Algérie

Pour un marché maghrébin sur les décombres de l'UMA La confédération des finances dissèque les relations Maghreb-Asie



Pour un marché maghrébin sur les décombres de l'UMA La confédération des finances dissèque les relations Maghreb-Asie
Où en sont les relations économiques entre le Maghreb et l'Asie '
Comment redynamiser ces échanges, attirer plus de capitaux en provenance de l'Extrême-Orient et booster les investissements asiatiques sous nos latitudes ' C'est le thème d'un colloque qui s'est tenu, ces deux derniers jours, à l'initiative de la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité (CCFC), et abrité par la fondation Ebert. En filigrane, ce forum a été l'occasion de déplorer encore une fois l'absence d'un «bloc Maghreb» à même de négocier d'une seule voix sa place sur l'échiquier du monde.
Le président de la CCFC, maître Karim Mahmoudi, et par ailleurs président de l'Association maghrébine pour la promotion des relations économiques et commerciales (communément appelée «Maghreb Plus»), n'y est pas allé de main morte pour pointer du doigt, dans son allocution d'ouverture, les blocages politiques qui empêchent l'émergence de cet ensemble maghrébin tant souhaitée par les sociétés civiles et les acteurs économiques de la région. Pour lui, cette entité est aujourd'hui dominée par des «Etats policiers» adossés à des nationalismes étroits qui ne cessent de se tirailler. «Ils ont créé le néant autour d'eux», assène Me Mahmoudi alors que, argue-t-il, «nous avons tout intérêt à conjuguer nos efforts pour créer un marché commun, une monnaie commune et une armée commune».
La Chine, premier pays à avoir reconnu le GPRA
An Qing, conseillère à l'ambassade de Chine, a dressé, au cours de ce colloque, un état des lieux assez exhaustif de la coopération sino-maghrébine. D'abord, elle rappelle que la Chine est le premier pays non arabe à avoir reconnu le GPRA «trois jours après sa formation». An Qing indiquera que le volume du commerce entre la Chine et les cinq pays maghrébins en 2012 a été de 23,5 milliards de dollars. Pour ce qui est de l'Algérie, la conférencière souligne que le volume des échanges commerciaux sino-algériens a augmenté de 20,17% au cours de ces dernières années pour atteindre 7,73 milliards de dollars en 2012.
A noter que 53 entreprises chinoises sont présentes en Algérie et qu'elles sont implantées dans 30 wilayas.
Autre intervenant de taille à ce colloque : l'ambassadeur du Japon, S.E. Tsukasa Kawada. Il a entamé son intervention sur une note d'émotion en rendant hommage aux victimes de l'attaque de Tiguentourine. «Je voudrais exprimer mes sentiments profonds à toutes les victimes de l'attentat inadmissible qui a été perpétré à In Amenas», a-t-il dit, avant de lancer : «Le Japon est toujours solidaire avec l'Algérie pour lutter contre le terrorisme.» L'ambassadeur nippon a tenu à préciser qu'entre le Japon et l'Algérie, «il y avait des liens au niveau des peuples, bien avant les Etat ». Il cite, à l'appui, cet épisode historique peu connu des Algériens : «Le FLN avait ouvert un bureau à Tokyo en 1958. A cette époque, de nombreux Japonais, surtout les étudiants, ont soutenu l'indépendance de l'Algérie.» M. Kawada nous apprend que quelque 4000 ressortissants japonais s'étaient installés en Algérie dans les années 1970 et dans les années 1980. «Malheureusement, ils sont partis dans les années 1990. Ils ont commencé à revenir au cours des dernières années mais pas autant que par le passé.»
Comment attirer les investisseurs japonais
Pour ce qui est du volet économique, l'ambassadeur nippon a assuré que le volume des exportations du Japon vers l'Algérie s'élève à quelque 840 millions d'euros. «L'Algérie importe essentiellement des véhicules et des machines», précise-t-il. Notre pays n'a, en retour, que ses hydrocarbures à proposer, pour un montant de 400 millions d'euros en 2012. Le Maroc, lui, arrive à exporter du poisson et des composants électroniques, en plus du phosphore, le tout, pour un montant de 130 millions d'euros. La Tunisie exporte vers le Japon «des appareils électriques, des vêtements et du thon», pour un total de 125 millions d'euros en 2012. Fort de ces chiffres, le diplomate japonais en déduit une «différence dans la structure de l'industrie». M. Kawada souligne, par ailleurs, que «ce qui est faible maintenant dans la relation entre le Japon et l'Algérie, c'est l'investissement». Comparativement avec le royaume chérifien, «les investissements directs japonais au Maroc ont augmenté rapidement au cours de ces dernières années pour atteindre 8 millions d'euros par an», dit-il en précisant que ces financements sont surtout concentrés au sein de la zone franche de Tanger. «De nombreux ministres que j'ai rencontrés m'ont demandé d'encourager les entreprises japonaises à investir en Algérie pour diversifier l'industrie algérienne. Je crois qu'il y a des sociétés japonaises qui ont la volonté de venir en Algérie. Ce qu'il faut faire, c'est leur donner un peu plus d'impulsion», glisse-t-il en recommandant, pour conclure, la création d'une «free zone» en Algérie à même de susciter une plus grande attractivité économique.
Pour sa part, l'éminent économiste et expert en finance internationale, Camille Sari, fera un plaidoyer pour l'intégration maghrébine et pour la création d'une monnaie commune baptisée «Dinrham» (contraction de «dinar» et de «dirham»). En effet, pour Camille Sari, un marché maghrébin intégré est la seule issue pour survivre dans un environnement économique mondialisé. Avant de développer son propos, Camille Sari a tenu, à son tour, à rendre un hommage appuyé aux victimes de l'attaque de Tiguentourine. «Je profite de cette occasion pour dire à tous les investisseurs, à tous les partenaires, de ne pas se laisser impressionner par ces actes de terrorisme», appuie-t-il.
Un Maghreb pragmatique plutôt qu'idéologique
Le brillant économiste affirme que le Maghreb enregistre 61% de ses échanges avec l'Europe. «L'Algérie importe pour 24 milliards d'euros de l'Europe. Cela représente 51% de ses importations globales. Par ailleurs, l'Algérie exporte 40 milliards de dollars vers l'Europe, essentiellement des hydrocarbures», dit-il. L'auteur de Algérie-Maroc : quelles convergences économiques ' (éditions Cabrera, 2011) estime qu'une alternative opérationnelle à l'UMA est quelque chose de vital. Et cette alternative, c'est un marché commun. «Grâce à l'intégration économique, le Maghreb peut gagner 2 à 3% de PIB supplémentaires», plaide-t-il. «On ne peut demander à la Chine d'investir ici si le Maghreb n'offre pas un marché attractif. Ce ne sont pas des entreprises philanthropiques. Il faut que le Maghreb soit un marché de taille critique. Les PIB des cinq pays réunis ne dépassent pas les 350 milliards d'euros, soit l'équivalent du PIB de la Grèce. C'est irrationnel de rester dans cette logique de territoire.» Et de marteler : «Je vais vous le dire franchement : nous ne sommes pas grand-chose par rapport à ces coalitions.» «Je renouvelle mon plaidoyer pour une intégration économique maghrébine.
Ce n'est pas un choix idéologique mais économique et pragmatique», insiste notre expert. Camille Sari s'échine depuis des années pour la création d'une monnaie commune, comme évoqué plus haut. «Il ne s'agit pas d'une monnaie unique, comme c'est le cas de l'euro. Chaque pays garderait sa monnaie, mais dans les échanges commerciaux, on ne va plus passer par le dollar ou l'euro. Car actuellement, il faut la caution d'une banque européenne (pour les échanges intermaghrébins, ndlr). Nous sommes encore sous protectorat européen.» Camille Sari a bien conscience que ces belles résolutions résonnent comme un prêche dans le désert devant la surdité de nos dirigeants. Mais il s'accroche plus que jamais à ses idées et ses idéaux en disant : «Nous gardons notre indépendance intellectuelle. Nous disons aux gouvernements : si vous nous demandez d'être complaisants, c'est comme si vous demandiez à votre médecin un faux diagnostic.» Et son diagnostic est sans appel : il n'y a aucun avenir après le pétrole et le phosphate sans «Maghreb-Connection».


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