Algérie

Pourquoi est-ce mal d'être islamaphobe en Occident ?



«Toute espèce de racisme conduit inévitablement à l'écrasement de l'homme» Jean Paul II, pape de l'église catholique (1920-2005)

L'on serait bien tenté d'éviter ce questionnement aux mille et un rebondissements incompréhensibles n'était-ce le retournement médiatique subversif à la suite de ces derniers événements de Toulouse et de Montauban. Lesquels ont remis au goût du jour ce spectre de l'islamisme radical et placé la puce de la confusion aux oreilles de la bien-pensance occidentale. Cette dernière s'octroie sans aucun droit le luxe des jugements de valeurs gratuits sur des sociétés qu'elle n'a guère connues ou presque. Mais entre l'islamisme radical d'Al-Qaïda aux allures de barbarie et l'islamophobie hexagonale, de loin fort exécrable, l'isthme des ignorances construit son petit bonhomme de chemin et retarde à jamais l'entente tout autant de peuples que de civilisations. D'où la légitimation en force des tendances xénophobes et racistes, financées et appuyées généralement par les milieux d'extrême-droite. Ce qui fait grief à ce concept de citoyenneté que l'on aurait, à l'origine et dans la logique cartésienne des choses, entretenu en occident à la lisière des dogmatismes, fanatismes et formatages idéologiques ou religieux. C'est pourquoi, l'on voit bien le surgissement de cette culture de haine lovée dans les grands discours politiques aux résonances d'hypocrisie. Il n'est plus exagéré de dire à cet effet que l'arithmétique de la mort a savamment été confortée par la gymnastique des récupérations politiciennes en ce meurtre commis par un certain français qui s'appelle Mohammed Merah. Celui-ci en agissant en cachette et à l'ombre des feux de rampe médiatiques, aurait secoué bien de certitudes et prouvé à bien des égards la fragilité des États occidentaux par rapport à toute probable agression terroriste. Dorénavant, l'hypothèse de l'omniprésence de la menace terroriste est un fait avéré que plus personne ne saurait nier. Par conséquent, il n'y a plus cette distinction entre États stables et sans problèmes et d'autres qui sont classés par ceux-là mêmes à hauts risques et source d'instabilité régionale. La règle d'or en vigueur dans les relations internationales a fait en sorte que la mondialisation-laminoir a cassé toute étanchéité réelle ou supposée des nations.

Par ailleurs, en ce début du XXI siècle, jugé d'ailleurs par les Américains depuis les années 80 comme l'ère de la communication par excellence, les langues ont commencé à se délier et à verser dans l'ignominie non seulement sur les plateaux télé où l'on suppose aléatoirement, ment effrontément, fait des hypothèses partiales, émet des réserves gênantes, se lance dans la surenchère verbale, et ajoute de l'huile de l'incompréhension sur le feu de la diabolisation en affûtant des armes de toute nature pour mettre en branle tout un processus de guerre psychologique mais aussi et surtout, sur les pages de facebook où les envolées racistes s'y nichent juste à côté des devises humanistes dont tout le monde a découvert de par toute la planète l'inconstance, la fausseté et les parti-pris. Ironie du sort, ces espaces censés être un lieu d'ouverture sont transformés en tribune de diffusion de haine interraciale et antisémite à grande échelle, où l'on stigmatise l'autre sans le connaître, renie son existence, et réclamer sa mort au nom de l'idéologie puissante, celle des médias et de l'intelligentsia aux ordres, «ces chiens de garde» comme aimerait à les appeler le journaliste du Monde Diplomatique Serge Halimi.

En effet, pour dissiper tous les malentendus, l'on ne saurait qu'affirmer que la barbarie a un seul nom, un seul visage, et une seule source qu'est bel et bien la radicalité de la pensée. Quand on pense noir ou blanc, mal ou bien, un étranger ou un national, un immigré ou un natif, on devient facilement la proie de toutes les hantises. On peut absorber sans défense les bactéries de la xénophobie injectées en surplus par les extrémismes de tous bords, boire le poison du racisme comme une infusion matinale, assimiler le fiel des discriminations comme une leçon d'élève, apprendre la recette des délits de faciès lors des fouilles sélectives aux bouches de métro comme une consigne hiérarchique. Quand on est manichéen, on peut écouter tout volontiers les médisances d'estaminet, croire aux mensonges des costards, avaler le bla-bla routinier des patentés faux-connaisseurs de l'islam qui s'alternent à tour de rôle devant les micros pour nous expliquer comment «des origines», bien lointaines pourraient influer sur l'atrocité d'un massacre commis sur des petits collégiens innocents par un citoyen de la république, jouissant de tous ses droits et devoirs.

D'ailleurs, l'on s'interroge ici ou là-bas sur ce double traitement inique des médias et de la classe politique hexagonale des événements de Toulouse. Tandis que l'on parle de «fait divers» à l'américaine pour l'attentat de Montauban à la suite duquel des soldats-légionnaires ont été froidement tués, l'on s'accorde unanimement à dire qu'il s'agit de «tragédie nationale» lors de la tuerie ayant lieu à l'école juive Ozar Hatorah, tout en sachant que les deux faits sont des crimes abominables qui relèvent d'une même nature sauvage et génocidaire. Il est une réalité intangible, les élites européennes en général et françaises plus particulièrement sont ces dernières années, sur fond de crise économique, contaminées par le virus de «la peur de l'étranger», elles font tout ce qui est en leur pouvoir pour récupérer à leur avantage les méfaits collatéraux de ces diasporas afin de les exploiter. Tous les chemins mènent à Rome dirait les sages anciens pourvu que l'on enlève à l'autre son identité, son amour-propre, et ses racines. Celles-ci, on les balance quand on en a besoin, au gré des circonstances et des humeurs. En revanche, L'islamophobie, l'arabophobie, la noirophobie, l'antisémitisme, on s'en balance, ce sont des trivialités que l'on agite suivant le mouvements de marées d'opinion. Peu importe les dénominations superficielles que l'on en invoque à moins que les intérêts des élites soient touchés. Ceci est d'autant plus vrai que les amalgames sur les origines se joignent comme par enchantement à l'identité du meurtrier. C'est dramatique, la France et bien d'autres pays européens ont échoué dans leur système d'intégration des immigrés car à titre d'exemple, après plus de deux générations d'immigrés en France, l'on a pas encore oublié que ces gens nées sur le territoire sont bel et bien des français dans l'âme et l'esprit. Et puis, depuis quand juge-t-on un meurtrier sur ses seules origines? Le crime est abominable d'où qu'il vient, il n'a ni couleur ni odeur, ni racines ni origines, ni tenants ni aboutissants, il est tout court une bêtise humaine. D'ailleurs le mot terrorisme ne viendrait-il pas de la révolution française? N'est-ce pas Robespierre (1758-1794) qui a donné chair et esprit au régime de la terreur? C'est dire que même le rêve d'émancipation et de démocratie porté jalousement par la révolution française aurait, lui aussi, huilé la machine de la mort bien avant toutes les horreurs que l'on sait du XX siècle. Pour autant, on n'est plus obligé au jour d'aujourd'hui de condamner toute une culture au nom d'une quelconque parenthèse de terreur ou d'une soi-disant égratignure du sang. Autrement dit, si l'on suit la logique des médias, l'on devrait condamner tous les Américains de crimes contre l'humanité juste à la suite de l'invasion de l'Irak par l'administration Bush en 2003 et en regardant du côté du dernier attentat d'un soldat américain ayant fait 16 victimes civiles en Afghanistan, on en dirait de même. Tout au plus, les nombreux carnages perpétrés par les soldats israéliens dont le cÅ“ur ainsi que l'esprit sont juifs ne nous permettent plus une comparaison entre sionisme et judaïsme. Dans ce genre d'affaires, il convient de faire la part des choses et éviter toutes les dérives sémantiques. L'histoire est tolérante lorsque les peuples et les belles âmes savent regarder toujours de l'avant et enterrent ad vitam aeternam les haches des guéguerres sous le manteau de la paix et de l'entente.

L'islamophobie, cette panacée universelle de toutes les ambiguïtés sert de paravent à ces idéologues qui ne trouvent pas d'ombres ou de chapelles à leurs mensonges, elle aide ceux-là qui sont incapables d'ériger, du moins en fantasme, un ennemi frontal qui dissipera l'attention de l'opinion publique, le temps d'une échéance électorale. L'islamophobie est en fait la route vers le sacre de toutes les abjections et de tous les détritus que porte sur ses ailes ce noir corbeau de la société de consommation. Lequel dévore sans états d'âme et sans remords de conscience aucun la chair de tous les marginalisés du système social, suce le sang de tous les oubliés du capitalisme, et avale le suc de toutes ces bêtes noires des médias. Ces mangés de vermine, de misère et d'humiliation qui continuent encore au nom de cette «citoyenneté de papier» de subir les foudres d'une cabale médiatique à haut débit sans entrevoir le moindre soupçon d'espoir de caresser le rêve d'une «citoyenneté d'esprit». On est, semble-t-il, au plus fort dans cette idée de «topologie idéale pour une agression caractérisée», chère à l'écrivain et romancier algérien Rachid Boudjedra que dans une autre logique humaniste ou généreuse. Ainsi, l'islam, cette religion de paix et tolérance, est devenue au grand dam de tous les musulmans, le dépotoir tout aussi de gribouillages que de cafouillages infâmes que distillent les propagandes haineuses qui altèrent son essence et cadenassent de la sorte toutes les portes aux cerveaux, déjà combien rares, qui veulent en comprendre la réalité. Pire, ces dernières années, l'on assiste à sa métamorphose intégrale en fonds de commerce dont d'aucuns profitent à merveille. En effet, l'occident n'arriverait plus à décortiquer les ressorts moteurs ainsi que le mystère de cet Orient compliqué tant qu'il se barricade derrière ses faux-jugements.

En analysant la grande chute du Youri Afanassiev aurait conclu qu'une fois le gigantesque appareil communiste dépecé et fragmenté en milles miettes, chacune d'elles en devient un petit entrepreneur capitaliste. En ce sens, la dégénérescence d'un système économique ou politique quelconque engendre une multitude de métasystèmes, c'est-à-dire, des systèmes alternatifs, subsidiaires, et dérivatifs. Appliquant ce constat sur le domaine politique, l'on se rend rapidement compte que le qualificatif de vieux États, solides et inébranlables dont se targue le plus ancien continent, n'est en fait qu'un mythe. La logique circulaire des civilisations implique nécessairement une période de naissance, d'apogée et de décadence.

Les stigmates de ce dernier cas de figure en sont en Europe fort divers. Lorsque l'apparition des symptômes de réaction et de peur de l'autre constituent des référents idéologiques et éthiques d'une société, les valeurs démocratiques régressent et le souci de préserver le substrat identitaire se développe au fur et à mesure que se rétrécissent les bases fondamentales ayant été à l'origine de son progrès. Le débat sur l'islamophobie et l'arabophobie en Europe n'est plus étranger à cette problématique. L'Europe qui «se bunkérise» chaque jour davantage découvre à son grand malheur qu'elle est cruellement en retard sur les défis d'intégration de l'autre, cet étranger qui vient s'installer sur ses terres et qui aspire y devenir citoyen à part entière.

Après le spectre de l'immigration clandestine qui a coulé et tacherait peut-être encore dans l'avenir les carnets des médias, le calepin des chercheurs et l'agenda des politiques, vient s'y adjoindre cette lancinante schizophrénie de ces européens d'origine étrangère que l'on stigmatise à chaque fois que l'on se sent en danger de disparition. Et pourtant, les obstacles auxquels sont confrontés ces jeunes sont toujours-là les mêmes, n'ayant guère changé d'un iota depuis belle lurette (chômage endémique, discrimination dans lieux de travail, et stigmatisation à chaque fois que l'occasion se présente) et les médias ainsi que les politiques les oublient en en feignant l'ignorance. En dernier ressort, on peut dire que cette «problématisation» outrancière de la question de l'immigration suite à l'affaire de Toulouse tient vraiment au fait qu'en temps de crise, les politiques se focalisent généralement sur des créneaux qui sont en mesure de faire effacer leur échec et de colmater les brèches de stratégies fantaisistes qu'ils ont appliquées jusque-là. C'est pourquoi, être xénophobe et plus particulièrement islamophobe ne ferait que briser l'élan vital et la marche normale de «ces vieilles sociétés industrielles».

*Universitaire








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