Algérie

Pourquoi la criminalité se banalise



Pourquoi la criminalité se banalise
On tue pour de banales raisons comme au Far West«Aujourd'hui, consommer de la drogue ne choque plus personne.»En un seul week-end, deux localités de la wilaya de Tizi Ouzou enterrent deux de leurs enfants sauvagement assassinés. Les deux drames n'ont pas encore livré leur secret si ce n'est que les deux victimes ont d'abord disparu avant que leurs corps ne soient découverts dans deux endroits différents portant les traces de coups portés à l'arme blanche. Pratiquement, au cours de la même journée de jeudi dernier, le jeune disparu depuis quelques jours à Boudjima a été retrouvé mort, sauvagement assassiné à l'arme blanche à la plage Tassalast près de la ville côtière de Tigzirt, 50 kilomètres au nord du chef-lieu de wilaya. Parallèlement, à Aït Mendès, dans la daïra de Boghni, 50 kilomètres au sud du même chef-lieu, un autre village enterre un de ses enfants, taxieur de profession. Son corps a été récupéré par les éléments de la Protection civile d'un ravin. Deux morts, deux enterrements, aucune explication.La société abandonnée aux fleaux sociauxDevant cette situation, les services de sécurité ont lancé des enquêtes pour éluder les mobiles et circonstances de ces morts. D'une part, ces investigations ont peu de chance d'aller au bout du problème en soi, en raison de la banalisation du crime et du banditisme. D'autre part, l'on est en droit de se demander si la carapace du traditionnel ordre social de la société a fini par partir en fragments. Les digues ont-elles cédé'Selon l'avis de plusieurs étudiants en sociologie et psychologie à l'université de Tizi Ouzou, le mal trouverait son origine dans plusieurs facteurs apparents. Mais l'explication que ces facteurs donnent se trouve noyée par l'importance de l'erreur que les pouvoirs publics successifs depuis l'indépendance ont fait de ne pas inciter l'élite à réfléchir et à s'occuper des maux sociaux. «On ne peut jamais trouver des études en Algérie sur les phénomènes de la violence. Les étudiants en sciences sociales, à même de se pencher sur cela, ont été orientés vers des travaux de fin d'études tirés de l'Internet et loin de la réalité algérienne» regrette Samir, étudiant en psychologie, mais qui a fini par partir ailleurs.Par conséquent, la société, les jeunes essentiellement, a été abandonnée à son sort. Les jeunes sont la proie de tous les fléaux sociaux à l'origine endogène tout comme ceux d'origine exogène. Comme nouveaux repères, les jeunes n'ont trouvé que l'argent. «La réussite ne signifie plus rien que l'argent pour l'écrasante majorité. L'école, les valeurs et autres formes de vertus ne sont plus de mise. Il faut se «débrouiller». La débrouillardise est un mal qui va manger la jeunesse algérienne. «Celui qui a réussi est celui qui a amassé de l'argent. Le moyen ne compte plus. Celui qui a réussi est celui qui roule avec une «bagnole» de luxe. Le moyen ne compte plus. A travers les villages et les villes, en majorité, les barons de la drogue, les récidivistes, dans les activités illégales, les propriétaires des débits de boissons illicites sont les golden-boys locaux. La société leur voue un respect malsain et incompréhensible» renchérit son camarade également vivant au Canada. Devant l'absence des valeurs, les jeunes sont la proie de tous les fléaux. «Aujourd'hui, consommer de la drogue ne choque plus personne. Bien au contraire, certaines places publiques dans notre commune sont connues pour être les lieux de rencontre des dealers et consommateurs. Jadis, ces lieux servaient de marchés de vivres, aujourd'hui ils font office de marchés de la drogue» signale un vieil homme de la commune de Boudjima. L'excès dans le laxisme dont ont longtemps joui ces dealers et les différents malfrats a fini par avoir raison de toutes les barrières sociales. De fil en aiguille, le petit crime grandit. Aujourd'hui, l'on n'assiste plus au vol et aux incursions, aux faux barrages et aux kidnappings, mais à quelque chose de plus grave. On tue pour de banales raisons comme au Far-West.La carapace des traditons anciennesLe même renversement des valeurs est observé à une échelle plus restreinte. Dans les villages, les comités, ces structures anciennes, sont dépassées par les événements. Alors qu'auparavant, ces comités géraient le quotidien des villageois selon les codes anciens, d'autres objectifs ont soudainement fait irruption. Aujourd'hui, la plupart de ces structures ne s'intéressent plus au quotidien des villageois, mais travaillent pour la réélection d'un maire ou d'un parti politique. Le mode de désignation ancien qui reposait sur les valeurs morales de l'individu a laissé place au parasitage politicien. Dans certaines communes, les réunions des comités ne se déroulent plus à la djemaâ, mais dans des bars. Beaucoup de contre-exemples tuent l'exemple. Toujours au chapitre des causes, il y a lieu de citer l'école. L'école aujourd'hui, s'accordent plusieurs spécialistes, subit le produit de la violence. Les exemples sont concrets. Ce qui se passe actuellement dans plusieurs établissements est un prélude à de plus graves faits. En effet, depuis une année, les cours des établissements dans plusieurs communes de la wilaya sont devenues de véritables lieux de règlements de comptes entre bandes rivales. A Boudjima, la cour du lycée a été désertée pendant plusieurs jours par les élèves. Ils ont fui les bagarres à l'arme blanche que se livraient deux bandes venues de l'extérieur. Les incidents ont fait plusieurs blessés parmi les lycéens. A Aït Aïssa Mimoun, dans la daïra de Ouaguenoun, le lycée nouvellement ouvert subit le même sort. Des bandes de voyous circulent à l'intérieur en toute impunité. Les comptes sont réglés à l'arme blanche.Cette situation qui prévaut aujourd'hui fait suite à de longues années de laxisme devant les comportements voyous qui se déroulent dans les classes. Combien d'enseignants ont été agressés par des élèves dans les classes' Le tabac a fait irruption dans les cours sans être combattu avant de céder la place à d'autres substances plus dangereuses comme la drogue. Aujourd'hui, plusieurs voix se demandent, à juste titre d'ailleurs, si l'école n'a pas commencé à produire la violence après l'avoir subie.




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