Algérie - Revue de Presse

POUR EVITER SON EXPULSION DU CANADA Un Oranais dans une église depuis 15 mois



Un Algérien a élu domicile dans une église à Montréal, au Canada, pour échapper à son expulsion. Abdelkader Belaouni, c'est de lui qu'il s'agit, a en effet pris sanctuaire dans une église de son quartier de Pointe-Saint-Charles le 1er janvier 2006 et y demeure à ce jour. Avant d'investir le lieu, Abdelkader faisait l'objet d'un ordre d'expulsion qui devait prendre effet à partir du 5 janvier 2006, après que sa demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires avait été refusée par les autorités canadiennes de l'immigration en novembre 2005. Ce refus est motivé, entre autres, par le fait qu'il ne travaillait pas et parce qu'il n'avait pas de liens de parenté au Canada. Abdelkader soutient de son côté qu'il a travaillé en tant que bénévole et que ses amis de Pointe-Saint-Charles sont les membres de sa nouvelle famille. A Montréal, Abdelkader considère qu'il est tout simplement chez lui et aucune raison au monde n'est suffisante à ses yeux pour le faire déloger. Abdelkader est non-voyant, âgé de 39 ans, célibataire et originaire d'Oran. Avant de franchir la frontière du Canada, Kader, comme aiment à l'appeler les membres de son comité de soutien, était installé sans statut aux Etats-Unis, où il avait passé sept ans. Il résidait à Brooklyn, à New York, et vendait des cartes d'appel téléphonique pour subvenir à ses besoins. Après les évènements du 11 septembre 2001 et la «vague d'hystérie» qui s'en est suivie, Abdelkader a vu son passeport confisqué et il était à deux doigt d'être expulsé. C'est à ce moment qu'il a décidé d'aller au Canada dans l'espoir d'y trouver une atmosphère plus accueillante. Le temps semble lui avoir donné raison puisque Montréal l'a si bien adopté et lui a permis de surpasser son handicap. Maintenant et depuis 15 mois, Abdelkader est installé à l'intérieur de l'église Saint Gabriel qui, malgré son confort, constitue néanmoins une prison pour lui puisqu'il ne s'aventure jamais à l'extérieur de peur d'être arrêté par la police. «Je ne me cache pas des services de l'Immigration, mais je veux leur dire clairement que je ne me présenterai pas à la déportation. J'ai réussi à atteindre l'autonomie et la dignité à Montréal et je ne veux pas perdre ça», a-t-il dit lors de sa première conférence de presse organisée à l'intérieur de l'église quelques jours après y avoir élu son siège en janvier 2006.  Depuis, Abdelkader meuble son temps comme il peut. Il diffuse sa propre émission de radio une fois par mois, donne des cours d'arabe, apprend le piano et la massothérapie et commence à utiliser un ordinateur pour personnes aveugles.  A son arrivée au Canada en 2003, en plus de son handicap visuel, Abdelkader ne parlait pas du tout le français, mais son séjour québécois l'a beaucoup aidé à maîtriser cette langue. Abdelkader se dit pleinement intégré dans la société canadienne et refuse l'idée qu'il peut constituer un fardeau pour celle-ci. Il est utile de rappeler à cet effet que notre bonhomme a représenté l'Algérie en qualité de judoka non-voyant lors des Jeux olympiques d'Atlanta (USA) en 1996. Abdelkader considère que son cas a fait l'objet d'une discrimination et qu'il est déterminé à lutter pour rectifier cette injustice. La Ligue des droits et libertés a étudié son dossier et en a conclu que le refus des autorités de l'immigration était discriminatoire et allait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon cette association, le refus n'a pas tenu compte des obstacles structurels auxquels fait face Abdelkader dans ses démarches pour trouver un emploi ou un programme de formation.  Tout au long de son enfermement volontaire, Abdelkader jouit d'une formidable chaîne de solidarité et de nombreux appuis au sein de la communauté. Plusieurs organismes et habitants de son quartier le soutiennent activement. Pointe-Saint-Charles, son quartier, est une banlieue de Montréal connue pour son activisme et sa mobilisation communautaire pour avoir été depuis longtemps un mélange français-anglais d'une classe ouvrière plus ou moins pauvre.  Un groupe de cinq personnes est prêt à le parrainer. Plusieurs personnalités politiques, dont des députés fédéraux, se sont emparés de son cas et sont intervenus en sa faveur. Des organismes de défense des droits humains tels que Amnesty International, le Comité d'aide aux réfugiés, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec et la Ligue des droits et libertés, ainsi que la Fédération canado-arabe le soutiennent également. Au total, plus de soixante organismes et des centaines d'individus ont interpellé le ministre de l'Immigration en signant des pétitions, en envoyant lettres et cartes postales, en participant à des réunions avec des parlementaires et à des délégations à Ottawa, ainsi qu'en organisant des conférences de presse, rassemblements et dernièrement une marche communautaire, lit-on sur le site web qui lui est consacré par ses supporters.  Toutes ces interpellations n'ont pas réussi cependant à infléchir la position du ministre de l'Immigration, M. Solberg, qui a cédé récemment son poste à une nouvelle occupante, en la personne de Mme Diane Finley, avec qui un nouvel espoir est permis. Il faut savoir que le ou la ministre de l'Immigration au Canada détient un pouvoir discrétionnaire qui lui permet d'octroyer à tout moment le statut de résident permanent. La nouvelle ministre en a fait usage récemment dans le cas d'un réfugié iranien qui a passé plus de trois ans en sanctuaire dans une église à Vancouver.  Mais selon des groupes de défense des droits des réfugiés, le refus de la demande de Abdelkader indique que le Gouvernement canadien cherche potentiellement à éliminer l'option du sanctuaire en tant que dernier recours pour les milliers de personnes en situation irrégulière sur le sol canadien et fuyant l'insécurité et la pauvreté dans leurs pays d'origine. Récemment, une femme et ses cinq enfants, en sanctuaire également à Terre-Neuve depuis plus d'un an, ont vu leur demande humanitaire rejetée. Un autre homme en sanctuaire à Toronto depuis 2004 a, quant à lui, été arrêté en octobre 2006 à l'extérieur de l'église où il trouvait refuge et a été sommairement «déporté» par la suite, nous apprend le site web.  Abdelkader, que nous avons contacté par téléphone, est décidé à mener sa contestation à terme et a exhorté les internautes algériens à lui apporter un soutien en envoyant des emails à l'ambassade du Canada à Alger. «J'ai reçu pareils soutiens d'Angleterre et d'Allemagne, pourquoi pas d'Algérie ?», s'est-il interrogé.


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