Publié le 22.08.2024 dans le Quotidien l’Expression
On n'a pas le droit d'être pessimiste. Le pessimisme est notre défaite dans une bataille que nous n'avons même pas menée.
On ne peut pas avancer sans l'autocritique. La présence de l'Algérie culturelle sur la scène internationale est faible et presque inaperçue. Et donc comment redonner visibilité et lettres nobles à notre pays? Tout est possible.
Soixante-dix ans après le déclenchement de la révolution, l'image de l'Algérie est toujours associée à cette guerre de Libération nationale. Dans l'imaginaire de l'Autre, au Moyen- Orient et en Occident, l'Algérie est comme en guerre perpétuelle. Elle dégage l'odeur du baroud! Cela confirme d'une part la grandeur de cette révolution, mais bloque d'une autre part toute tentative de la société indépendante.
Certes, nos grands-pères et nos pères, avec audace et fierté ont mené une guerre de libération juste et exemplaire dans l'espace maghrébin, arabe et méditerranéen. Nous avons gagné la guerre; mais la logique de l'Histoire exige de la nouvelle génération une autre mission qui achève celle des chouhada et des moudjahidine. Il faut libérer l'image de l'Algérie figée dans celle de la guerre de libération sans renier notre passé glorieux ni l'oublier. Bien au contraire, cette guerre restera un capital solide sur lequel on peut construire une autre image moderne pour notre pays.
L'Algérie des années soixante n'est plus l'Algérie du troisième millénaire, nous sommes devant deux sociétés différentes. L'Algérien des années soixante-dix n'est plus celui de nos jours, deux rêves différents. On doit glorifier notre passé illustre sans tomber dans l'idéologie du passéisme stérile. Le passé est le passé même s'il hante notre présent. Nos martyrs ne seront heureux que lorsqu'ils constateront que nous avons fait de l'Algérie, celle qu'ils ont libérée, un pays moderne pour nous et aux yeux des nations qui nous entourent.
On n'a pas le droit d'être pessimiste. Le pessimisme est notre défaite dans une bataille que nous n'avons même pas menée.
Il faut hisser notre pays vers une nouvelle image appartenant aux temps modernes, il faut, et impérativement, instaurer une diplomatie culturelle active, performante et compétitive.
Il n'y a pas de diplomatie politique réussie sans une diplomatie culturelle forte, éprouvée et habile.
La diplomatie culturelle repose sur la création, à travers le monde, d'institutions culturelles et artistiques intelligentes, libres et adéquates, déchargées de la bureaucratie culturelle. Il faut oeuvrer pour l'ouverture des (Beyt athaqafat), des Maisons de cultures algériennes dans des pays stratégiques. Au Moyen-Orient, nous avons besoin au moins de trois maisons de cultures, une au Caire, une au Bilad achcham (Damas ou Beyrouth) et la troisième dans un pays du Golfe, en priorité en Arabie saoudite qui s'ouvre sur le monde et s'engage de plus en plus dans la culture, les arts et le tourisme. Nous avons aussi besoin d'au moins de deux maisons de cultures en Afrique; une au Sénégal et l'autre en Afrique du Sud. Au Canada, avec la communauté algérienne qui s'accroît de plus en plus, nous avons besoin d'une maison de culture au Québec. Une autre maison de cultures s'impose à Moscou, et vu la place qu'occupe la Chine d'aujourd'hui sur la scène internationale sur tous les plans économique, technologique et culturel, la création d'une autre maison de cultures à Pékin est indispensable. Ces institutions devront être dotées d'un statut qui leur permette de présenter et représenter la diversité culturelle algérienne librement et sans aucune entrave bureaucratique.
Ces maisons de cultures offriront des nouvelles ailles à l'Algérie nouvelle. Seule la culture libre et diversifiée, celle des arts et la bonne littérature, pourra changer l'image d'un pays aux yeux du monde. Plus la diplomatie culturelle est efficace plus la diplomatie politique est forte et écoutée.
Je suis sûr que l'intelligentsia algérienne dans sa globalité, malgré ses différences idéologiques, politiques et linguistiques, adhère à ce projet civilisationnel qui redonnera ses lettres de noblesse à notre pays.
Et pour faire de notre diplomatie culturelle une diplomatie solide et moderne, il faut la mobilisation libre et convaincue de tous les intellectuels; les artistes, les cinéastes, les dramaturges, les écrivains, les peintres, les musiciens, les artisans et les chefs culinaires... La participation, sans exclusion aucune, de tous les intellectuels de l'intérieur ou de l'émigration est indispensable.
Nous avons une intelligentsia algérienne productrice dans toutes les langues en arabe, en tamazigh, en daridja et en français, dans tous les genres et dans toutes les formes artistiques. Par la mobilisation libre et responsable de cette intelligentsia qui ne demande qu'à être respectée, valorisée, représentée et écoutée, et cela est faisable, on peut facilement redonner une autre image à l'Algérie d'aujourd'hui, une image qui honore les martyrs et qui redonne un dynamisme politique et touristique à notre pays de demain.
Il n'y a pas de diplomatie politique convaincante en l'absence de la diplomatie culturelle qui est le soft power de tous les États qui savent comment la contenir et l'impliquer.
En Algérie, on n'a pas le droit d'être pessimiste. Le pessimisme est une défaite dans une bataille que nous n'avons même pas menée.
Amin Zaoui
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Posté Le : 23/08/2024
Posté par : rachids