Algérie - Flore

Pour la sauvegarde de la cédraie de Khenchela



Pour la sauvegarde de la cédraie de Khenchela
Dans la wilaya de Khenchela, la cédraie occupe 6 000 hectares avec 3 000 hectares dans le djebel Chélia et 3 000 hectares dans les djebels Aïdel et Feraoun. Ces peuplements de cèdre sont gravement menacés. Le cèdre de l’Atlas est en danger de mort, car sa régénération n’est pas assurée et comme toute matière vivante, si elle ne se reproduit pas, elle finira par disparaître.

Qui est-ce qui menace la survie et par la même la pérennité du cèdre dans la wilaya de Khenchela ?

Durant la guerre de Libération nationale, l’armée coloniale s’est particulièrement acharnée sur les beaux peuplements de cèdre en incendiant au napalm plusieurs centaines d’hectares ; les traces de ces incendies sont encore visibles. La cédraie a fait l’objet, pendant la deuxième guerre mondiale, alors que l’Algérie était occupée par la France, d’une surexploitation effrénée. Il a été proposé en adjudication en 1908, la coupe de 100 000 m3 de bois de cèdre par la chefferie de Khenchela.

Si les incendies et la surexploitation ont régressé durant ces dernières années, une menace demeure et c’est elle qui sera la cause de la disparition du cèdre de l’Atlas dans la wilaya de Khenchela. Cette menace, ce danger de mort a pour nom le parcours en forêts et particulièrement dans les peuplements de cèdre, car étant situés en haute montagne, sur le versant nord, et bien arrosés, ils procurent l’affouragement recherché en été par les innombrables troupeaux des riverains.

Jusqu’à ce jour, le forestier n’a trouvé aucun remède, aucune parade à ce fléau qui détruit la forêt algérienne en l’empêchant de se régénérer et par la même de survivre. Le forestier local, malgré sa bonne volonté, malgré les moyens qui peuvent être mis à sa disposition concernant la police forestière, à lui seul, il ne peut faire face à ce grave délit.

Le problème du parcours extensif est un problème qui concerne tous les secteurs et interpelle les pouvoirs politiques quant à son règlement.

L’objectif de cet exposé durant cette journée mondiale sur l’environnement (5 juin 2000) est d’apporter notre contribution à la solution de ce grave problème.

La cédraie de Khenchela comprenant les peuplements de cèdre des djebels Aïdel, Feraoun et Chélia, a fait l’objet pour la première fois d’une étude d’aménagement forestier dans les années 1980 et d‘un plan de gestion pour la période 1980-2000. Malheureusement, ces plans d’aménagement ne furent pas appliqués pour diverses raisons dont la principale est la non maîtrise du parcours en forêt.

Le forestier gestionnaire craint d’intervenir dans la conduite des peuplements de cèdre, s’il n’est pas certain d’assurer leur protection contre le parcours et par la même assurer leur régénération. D’où son attitude d’attente devant un problème qui le dépasse.

Malheureusement, les peuplements de cèdre sont appelés à disparaître, que le forestier intervienne ou n’intervienne pas, à cause du parcours non maîtrisé.

L’inventaire forestier réalisé cette année pour la révision d’aménagement de la cédraie de Chélia a montré l’absence des classes d’âge de 1-20 ans, 21-40 ans. Ce qui prouve la non régénération de la cédraie, les jeunes peuplements à l’état de perchis et jeunes futaies datent des années 1950, périodes de guerre et de « zones interdites » à la population et des parcours.

La sauvegarde de la cédraie de Khenchela dépend de la réunion de deux conditions principales :

• la réappropriation de la forêt par les forestiers

• le règlement du parcours en forêts qui interdit toute régénération

Le forestier doit cesser de rester en attente, sur la défensive. Pour cela, il doit se réinstaller en forêt. L’application d’un aménagement exige sa présence permanente en forêt. En voyant le forestier quotidiennement en forêt entrain de conduire les travaux forestiers dictés par le plan de gestion, l’éleveur riverain, le délinquant et le scieur en long, hésiteront à pénétrer en forêt et ce sont eux qui seront sur la défensive.

En quoi consistent ces travaux forestiers ?

Il faut d’abord signaler l’absence totale de conduite des peuplements.

Si le forestier local intervient en matière de police forestière, de génie forestier, comme les ouvertures de pistes, de conservation des sols, comme les travaux de DRS et de reboisement, en matière de sylviculture et de conduite des peuplements, le forestier algérien manque en général d’expérience car n’ayant jamais pratiqué l’art du sylviculteur et de l’aménagiste. D’où son appréhension à couper des arbres vivants, bien verts.

En effet, un semis, un fourré de jeunes plants de cèdre demandent un dépressage pour s’accroître en hauteur, sinon ils finiront par dépérir ou rester à l’état chétif. Un gaulis ou un perchis exigent une coupe de nettoiement pour éliminer les gourmands, les sujets mal venants et aérer les sujets en vue de leur accroissement en hauteur. La jeune futaie dense nécessite une coupe d’éclaircie par le bas pour éliminer les sujets fourchus, branchus, mal venants et permettre au sujet d’élite de s’accroître en diamètre.

Devant une régénération réussie et acquise, la présence du « père », du porte graine qui a donné naissance aux jeunes plants qui l’entourent, n’est plus nécessaire et elle devient un obstacle à leur accroissement. Donc, ce vieux et beau cèdre doit être exploité par une coupe de dégagement ou définitive.

De même que dans les trouées initiales où la régénération s’est installée, il faut agrandir en exploitant ces arbres, tout autour, par une coupe d’élargissement. Un peuplement de cèdre fermé, âgé, plus que bicentenaire, formant la table, doit être ouvert par des coupes de régénération par trouées, pour permettre à la régénération de s’y installer.

En parcourant les peuplements de cèdre, l’observateur est frappé par la quantité de bois d’arbres morts gisants ou sur pied. Ces peuplements doivent faire l’objet de coupe d’assainissement qui exploitera tout le bois mort. Ces travaux sylvicoles exigent pour leur réalisation l’équipement de la cédraie en un réseau de pistes principales et secondaires assez dense pour la vidange et le transport des grumes de cèdre.

De même, les vides en forêt doivent faire l’objet d’un repeuplement par la création de pépinière volante dans la cédraie même. La réussite d’une bonne plantation de cèdre réside dans la réunion de trois facteurs :

• entretien

• gardiennage

• arrosage en été et en période de sécheresse

Pour cela, la parcelle à repeupler en cèdre, doit être de faible superficie ne dépassant pas 10 hectares pour qu’elle puisse être arrosée. Le captage de source et la construction de bassin sont nécessaires dans ces conditions.

En conclusion, la réalisation d’un plan de gestion d’aménagement forestier, exige la présence continue des forestiers en forêt, crée du travail aux riverains et valorise aux yeux de la population la forêt et son produit, le bois, nécessaire à l’économie locale.

Nous pensons, sincèrement, que la réinstallation des forestiers en forêts pour la bonne gestion des peuplements, atténuera les délits de coupe et réglementera les parcours en forêt.

Organisation du parcours

Le problème de l’élevage extensif ne concerne pas uniquement le secteur forestier, mais tous les secteurs et particulièrement les secteurs agricole et hydraulique. L’existence de l’élevage extensif est un non-sens et une survivance traditionnelle et archaïque qui n’a plus droit de cité dans une économie moderne.

En effet, l’élevage extensif, le surpâturage, sont les causes essentielles de la destruction du sol par la dégradation et la disparition de la végétation, couvert végétal, qui le protège contre l’érosion combinée des eaux et des vents. L’environnement souffre beaucoup de ces pratiques ancestrales et la nature en porte les traces indélébiles de leurs méfaits : disparition de l’arbre sur les versants des montagnes, végétation rabougrie, steppe en voie de désertification par la raréfaction de l’alfa, du chih, du romarin, installation de l’érosion sous toutes ses formes, en nappes, ravines, sols squelettiques, rocaille.

L’observateur averti, en parcourant le pays, sait qu’il se trouve en présence d’un capital à l’abandon, livré à lui-même, sans aucune structure, ni aucune organisation pour le protéger et le défendre.

Il y a une dizaine d’années, un séminaire, regroupant les meilleurs spécialistes nationaux et étrangers dont l’ex-ministre de l’agriculture australienne, s’est tenu à Tébessa pour dégager une stratégie pour les zones arides et semi arides. Leurs recommandations ont fait l’objet d’une publication qui est restée lettre morte.

La solution préconisée consiste en un aménagement du territoire.

Il faut d’abord que les terres soient affectées selon leur vocation en :

• terres agricoles

• terres de parcours

• terres forestières

• terres urbanisables

Sur les terres agricoles, le système agricole : céréales – jachères, système périmé et abandonné par les pays évolués, et a été remplacé par un nouveau système mieux adapté aux terres arides et semi-arides : céréales – médicago bisannuel, ou le Lay-farming.

Un hectare de pâture de médicago peut nourrir trois brebis et leurs agneaux. De même, la culture de la vesce avoine peu pratiquée dans la région est à vulgariser.

Sur les périmètres irrigués, au lieu d’installer des vergers de pommiers, cultures spéculatives et aléatoires, il faut penser à la création de luzernières pour l’affouragement des innombrables troupeaux.

Sur les terres de parcours steppiques, il faut commencer par mettre fin à la vacance des terres et déclarer la steppe patrimoine nationale au même titre que la forêt. Ensuite procéder, avant toute action de mise en valeur, à la création de zone de parcours où les éleveurs locaux seront installés avec un titre de concession leur fixant leurs droits et leurs devoirs, avec un cahier des charges à l’appui, réglementant le parcours : charge contrôlée, rotation et mise en défens.


La structure de la zone de parcours steppique peut prendre le territoire d’une tribu, d’un district communal ou d’une commune.

Les parcours mis en défends peuvent être enrichis par des plantations de médicago arboréa, des attriplex, des acacias, des semis de graines fourragères, des épandages d’engrais phosphatés ; pour cela , il faut se référer à l’expérience réussie de Oued Mellagou du Grand Projet Aurès.

Les terres de parcours en zone forestière, doivent faire l’objet d’une étude fine par la connaissance du riverain éleveur, de ses besoins, de son troupeau et comment l’incorporer et l’associer à l’application de l’aménagement forestier et de son plan de gestion. Le riverain ne doit pas rester à l’écart, il doit être consulté et intégré, et ses besoins pris en charge pour la bonne réussite de la sauvegarde de la forêt et de la cédraie, en particulier.

Périmètres irrigués

L’eau, source de vie, doit être la priorité des priorités et tout doit être fait quant à sa mobilisation : captage de sources, forages de puits, mares d’eau, lacs collinaires, barrages, afin de créer des réserves fourragères, hors forêt, permettant l’affouragement du cheptel par des cultures irriguées : luzerne, trèfle, maïs, sorgho, soja…

En conclusion, la sauvegarde de la cédraie de la région de Khenchela passe par une véritable prise en charge de l’élevage extensif, cause principale, non pas seulement, de la destruction de la forêt, mais de tout l’environnement.



Article de Taouret Abderrahmene / El Acil du 31 mai 2000
Dans le cadre dune contribution citoyenne
Repris par Abdelouahab Karaali
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