Algérie

Pour Damas, d'abord et surtout Idlib



Des combats meurtriers autour d'Afrine
D'aucuns ont cru voir dans le retrait russe de la zone d'Afrine, ouvrant ainsi la voie à l'avancée des troupes turques, une sorte d'échange de bons procédés grâce auquel les forces armées syriennes trouveront une résistance moindre dans leur marche sur Idlib.
Les responsables kurdes des YPG ont décrété hier la «mobilisation générale» pour défendre l'enclave d'Afrine, dans le nord de la Syrie, appelant les civils à «prendre les armes», au quatrième jour de l'offensive lancée par la Turquie. «Nous décrétons la mobilisation générale, et nous invitons tous les enfants de notre peuple à défendre Afrine», est-il écrit dans un communiqué publié par les autorités du canton de Jaziré. Pendant ce temps, l'offensive turque a pris de l'ampleur dans et autour de la ville d'Afrine, bastion des forces kurdes que cible l'opération baptisée «Rameau d'olivier». Située dans le gouvernorat d'Alep, cette ville de 36 000 habitants très prisée pour ses oliveraies était dans la ligne de mire de la Turquie depuis plusieurs mois déjà, alors que Afrine constitue un des bastions kurdes depuis 2014 où s'est implanté le parti de l'union démocratique syrien PYD dont les YPG sont l'émanation armée. Inféodée aux Etats-Unis et à la coalition internationale, cette faction devait servir, avait annoncé Washington la semaine dernière, de Force permanente avec 30 000 hommes dont la moitié constituée de Kurdes pour empêcher un retour éventuel de Daesh dans la région. Inacceptable, avait averti à maintes reprises la Turquie qui soupçonne des accointances entre le PYD et le PKK, organisation terroriste en guerre avec Ankara, et redoute un enracinement militaire kurde tout au long de ses frontières avec la Syrie et l'Irak. De là à refuser toute présence armée synonyme d'autonomie croissante des Kurdes à moins de trente km de sa frontière du côté d'Afrine, il n'y a qu'un pas et c'est ce qui a motivé la décision des autorités turques d'investir la région pour y instaurer ce qu'elles appellent «une zone de sécurité». Evidemment, cela ne s'est pas fait sans l'accord préalable de la Russie qui dispose d'une base dans cette zone et, tout en reprochant aux Kurdes des FDS et YPG leur allégeance aux Etats-Unis, n'en considère pas moins indispensable la présence de représentants de cette communauté au prochain Congrès national syrien de Sotchi.
Le ton est monté dès le 14 janvier lorsque Washington a fait état de son plan relatif à la création d'une Force arabo-kurde synonyme d'une présence américaine de longue durée sur le territoire syrien. Ni Ankara ni Damas ne pouvaient envisager, pour des raisons diamétralement opposées certes, un tel scénario et il fallait très vite organiser la riposte, surtout que l'armée syrienne est déjà fortement mobilisée dans une offensive de grande envergure pour la reprise du sanctuaire rebelle d'Idlib. D'aucuns ont cru voir dans le retrait russe de la zone d'Afrine, ouvrant ainsi la voie à l'avancée des troupes turques, une sorte d'échange de bons procédés grâce auquel les forces armées syriennes trouveront une résistance moindre dans leur marche sur Idlib. Officiellement, le ministère russe de la Défense avait annoncé, voici cinq jours déjà, que «pour prévenir d'éventuelles provocations et éviter tout risque pour la vie et la sécurité des militaires russes, le groupe opérationnel du Centre pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie et de la police militaire a été transféré dans la région de Tell Adjar, de la zone de désescalade de Tell Rifaat». Et comme à son habitude, le président turc Recep Tayyip Erdogan a carrément mis les pieds dans le plat en confirmant, dans un discours prononcé lundi dernier à Ankara, qu'«il n'y aura pas de marche arrière à Afrine (...). Nous en avons parlé avec nos amis russes, nous avons un accord».
Passablement mal à l'aise face à une telle situation qui les met en porte-à-faux avec leur allié turc alors que leurs alliés kurdes attendent avec angoisse un soutien à la hauteur de la menace, les Etats-Unis ont fait montre d'une grande discrétion avant de se fendre d'un laconique appel «à la retenue» qui n'est sans doute pas de nature à calmer la colère d'Ankara. Pour Washington, il ne saurait être question de compromettre la relation stratégique avec la Turquie qui est son partenaire le plus engagé dans l'Otan et joue un rôle clé vis-à-vis d'Israël, malgré les brassées d'air spectaculaires, mais sans lendemain soulevées par Erdogan autour de la question du statut de Jérusalem-Est (El Qods). C'est pourquoi, le secrétaire d'Etat Rex Tillerson n'a pas hésité à «reconnaître totalement le droit légitime de la Turquie à protéger ses propres citoyens contre des éléments terroristes qui pourraient lancer des attaques contre des civils en territoire turc, depuis la Syrie», une allusion explicite aux tirs de roquettes des forces kurdes sur la ville turque de Reyhanli qui ont fait un mort et 46 blessés. «La coalition internationale est appelée à prendre ses responsabilité vis-à-vis de nos forces et de notre peuple à Afrine», les a donc, en vain, apostrophé un communiqué des FDS. «La coalition internationale, notre partenaire dans la lutte contre le terrorisme, avec qui nous avons mené ensemble des batailles honorables pour éliminer le terrorisme (...) sait très clairement que cette intervention turque est là pour vider de son sens la victoire finale» contre l'EI que Ankara est accusé de soutenir indirectement. Forts de leur jeu d'équilibristes entre un objectif et son contraire, les Etats-Unis semblent privilégier la carte de Raqqa au détriment de celle d'Afrine, laissant à leur autre allié, la France, le soin de monter en première ligne pour défendre la légitimité kurde mise en péril par la Turquie.


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