Algérie

Pour passer le temps



Résumé de la 2e partie n Agnès doit tout faire pour sortir son mari de dessous la voiture qui a basculé dans le fossé...
Alors, il arrive quelque chose d'extraordinaire, de prodigieux, Agnès, qui n'a jamais suivi que son instinct, se met à agir, une fois encore, de manière instinctive. Et ce que lui dit, ce que crie son instinct, c'est qu'elle doit sauver Gérard. Il ne faut pas qu'il meure ! Il ne faut pas !
Sans s'en rendre compte, elle a couru sur la route en sens inverse et plongé, les pieds en avant, dans le fossé. Sans s'en rendre compte, elle s'est placée contre la voiture. Mais son instinct lui a fait faire le geste nécessaire : elle s'est accroupie, le dos à la carrosserie. Or c'est dans cette position, et cette position seule, qu'on peut soulever un objet lourd. Elle serre les dents et le tire de toutes ses forces sur ses bras, tout en essayant de déplier ses jambes.
Si Agnès Rousseau n'était pas la jeune écervelée qu'elle est, la femme-enfant qui fait ce que lui dicte son c'ur, elle n'aurait jamais entrepris cette tentative absurde. Pour soulever dans ces conditions un objet du poids de la 403, il faudrait deux hommes vigoureux et elle mesure en tout et pour tout 1,60 m pour cinquante kilos...
Agnès n'a pas la force de gémir tant la crispation est violente, absolue. Une seule pensée traverse sa tête : il faut sauver Gérard, il le faut, il le faut ! Et le miracle se produisit : la voiture a bougé. Elle se soulève de quelques centimètres seulement, mais elle ne repose plus sur la poitrine de Gérard. Il respire de nouveau. Agnès l'entend émettre un sifflement, puis un râle. A présent, s'il est capable de bouger, il peut se dégager lui-même. Il y a quelques secondes interminables d'attente et... rien ne se produisit. Soit il a perdu conscience, soit il a quelque chose de cassé. Gérard n'a pas bougé. Agnès sent ses forces l'abandonner. Elle va laisser tomber la voiture et tout sera perdu. Elle a fait tout cela pour rien !
Alors elle recommence, elle s'arc-boute de nouveau. Il faut soulever la voiture, il le faut ! Et l'incroyable lutte reprend. La lutte de près d'une tonne d'acier contre cinquante kilos de fragilité, cinquante kilos d'amour, cinquante kilos de refus, cinquante kilos de désespoir. Et la 403 se met à s'élever, lentement, centimètre par centimètre.
Agnès se relève. Elle arrive presque à déplier les genoux. C'est l'instant crucial. Elle donne une brusque impulsion avec toutes les forces qui lui restent et fait passer la charge de ses mains à son dos. Elle ressent une douleur fulgurante, mais elle y parvient. A présent, le dernier effort : se relever, se mettre debout sous le poids, comme les haltérophiles. Elle pousse un cri. La voiture, propulsée sur son côté gauche, se met en position d'équilibre sur le côté opposé. Son mari est sauvé ; alors Agnès s'évanouit.
Une grande lueur blanche et la vision d'un homme en blanc lui aussi.
' Où suis-je '
' A l'hôpital, madame Rousseau.
Tous les souvenirs reviennent en même temps dans l'esprit de la jeune femme.
' Et mon mari '
' Il va bien, rassurez-vous. Il n'a eu que des côtes cassées. Il est sauvé, grâce à vous.
' Et moi '
Le médecin a un air un peu gêné.
' Vos vertèbres lombaires ont beaucoup souffert. Il va vous falloir une longue et assez pénible rééducation et il n'est pas certain que vous remarchiez tout à fait normalement. Mais je ne me fais pas de souci pour vous, vous êtes une femme d'exception...
Non, Agnès Rousseau n'était pas une femme d'exception. Mais elle avait réagi comme il fallait à des circonstances exceptionnelles. Dans cette jolie tête blonde et ce joli corps de cinquante kilos, il y avait bien autre chose que de la futilité. Il y avait des sentiments si profonds qu'ils étaient plus forts que tout, absolument que tout.
Pierre Bellemare


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