Algérie

Posté sur son mur



Il pensait faire de la politique dans un pays qui n'en faisait pas. Patriote par héritage, nationaliste par intérêt, il acquit sa première carte de militant à l'âge où ses pairs s'achetaient de la gomina pour avoir les cheveux plus lisses qu'Ulysse. A l'époque, il n'avait pas d'autre choix que de s'inscrire au petit bureau du village, ouvert les jours de campagnes électorales et apprit, à ses dépens, qu'être militant de base n'avait de valeur qu'aux yeux de ses proches. Il décida de gravir les échelons à la force de la langue et finit par quitter son lieu de naissance pour la grande ville.Armé de son seul désir d'arriver en haut des escaliers, avec pour unique bagage son obséquiosité pour tous ceux qui le précédent sur l'échelle sociale, il fit son petit chemin en nageant dans les eaux troubles de la politique interne. Il fut de toutes les batailles, s'acquittant des sales besognes, flattant pour mieux frapper dans le dos, montrant ses dents pour mieux mordre, donnant des tapes dans le dos pour les précipiter dans le vide. Il fit allégeance à tous les appétits pour mieux se servir et s'assit à la table de la reconnaissance. Il n'avait ni remord, assassinant ses scrupules et reniant Dieu et la patrie. Il était presque arrivé aux dernières marches de l'escalier quand éclata une révolution automnale. Sa langue se changea en mitraillette et il tira sur les ennemis de son ascension. Le monde changea, son pays aussi et il dut suspendre son envol pour voir où il allait atterrir. Il pesa le pour et le contre, se rendit compte que le vent était une girouette et que les hommes rivalisaient dans l'égoïsme et la trahison. Il s'acheta alors quatre peaux, gardant la sienne au chaud dans le grenier de sa conscience. A chaque convulsion de l'histoire, il se dépouillait d'une peau pour mieux ramper, s'accrochant au pays comme une sangsue vampirique. Il réussit sa mue pour accrocher les wagons tractés par une nouvelle morale patriotique et s'inscrit dans la logique économique de la gare. Tout s'achète, tout se vend et il connaît ça, puisqu'il n'a fait que ça depuis le petit bureau du village natal. Vendre sa parole, son âme, ses amis, sa conscience, sa morale quand il la rencontrait. Il reprit sa marche vers le sommet et finit par frapper, un jour, à la porte de la terrasse. Il attendit, fier de son parcours, qu'on lui ouvre, regardant derrière lui les marches escaladées. Il frappa derechef, impatient d'enlacer son nouveau monde, de le regarder droit dans les yeux et de s'entendre dire «bravo».
Mais personne ne vint lui ouvrir, la porte restant désespérément close. Il finit par jeter un ?il par le trou de serrure qui le fixait et vit un escalier en colimaçon. Abattu, regrettant sa vie perdue, repensant avec amertume au temps perdu à courir derrière les marches qui montent, il se laissa choir. Il entendit des pas qui montaient et se changea en paillasson.


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