Algérie

Pour la promotion et le développement de l'agriculture de précision en Algérie (Suite et fin)



Par Mourad Hamdan
Consultant en management
Technologie de communication entre machines
Les communications entre machines ouvrent un formidable champ d'innovation. Quoique récentes, les technologies Machine To Machine (ou M2M) sont aujourd'hui suffisamment éprouvées pour qu'un très grand nombre d'entreprises puissent, en toute confiance, les adopter.
Le M2M résulte de la convergence de trois familles de technologies : des objets intelligents reliés par des réseaux de communication avec un centre informatique en mesure de prendre des décisions.
Le M2M consiste en l'utilisation d'un device (ex-capteur, compteur, etc.) pour capturer un événement (ex : température, indices agro-climatiques, paramètres agronomiques, mesure météorologique, consommation d'énergie, qualité de l'eau, état d'environnement, etc.) qui est relayé à travers un réseau de communication mobile, fixe ou hybride à une application (du système d'information de l'entreprise qui utilise ces devices M2M par exemple).
Cette dernière traduit l'événement capturé en informations significatives (les doses d'engrais sont excessives, la température a dépassé le seuil acceptable, la qualité de l'eau n'est pas satisfaisante, etc.).
Il faut savoir qu'une solution M2M est le résultat d'une interaction continue entre les devices M2M, les réseaux de communication et les applications.
Dans toute solution M2M, il y a quatre opérations principales : la collecte de données, son transport et son traitement et le réveil du device afin qu'il puisse émettre un rapport de données non programmé.
- Collecte de données (domaine de l'électronique) : La remontée d'informations se fait grâce aux capteurs embarqués dans les devices M2M. Les évolutions technologiques dans ce domaine donnent naissance à des dispositifs de moindre taille, moins coûteux et moins énergivores.
- Transport des données (domaine des télécommunications) : plusieurs technologies de réseaux, radio ou filaire, peuvent coexister dans une même solution M2M. Le choix technologique dépendra de la couverture requise, du mode de connectivité, de la quantité de données à transmettre, de sa fréquence et du modèle économique.
- Traitement des données (domaine de l'informatique) : l'application reçoit les données, les traite et intègre les données résultantes dans le système d'information de l'entreprise.
- Réveil pour envoi de données (domaine des télécommunications) : les devices M2M sont généralement programmés pour se réveiller à intervalle de temps fixe (ex : toutes les heures), réaliser des mesures, s'attacher au réseau, établir une connexion de données, transférer leur rapport, puis libérer leur connexion et se détacher du réseau. Il se peut aussi que l'application souhaite que le device M2M lui communique un rapport de données non programmé. L'application réveille donc le device par exemple par SMS et ce dernier transmet les données au serveur M2M.
Enjeux et usages du Big Data
Le Big Data est aujourd'hui incontournable compte tenu de la place prépondérante du numérique dans le quotidien du consommateur lambda. L'exploitation du Big Data consiste en la collecte et l'analyse des données recueillies afin d'en tirer profit. Pour les entreprises, notamment agricoles, ce secteur novateur en lien avec les nouvelles technologies répond à des enjeux stratégiques qu'il convient de maîtriser pour développer des produits répondant aux besoins des consommateurs et espérer engranger un maximum de bénéfices, tout en évitant les pertes liées aux coûts de développement, de production et de stockage.
1. Garantie de la qualité des données
Si la connaissance des clients passe avant tout par l'analyse des données les concernant, encore faut-il qu'elles soient de qualité. En effet, la qualité des données doit être une priorité pour ne pas fausser les stratégies découlant de leur traitement. Un système d'audit de la qualité des données doit donc être mis en place afin de corriger les éventuelles erreurs humaines survenues. Des outils de correction automatique permettent de s'assurer de la pertinence des données collectées et analysées.
2. Triage et traitement des données
Si la numérisation des données a largement facilité la collecte des données et leur exploitation, pour de nombreux experts le traitement des données est l'un des enjeux les plus importants du Big Data. En effet, le plus difficile dans l'exploitation du Big Data consiste à trier les données exploitables parmi celles réunies souvent sous divers formats. C'est pourquoi l'entreprise doit intégrer à son équipe des experts en traitement de données comme le «Chief data officer».
Il y a quelques années seulement, la complexité du triage des informations obtenues constituait un frein à leur exploitation, notamment en raison du niveau d'incertitude sur la véracité des données. Heureusement, il existe aujourd'hui des algorithmes statistiques facilitant le traitement permettant de transformer les données recueillies en informations intelligibles afin de créer de la valeur.
Les professionnels du Big Data recourent non seulement à la statistique proprement dite, mais aussi au « machine learning » et même au «Data Mining». Les techniques mises en action lors de l'utilisation de ces instruments d'analyse et de prospection sont particulièrement efficaces pour extraire des informations significatives depuis de grandes quantités de données.
Actuellement, l'enjeu est tel que les entreprises ont tout intérêt à investir dans des outils de gestion et de traitement permettant d'analyser les data en temps réel pour faire face à la concurrence et doper leur croissance.
3. Mise en relation de tous les métiers
Le Big Data implique de faire travailler ensemble différents professionnels dans le but d'atteindre des objectifs précis. Ainsi, le spécialiste du marketing doit collaborer étroitement avec un statisticien pour avoir une idée précise des actions à mener en fonction des particularités de la population cible. Le Big Data touche en effet tous les métiers recensés au sein de l'entreprise et les données analysées doivent profiter à tous. Il est de ce fait opportun de structurer les données en suivant une modélisation des processus métiers.
4. Assurance de la sécurité
Les informations utiles aux entreprises pour définir leurs stratégies relèvent pour la plupart du domaine privé. Elles proviennent en majorité des comptes utilisateurs et touchent de ce fait à la relation de confiance liant l'entreprise à ses clients. De ce fait, leur sécurité a une importance particulière, car elle engage la responsabilité et la réputation de l'enseigne.
5. Humanisation des données
L'entreprise ne doit pas oublier l'humain derrière les données recueillies. De toute façon, l'intérêt du Big Data est de placer les clients au centre du processus décisionnel. Mieux informés, les consommateurs réclament de meilleurs services et des offres personnalisées correspondant à leurs besoins réels.
6. Big Data au service du marketing
Le marketing est inséparable de la vente. Avec le Big Data, l'enjeu évolue pour consister à identifier les canaux de communication et de distribution qui toucheront la population cible. Ainsi, la partie analytique du Big Data permet d'abord de mieux connaître les clients potentiels afin d'optimiser l'interaction avec eux.
Les processus analytiques des données sont centralisés autour d'un référentiel connaissance client afin de réunir les applications métiers propres à chaque canal de communication. Il convient ensuite de mettre en place des solutions prédictives qui optimiseront les offres proposées aux clients, les campagnes de communication et par extension, les ventes.
De fait, l'analyse des données centralisées permet à une entreprise de proposer à une clientèle bien définie les bons produits au bon moment en s'appuyant sur les bons messages.
Promotion de l'agriculture de précision
Un travail conjoint de communication sur l'ensemble des thématiques de l'agriculture de précision entre les diverses Chambres d'agriculture et les Directions des services agricoles est de nature à susciter un intérêt auprès de la corporation des producteurs agricoles algériens pour peu que la rentabilité du capital investi (retour sur investissement) soit mise en avant.
Or, il s'avère que l'agriculture de précision est toujours rentable et que les investissements qui lui seront consacrés seront dans tous les cas amortis. Et de ce fait, elle sera appelée, j'en suis convaincu, à connaître un essor dans notre pays en vertu du constat qu'«une nouvelle technologie ne sera adoptée de façon généralisée que si elle améliore la rentabilité moyenne ou réduit le risque moyen» (Plant, 2001).
Performances agricoles
Les performances doivent être rapportées à une unité de surface (ha) et à une période (année) et traduites :
- soit en termes d'économies d'intrants réalisées à rendement et impact environnemental constants (performance économique) ;
- soit en termes d'augmentation du rendement à intrants et impact environnemental constants (performance variétale) ;
- soit en termes d'amélioration de la productivité à impact environnemental constant (performance opérationnelle) ;
- soit en termes de diminution de l'impact environnemental à rentabilité constante (performance environnementale).
Si les performances guident les choix économiques, les producteurs agricoles se doivent d'être réceptifs aux conseils des professionnels en matière de :
- technologies de précision (drones agricoles, capteurs aéroportés, imagerie aérienne, cartes de rendement, optimisation écologique et économique des usages de l'engrais, réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, GPS agricole, semoir de précision ?) ;
- combinaison gagnante entre équipements, nouvelles technologies et services ;
- protection de semences la plus appropriée compte tenu des caractéristiques agronomiques, des connaissances génétiques et de la recherche variétale ;
- système de production, système de culture, succession de cultures et itinéraires techniques ;
- pratiques agricoles à la fois plus performantes et respectueuses de l'environnement ;
- pratiques de gestion intelligente.
Ferme 3.0
Enfin, des projets pilotes de fermes 3.0 qui allient rentabilité économique des systèmes agricoles et problématiques environnementales doivent être lancés au plus tôt. Drones agricoles, tracteurs connectés, épandeurs modulés, bineuses guidées par caméra, systèmes d'irrigation pilotée et technologie M2M devront y être testés. Ces fermes high-tech serviront de laboratoires aux différentes :
- solutions de fertilisation liquide au semis, pouvant être combinée avec un semoir de précision ;
- solutions de cartographie agricole (suivi des plantes à des moments-clés de leur développement, cartes de préconisation et pilotage des cultures) ;
- solutions d'irrigation (Automated Irrigation Management System «AIMS» et Precision Variable Rate Irrigation «PVRI») ;
- solutions énergétiques alternatives (compte tenu de l'impact énergétique par culture en MJ / ha) ;
- solutions logistiques (transport des récoltes à même d'améliorer l'efficacité du système de manutention des grains) ;
- solutions de stockage adaptées aux différents types de semences et de grains (nettoyage des grains, ventilation / refroidissement des grains et suivi assidu de la température des stocks), etc.
Production céréalière en 2017 et perspectives
En Algérie, la production de céréales de 2017 s'est établie à 3,5 millions de tonnes. Cette récolte a été réalisée sur 3,5 millions d'hectares et comprend notamment le blé dur et tendre, l'orge ainsi que l'avoine. Le blé dur a représenté 57% du total de la production (2 millions de tonnes). Le rendement céréalier moyen est donc de 10 q / ha !
L'objectif du gouvernement algérien est d'atteindre une production de 7 millions de tonnes de céréales et une superficie de terres arables irriguées de 2 millions d'hectares entre 2015-2019.
Conclusion
Au niveau national, nourrir une population qui ne cesse d'augmenter. Et à l'échelle locale, accroître significativement les rendements agricoles tout en respectant des contraintes réglementaires en matière d'utilisation de produits phytosanitaires. Répondre, aussi, à une demande croissante de produits plus sains de la part des consommateurs, sans pour autant augmenter les prix. Tels sont les défis de notre agriculture, une quadrature du cercle dont les technologies digitales pourraient représenter la solution.
En effet, après la révolution portée par la mécanisation de l'agriculture, l'enjeu aujourd'hui est l'application des TIC à la mécanique. Autre enjeu fondamental, mais cette fois du numérique qu'il soit dans l'agriculture comme dans les autres secteurs : aider les humains dans leur prise de décisions.
Cette révolution (de toute l'activité) agricole portée par les nouvelles technologies doit obliger notre gouvernement à s'adapter au plus tôt à l'agriculture numérique et à la rendre accessible à tous les types d'exploitants.
Il devra s'atteler à des défis considérables, comme :
- l'infrastructure haut débit pour connecter non seulement tous les agriculteurs à internet, mais aussi les machines et tous les outils technologiques ;
- le développement des connaissances numériques des agriculteurs par le lancement de programmes de formation ;
- le Big Data qui enclenche sur le long terme un cercle vertueux : plus on perfectionne les données, plus elles s'affinent.
En définitive, vu le retard considérable que nous accusons sur l'agriculture de précision, il est urgent de la promouvoir et de la soutenir pour inciter la nouvelle génération connectée d'agronomes à saisir les opportunités d'investissements offertes par cette révolution et à s'y consacrer pleinement.

Principales références :
- Site professionnel d'AGCO dont le siège social se trouve à Duluth, Géorgie, Etats-Unis : leader mondial dans la conception, la fabrication et la distribution d'équipements agricoles
- Site professionnel de Trimble Inc., dont le siège social se trouve à Sunnyvale, Californie, Etats-Unis : leader des solutions de géolocalisation de pointe qui fabrique des récepteurs GPS (Global Positioning System), des télémètres laser, des véhicules aériens sans pilote (UAV), des systèmes de navigation inertielle et divers outils de traitement logiciel
- Site professionnel de Lindsay Corporation, dont le siège social se trouve à Omaha, Nebraska, Etats-Unis : société mondiale qui fabrique des systèmes d'irrigation à pivot central, fournit des stations de pompage intégrées et des systèmes de filtration avec l'ensemble des systèmes de contrôle et de surveillance à distance.
- Site professionnel d'AIRINOV dont le siège social se trouve à Paris, France : société qui a développé le concept du drone en agriculture dans le but de fournir aux exploitants un outil de préconisation et d'aide à la décision. AIRINOV apporte toute son expertise agronomique pour permettre aux agriculteurs de bénéficier d'une optimisation de leur activité (pilotage des fertilisations, conseils sur la dose d'intrants et amélioration de la qualité des épandages) ;
- Site «MBA ESG» pour le paragraphe qui traite du Big Data
- Wikipedia


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