Algérie

Pour que nul n’oublie la date mémorable du 6 mai 1966, «57e anniversaire de la nationalisation des mines»



Pour que nul n’oublie la date mémorable du 6 mai 1966, «57e anniversaire de la nationalisation des mines»
Publié le 7.05.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie
Par Dr Rachid Tridi(*)

La date historique du 6 mai 1966 fut toujours célébrée, par le passé, dans la fierté et l’honneur, sous la couverture des médias, mais depuis une trentaine d’années, elle est progressivement occultée, si ce n’est par de timides collations, organisées par quelques unités minières, dans la discrétion la plus totale, loin de certains regards réprobateurs, comme si, en désespoir de cause, il s'agissait d'une forfaiture à dissimuler ou d’un regrettable acte à vouloir se pardonner envers certains objecteurs de consciences.
Mais les faits de l’Histoire finissent toujours par resurgir, s’imposant par leur grandeur et leur symbolique, surtout quand il s’agit de justes causes défendues par un peuple opprimé par 132 ans de déni de droits et par une domination fondée sur la brutalité.
Traditionnellement et jusqu’aux années 80, cette date d'anniversaire était festive dans le secteur minier, et représentative aux yeux des vétérans d'un glorieux jalon de l’Histoire lié à la nationalisation des mines, arrachée un certain 6 mai 1966 aux exploitants coloniaux encore en activité après l’indépendance.
Sur le plan stratégique, la nationalisation des mines a permis à l'Algérie de garantir la souveraineté économique du pays en s'assurant que les bénéfices de l'exploitation des ressources naturelles restent dans le pays et qu'ils soient réinvestis dans le développement économique national. En ayant la mainmise sur l'industrie minière, le gouvernement algérien a pu, durant les années 70, mieux planifier et diriger les investissements nécessaires pour développer ce secteur.
En effet, dans une allocution radiodiffusée prononcée un samedi soir du 7 mai 1966, à l'occasion du vingt-et-unième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et des funestes massacres de Sétif et Kherrata, le défunt Houari Boumediene, chef de l'État algérien, a annoncé, que la veille, soit le vendredi 6 mai, la nationalisation des onze principales mines, non totalement récupérées après l’indépendance, a été décidée et portée par ordonnance (Voir J. O. n°36 du 6.5.1966).
Il s'agissait de la mine de fer et de cuivre d’Ouenza-Bou Khadra (Tebessa), de la mine de plomb et de zinc d'El-Abed (Tlemcen), de la mine de plomb et de zinc de l'Ouarsenis (Tissemsilt), de celle de Sidi-Kamber (Skikda), de la mine de fer de Gara-Djebilet (Tindouf), de la mine de fer de Khangat et Mouhad (Tebessa), de celle de Meftah (ex.Rivet) et Ghar-el-Maden (Remchi), de la mine de Hamam-N'Bails (Guelma), et de celle d'Aïn-Barbar (Annaba), suivis par la suite par la nationalisation de la Compagnie minière et phosphatière (Comiphos).
Il est à rappeler que les richesses du sous-sol, qui constituaient l'élément de base de tout développement économique, étaient encore contrôlées, quatre années après notre indépendance, par des sociétés étrangères, cotées à la Bourse de Paris, constituant des monopoles qui fixaient à leur gré les volumes de production et les prix, mettant en péril toute la politique d’industrialisation du pays.
La nationalisation des mines a également permis à l'Algérie de réduire la dépendance vis-à-vis des entreprises étrangères dans le secteur minier. Cela a renforcé la position du pays dans les négociations avec les entreprises étrangères et a permis au gouvernement de mieux protéger les intérêts nationaux dans le secteur.
Elle a également permis de réduire l'influence des entreprises étrangères dans le secteur minier, qui étaient souvent accusées de ne pas respecter les lois et les normes en vigueur en matière d'exploitation minière.
Les nouvelles générations ont le droit de savoir que la mesure de nationalisation des 11 principales mines, prise par un vaillant dirigeant, a provoqué une onde de choc dans le milieu des affaires français.
À noter également que la présence des patrons français à la tête des mines algériennes, quatre années après l’indépendance, était ressentie comme la continuité de l’exploitation coloniale et comme une immense humiliation par tous les patriotes sincères et engagés.
Les cadres et techniciens formés pendant la lutte de libération et ceux qui étaient en fonction dans les unités minières se sont trouvés, alors, engagés dans une aventure humaine exceptionnelle en prenant le contrôle de toutes les activités extractives, remplaçant les départs du personnel français, rétablissant ainsi les niveaux des activités qui ont permis au pays de récupérer sa totale liberté d’action, couronnés par la création de la fabuleuse Société nationale de recherche et d’exploitation minière «Sonarem», le 11 mai 1967.
C’est ainsi que les acquis du peuple algérien, qui en a payé le prix et qui était résolu à les défendre, se sont, encore une fois, affirmés par un acte souverain, mettant fin aux desseins du colon de maintenir l’emprise d’une économie hégémonique.
Il faut savoir que la nationalisation des mines a ouvert la voie, cinq années avant, à l’historique nationalisation des hydrocarbures, intervenue un certain 24 février 1971.
Le métier de mineur n'est-il pas fait de sacrifices, de souffrances et de luttes permanentes ?
Il y a lieu de signaler que la compétence et l’engagement des mineurs algériens avaient marqué le cours de l’Histoire, par leur implication dans la lutte de Libération nationale. N'étaient-ils pas initiés à la manipulation des explosifs et creusement de galeries ? Et c’est à ce titre, qu’ils avaient constitué les meilleurs artificiers de la guerre de Libération nationale, gardant en mémoire les combats de leurs aïeux, sous le joug dominateur du colonisateur, un siècle durant ? La réponse était belle et bien perceptible à partir de cette date historique.
Je ne voudrais pas rééditer l’œuvre d’Émile Zola, mais des générations entières de gueules noires, forçats de la mine, ont été exploitées, elles et leur terre, résignés à un destin de « bagnards forcés», marqué le plus souvent par une fin atroce. Aucune considération ne leur a été accordée, alors que les richesses extraites de cette noble terre faisaient la gloire de la France et des pays occidentaux, la tour Eiffel en est le témoignage le plus visible, en érection dans le ciel parisien.
Mais au plan de la réalité, quel bilan pourrait-on tirer, lors de cet anniversaire ? Cette fête viendra-t-elle couronner une avancée qualitative depuis 57 ans, sachant que le secteur minier a perdu, au fil des années, 70% de son patrimoine et s'est rétréci comme une peau de chagrin, selon les différentes politiques défilantes ?
Combien y a-t-il de mines souterraines en Algérie ? Combien de produits miniers sont actuellement exportés comparativement aux décennies d’avant 1990 ? Où sont passées les écoles des mines de Miliana, de Aïn Taya et d’Ouenza ? Que sont devenus les villages miniers ? Où est passée la Casomines (Caisse sociale des mines), qui apportait un réconfort salvateur à la pénibilité de cette frange de travailleurs en leur aménageant une retraite anticipée, dès l’année 1983 ?
Tant de questions que la relance du secteur extractif en Algérie, tant prônée par les pouvoirs publics, devrait intégrer dans sa nouvelle vision de conquête de la mine, en conjuguant les potentialités des ressources humaines et des ressources minières.
Mais comme disait l’adage, «il n’est pas de drame auquel la vie ne puisse donner les couleurs de l’espoir». Ce bilan, triste soit-il, commence à voir un dénouement dans une mise en perspective du développement du potentiel minier, par le lancement de grands projets prometteurs, tels que ceux de Gara Djebilet, du mégaprojet de phosphate et de l’intérêt accordé au grand gisement de plomb et de zinc d’Oued Amizour, dans la wilaya de Béjaïa.
Les pouvoirs publics doivent, non seulement satisfaire l’impérieux redressement du secteur minier mais encore développer une démarche prospective efficace, fondée sur le capital humain et susceptible de poser de nouveaux cadres d’analyse, utiles à une meilleure compréhension des facteurs clefs de succès, nécessaires au décollage de ce secteur vital.
Le nouveau département minier doit, sans plus tarder, associer les énergies éparses et impliquer les vétérans de la recherche et de l’exploitation minière et leur tendre une oreille attentive, pour soutenir cette industrie de base et tracer une stratégie réaliste, fondée sur un programme actif de recherche minière, développer une nouvelle vision dans un monde qui se redessine et prodiguer une réglementation minière appropriée, à mettre en place dans les meilleurs délais.
Si le secteur minier remporte la bataille de la transformation de son capital humain et de son plein engagement, toutes les possibilités se dissiperont.
Je ne peux conclure sans affirmer que le développement de l’industrie minière doit rester un pilier de la politique économique et industrielle de l'Algérie, en particulier dans le contexte de la crise des hydrocarbures et de la nécessité de diversification de l'économie nationale.
Et ce n'est qu'à ces prix-là qu'on pourrait ennoblir cette date historique et la consacrer dans la mémoire des nouvelles générations, en espérant fêter les prochains 6 mai dans l’amorce d’un renouveau minier empreint d’engagement et de dignité recouvrée.
R. T.
(*) Ex-cadre dirigeant du secteur minier. Consultant en management.




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