Algérie

Pour une révolution à Manhattan



Pour une révolution à Manhattan
La Palestine vient tout juste d'accéder au statut d'Etat membre, à part entière, de l'Unesco. Une franche reconnaissance internationale qui sonne comme un plébiscite diplomatique de la cause palestinienne. Malgré la farouche opposition des Etats-Unis et d'Israël, 107 pays ont voté oui, contre seulement 14 voix hostiles à cette adhésion. 52 autres membres de l'organisation se sont abstenus. La démocratie l'a finalement emporté au grand bonheur du peuple palestinien. Les Américains, prêts à tous les sacrifices pour ne pas mécontenter Israël, ont vite réagi à ce «camouflet» en décidant le gel de leur contribution annuelle au budget ordinaire de l'Unesco qui s'élève à 80 millions de dollars. Cette première mesure de représailles ne semble pas atténuer le courroux de l'Etat hébreux qui incite son allié stratégique à quitter carrément cet organisme onusien. Après 45 ans de lutte et de résistance, l'autorité palestinienne, à la faveur des accords d'Oslo paraphés en 1993 à Washington, s'est essayée «à fonds perdus» à l'art de la négociation. Profitant d'un rapport de force largement favorable, les Israéliens ont exploité ce processus de paix pour élargir la colonisation aux territoires occupés, judaïser Jérusalem, construire le mur de l'apartheid en ghettoïsant les villages palestiniens, et mener des guerres sans fin contre le peuple palestinien et son élite. Le laxisme révoltant du Quartette, qui veille théoriquement sur ces négociations, a effectivement permis la répression sanglante de la seconde intifadha (2000/2005), l'isolement total du président Yasser Arafat dans sa Mouqata'a de Ramallah. Le silence complice de la communauté internationale a aussi couvert l'embargo inhumain imposé à la bande de Ghaza, suite au succès électoral de Hamas lors des législatives de 2006, et la guerre atroce qui s'en est suivie (2008/2009) avec son lot de crimes contre l'humanité. Certes encouragés par les divisions internes du rang palestinien, Ariel Sharon, Ehud Olmert et Benyamin Netanyahu, qui se sont succédé depuis 1993 aux commandes de l'entité sioniste, ont vilement exécuté des plans sanguinaires, comparables aux crimes nazis, pour briser le rêve d'un Etat palestinien indépendant. Ne voyant rien venir de ce «processus de pets», pour reprendre un gros titre du Canard Enchaîné, l'autorité palestinienne se tourne résolument vers la solution diplomatique. La réconciliation, encore balbutiante entre le Fatah et le Hamas, donne une certaine aura à la démarche du président Mahmoud Abbas qui plaide pour la reconnaissance de son pays par l'ONU. Il s'agit ouvertement de s'affranchir de la pesante tutelle du Quartette pour équilibrer, un tant soit peu, le rapport de force en prévision des négociations futures sur le statut définitif de la Palestine. Parmi les 193 Etats membres de l'Assemblée générale de l'ONU, la requête palestinienne peut aisément recueillir une majorité relative, mais c'est au sein du Conseil de sécurité (CS) que cette demande légitime risque de buter sur le veto américain. L'administration de Barack Obama, sous la pression écrasante du puissant lobby juif, a clairement promis de faire barrage à l'entreprise de l'autorité palestinienne. Les voix qui appellent ces dernières années à la réforme et à la démocratisation des instances de l'organisation onusienne mettent en cause justement cette hégémonie des membres permanents du Conseil de sécurité qui abusent de leur droit de veto. Des prépositions ont été faites pour élargir le CS aux pays émergents et l'adoption des décisions à la majorité. Etant le principal bailleur de fonds de l'ONU avec une contribution de 22% à son budget ordinaire, les USA agissent encore de manière unilatérale pour imposer leurs choix au reste du monde. Les pays émergents peuvent facilement couvrir cette quote-part. Avec un Conseil de sécurité élargi et réellement démocratisé, le monde ne sera que plus juste. La cause palestinienne illustre parfaitement cette quête de démocratie. Elle incarne, à elle seule, la lutte de tous les peuples contre les lobbies et officines occultes de l'unilatéralisme hégémonique. Les révolutions démocratiques, qui ont fait semblant d'encourager çà et là, ne sauraient s'accomplir que dans un monde solidaire et multipolaire. Le vrai ménage doit se faire d'abord à Manhattan au siège de l'ONU.
K. A.


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