La Nigériane Ngozi
Okonjo-Iweala a beau avoir le meilleur profil et le bagage professionnel qu'il
faut pour prétendre à la succession de Robert Zoellick à la tête de la Banque
mondiale, tout indique que l'Américain Jim Yong Kim va l'emporter. Le mérite
n'y est pour rien. Le rapport de forces y est pour beaucoup. Pour tout.
Depuis leur
création en 1944, les deux institutions nées des accords de Bretton-Woods, le
FMI et la Banque mondiale, sont dirigées le premier par un Européen et la
seconde par un citoyen des Etats-Unis. Cette répartition, résultat d'une
entente tacite entre Occidentaux, était d'autant plus facile à mettre en Å“uvre
que les pays développés détenaient la majorité des voix aux assemblées
générales de ces deux piliers du système financier international. Or au fil des
crises et de l'apparition de nouveaux acteurs sur la scène mondiale, les
Occidentaux ont dû concéder des modifications dans la répartition du capital
des institutions multilatérales et donc reconnaître le poids croissant des pays
émergents. Il n‘en demeure pas moins que le comité exécutif a rendu publics le
23 mars dernier les noms des trois candidats à la succession du très libéral
Robert Zoellick en poste depuis 2007. Les trois candidats sont l'Américain
d'origine coréenne Jim Yong Kim, le Colombien José Antonio Ocampo et la
Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, a indiqué la Banque dans un communiqué publié
après la clôture du dépôt des candidatures. La candidature Jim Yong Kim a
surpris les observateurs, il était en effet question que Washington présente
Lawrence Summers, ancien secrétaire au Trésor et ancien conseiller économique
de Barack Obama Mais visiblement la Maison-Blanche a tenu compte des réticences
de certains pays du G7, le Japon notamment, et de d'Afrique.
LES QUALITES
RECONNUES DE NGOZI OKONJO-IWEALA
Cette candidature
annoncée par Barack Obama a suivi celle de Madame Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne
directrice générale de la Banque et ancienne ministre des Finances du Nigéria.
Le troisième candidat, José Antonio Ocampo, ancien ministre des Finances
colombien pourrait se retirer pour conforter Madame Ngozi Okonjo-Iweala et
présenter un front uni des émergents. La comparaison des profils des deux
principaux candidats est très nettement à l'avantage de la Nigériane. Ngozi
Okonjo-Iweala, 57 ans, dont le nom avait déjà été évoqué en 2007 pour remplacer
Paul Wolfowitz, est une économiste reconnue et très respectée formée à Harvard
et titulaire d'un PHD du Massachusetts Institute of Technology. Elle connait
parfaitement la Banque Mondiale où après une longue carrière elle a été nommée
Directrice-Générale. Madame Okonjo-Iwaela a assumé les fonctions de ministre
des Finances, et brièvement de ministre des Affaires étrangères du Nigéria.
L'ONG Oxfam International s'est félicité «de voir un vrai débat sur la façon
d'obtenir une direction crédible et légitime à la Banque mondiale», l'Afrique a
«mis en avant une candidate éminemment qualifiée».
UN POSTULANT
AMERICAIN AU PROFIL ATYPIQUE
Le profil du
postulant américain est atypique, les présidents successifs de la Banque
mondiale presque tous issus du monde politique ou de la haute finance. Jim Yong
Kim est un médecin américain d'origine coréenne né à Séoul le 8 décembre 1958.
Il est le 17ème président du prestigieux Dartmouth College. Jim Kim a émigré en
Amérique avec ses parents à l'âge de cinq ans, selon sa biographie officielle.
M. Kim a été directeur chargé du dossier du sida à l'Organisation mondiale de
la santé (OMS). Ses origines devraient être un atout à l'heure où les pays
émergents remettent en cause l'hégémonie occidentale sur les institutions de
Bretton-Woods. Le Japon et la Corée du Sud ont décidé de soutenir le candidat
de Barack Obama… Selon le calendrier annoncé, la personnalité qui succédera à
Robert Zoellick doit être désignée avant la réunion de printemps de la Banque,
le 20 avril 2012. Et ce sera, à moins d'un improbable coup de théâtre le
candidat américain qui sera élu.
LES BRICS IRRITES
C'est dans ce
contexte que le quatrième sommet des BRICS - forum des économies émergentes
rassemblant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud - s'est
tenu, jeudi 29mars, à New Delhi. Sans se mettre d'accord sur un candidat
commun, les BRICS réclament un processus de sélection «ouvert» et «basé sur le
mérite», réitérant ainsi leurs critique de l'usage qui veut qu'Américains et
Européens monopolisent les directions de la Banque mondiale et du FMI.
Les BRICS ne se
sont pas privés d'exprimer une certaine irritation devant la permanence de la
mainmise occidentale sur les principaux instruments de gouvernance mondiale. Il
ne s'agit pas seulement de la nationalité de ceux qui les dirigent mais bien de
l'orientation et du rôle des institutions multilatérales en matière de
développement. Ainsi, la décision la plus significative de la réunion de
New-Dehli est le lancement d'un projet de banque de développement, désignée de
manière informelle «banque BRICS» ou «banque Sud-Sud». Selon la «Déclaration de
Dehli», la mission de cette banque sera de «mobiliser des ressources pour des
projets d'infrastructures et de développement durable» à la fois dans les
BRICS, dans les autres économies émergentes et pays en développement. Les
ministres des Finances des cinq pays membres des BRICS sont chargés «d'examiner
la faisabilité et la viabilité» du projet.
RAPPORT DE FORCES
De fait, les BRICS
prennent acte que dans l'état du rapport de forces au sein de l'institution il
est vain d'engager une bataille perdue d'avance pour l'élection d'un président
plus proche des réalités des pays où la Banque mondiale exerce son influence.
D'autant que l'idéologie ultra-libérale dominante au sein de la Banque empêche
tout aggiornamento à court terme. Le bilan de la Banque mondiale en Afrique et
en Amérique du Sud est éloquent et il n'est pas sûr qu'un président africain
puisse réorienter l'action de cette institution. Les pays de l'Alliance
Bolivarienne (ALBA) autour du Venezuela ont déjà constitué un groupe de travail
pour une banque alternative au FMI et à la Banque Mondiale.
Il serait
peut-être utile de rapprocher l'initiative des BRICS de celle de l'ALBA pour
parvenir à la création d'une alternative financière, hors du Consensus de
Washington et des intérêts des multinationales, pour une stratégie de
développement centrée sur les besoins des populations et les conditions réelles
des pays du Sud.
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Posté Le : 03/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Saïd Mekki
Source : www.lequotidien-oran.com