end universel pour mettre fin à cette «concession»
à l'islamisme. Les conservateurs, par opposition et aussi en raison des
habitudes prises depuis 1975, s'y opposaient. Le gouvernement a longtemps
hésité avant de se placer dans ce qu'il pense être une «voie médiane».
L'idéologie face à la réalité
Mais, sur le fond, la référence à
la religion pour instaurer le week-end du jeudi-vendredi est on ne peut plus
discutable. Le vendredi est bien le jour de la grande prière commune des
musulmans pratiquants, et y aller est une obligation. Cependant, il n'est nulle
part attesté que le vendredi doit être une journée de repos semblable à celui
que pratiquent les juifs et les chrétiens. Dans ces monothéismes premiers, Dieu
a figure humaine et, selon les traditions, après la création, se serait reposé
le samedi pour les uns et le dimanche pour les autres. Cet anthropomorphisme
n'existe pas dans la représentation divine dans l'Islam. Il n'existe donc
aucune recommandation prophétique d'un jour de repos, et la tradition n'accorde
pas d'autre signification au vendredi que celle d'être le jour de la prière en
commun.
La décision d'imposer ce week-end
algérien était politique et non religieuse. Le pouvoir, qui dirigeait à
l'époque une Algérie sortant d'une longue période de négation de son histoire,
avait peut-être besoin de faire des actes de ruptures symboliques forts avec
l'ordre colonial. Si les oppositions politiques ne pouvaient s'exprimer
ouvertement à l'époque, le populisme de la mesure s'est rapidement heurté aux
réalités.
L'économie du pays était, en
effet, - déjà ! - extrêmement ouverte sur les importations. Or, la
quasi-totalité des partenaires fournisseurs de l'Algérie observent le week-end
universel. Les limites de ce choix sont apparues très vite. Le pays se
retrouvait avec une interruption de quatre jours sur sept dans ses relations
avec l'étranger. Les délais de traitement des opérations avec l'extérieur
s'allongeaient et entrainaient d'importants surcoûts, un ralentissement
injustifié des activités et une régression alarmante de la performance générale.
La première dérogation pour les banques
La première dérogation de taille
au week-end du jeudi et vendredi a été rapidement accordée aux banques et
assurances. Celles-ci avaient mis en avant l'impact négatif de cette mesure sur
leurs activités. Les opérations documentaires avec l'étranger ne pouvaient être
efficacement traitées dans un laps de temps de trois jours hebdomadaires.
Conséquence : le pays s'est retrouvé avec des pénuries à répétition sur des
produits sensibles.
Le mécontentement des consommateurs
algériens, déjà soumis à de rudes épreuves et aux «chaînes», a donc entraîné
une modulation rapide de l'orientation idéologique. Certains de ceux qui
travaillaient dans les banques à cette époque se souviennent des difficultés
occasionnées aux personnels par la mise en oeuvre de ce week-end «spécial».
Leur vie de famille en avait été affectée. Les parents, employés de banque, ne
voyaient plus leurs enfants qu'un seul jour par semaine. Quand l'autre membre
du couple travaillait hors du système bancaire, la situation était encore plus
compliquée. Il reste qu'au regard de l'impact économique global, ces
considérations étaient bien secondaires.
De nombreuses études et
évaluations, celles du défunt secrétariat au plan notamment, soulignaient que
les conséquences de ce week-end spécifique se chiffraient en centaines de
millions de dollars par an et entrainaient une perte de croissance sensible.
En décidant cette fois-ci de
couper la poire en deux, le gouvernement admet la nécessité de limiter les dégâts,
tout en évitant de froisser ceux qui estiment que le vendredi est «sacré». Il
s'agit surtout d'une reconnaissance officielle d'une situation de fait. Au-delà
de toutes considérations théologiques ou idéologiques, il faut espérer que
cette décision entre dans le cadre d'une remise en ordre du marché du travail
et de l'amélioration nécessaire de l'administration du pays. Car, quel que soit
le week-end, universel ou non, les enjeux essentiels résident dans la
dynamisation de l'économie et dans l'efficacité de son organisation.
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Posté Le : 23/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com