Debout au milieu du portail, la silhouette imposante, la mise impeccable, rehaussée de son inoubliable blouse bleu azur, il tient dune main (de fer) sa règle en métal et de lautre le sifflet pour presser les morveux petits Gavroche retardataires à se joindre aux rangs alignés devant lentrée de chaque classe. Avec lui, le cours commence par le respect de la ponctualité.
Cest une des images qui doit être probablement rangée dans un coin de la mémoire de ces élèves, aujourdhui grand-pères pour la plupart, qui ont eu le privilège dêtre dans la classe de Monsieur (avec un grand M) Oukaci. Cest ainsi quon lappelait, par respect . Il est vrai quil en imposait, quil avait du charisme. Cétait lépoque où être instituteur était un métier prestigieux. Où léducation se conjuguait avec ambition. Cela remonte à plus de cinquante deux ans déjà! Un parcours fabuleux, hors norme, qui a commencé un certain janvier 1963 à lécole du village dAit Saâda, (actuellement commune Yattafen).
Et dire quavec son niveau de lépoque, où les diplômés étaient encore des perles rares, Mohand Oulhadj Oukaci aurait pu aller faire carrière dans la haute administration, ou être P-DG dans une entreprise publique. Non, il a préféré se vouer à lenseignement pour ouvrir les portes du savoir et de la connaissance aux enfants de son village, dans une Algérie qui venait juste de recouvrer son indépendance. Lenseignement pour lui est plus quun choix, cest une vocation qui ne se démentira pas tout au long de son parcours.
Un parcours qui se décline comme les différents chapitres de LAmi fidèle. Point de départ: Aït Saâda, en se lançant le défi de rouvrir, avec dautres collègues, lécole du village, incendiée durant la colonisation. Sous limpulsion de M Oukaci, cette école ne tardera pas à se forger une bonne réputation dans la région pour ses taux de réussite record aux examens.
A cheval sur la discipline, mais passionné par lexercice de son métier dinstit , M Oukaci se voue à fond à sa classe, initiant ses élèves aux subtilités de la grammaire et de lorthographe, à la magie de la lecture, au remue-méninges du calcul. Bien quil ne soit pas resté très longtemps au village dAit Saâda, le passage de M. Oukaci dans cette école est cité comme un exemple, à ce jour. Les gens du village le lui rendent dailleurs bien, en ayant pour lui un grand respect quils ne manquent pas de lui exprimer à chacun de ses brefs passages au village pour telle ou telle autre occasion.
Aït Saâda, Ouacifs, Redjaouna.
Trois escales dans le cycle primaire avant de monter au palier supérieur, le cycle moyen, après une formation à linstitut de Bouzaréah. Juste quelques années comme PEM avant de passer de lautre côté de la classe: ladministration. Animé par la même passion, il est directeur au CEM Aïn El-Hammam, à Larbaâ Nath Irathen, surveillant général à lITE de Tizi Ouzou, conseiller principal déducation à El-Harrach, puis enfin directeur du CEM Tassadort à Tizi Ouzou.
En 1999, cest la retraite, après 36 ans de bons et loyaux service dans lÉducation nationale. Une retraite qui nen est pas une, car lenvie de servir encore et toujours le pousse à entamer une nouvelle carrière dans lenseignement privé qui venait de faire son apparition dans certaines villes du pays, où des parents préféraient se saigner aux quatre veines pour arracher leurs enfants à lécole publique qui avait déjà entamé sa descente aux enfers de la talibanisation. M. Oukaci met son expertise au service de lecole Assalas de Tizi Ouzou comme directeur. Sa touche personnelle nest certainement pas étrangère aux remarquables performances de cette école dont beaucoup délèves poursuivent actuellement leurs cursus dans des universités françaises et canadiennes.
Mais comme il y a toujours une fin à tout, Da Mouhadj a choisi cette année de mettre un point final au dernier chapitre de sa carrière, après 52 ans de bons et loyaux services dans lenseignement. Une longévité exemplaire.
Lenvie ny est plus ?
Question dâge ?
Toujours est-il que Monsieur Oukaci a décidé, cette année, de mettre un point final au dernier chapitre de sa carrière pour savourer pleinement une retraite (ô combien méritée) aux côtés de la femme de sa vie, Na Ouzna, une épouse admirable.
Mais peut-être trouvera-t-il encore un peu de temps pour raconter son parcours extraordinaire dans un livre-témoignage qui sera une sorte dultime leçon des choses à ses milliers délèves qui lui doivent ad vitam æternam respect et considération.
Omar Ouali
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Posté Le : 28/09/2015
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: ©D. R. ; texte: Omar Ouali
Source : liberte-algerie.com du samedi 26 sept 2015