Algérie

Portrait d'émigré: Abane Abderrahmane, chercheur angoissé



Courir sans cesse entre l'Europe et l'Algérie pour bâtir, contre vents et marées, des partenariats dans la recherche scientifique et technique, dompter en Algérie l'énergie solaire et celle que contiennent les décharges publiques (!) et penser l'avenir du pays sont autant d'obsessions qui donnent des nuits blanches au docteur Abderrahmane Abane, un chercheur algérien d'une race particulière. Ecoutons-le nous raconter ses rêves.

Abderrahmane Abane n'est pas un simple chercheur algérien professant en Europe comme bien d'autres de ses compatriotes. Il est atypique, pourrait-on dire, tant il est pris par la passion des domaines qu'il prospecte et surtout par son intérêt pour son pays d'origine, l'Algérie, où il ne cesse de se rendre pour proposer mille et une astuces «technologiques» d'avenir et idées de partenariat avec les université et hautes écoles.

«Nous avons en Algérie des capacités humaines considérables et des sources naturelles inépuisables qui peuvent donner un sérieux coup d'accélérateur au développement dans tous les secteurs de la vie sociale et économique, pour peu qu'elles soient exploitées à leur juste valeur», déclare-t-il. Il vous explique avec une certaine fierté l'une de ses inventions adoptée en Algérie dans bien des domaines, en particulier chez les habitants des campagnes isolées du réseau électrique national : «la valise solaire». Il s'agit d'une sorte de kit composé d'un panneau solaire pliable et d'un accumulateur (batterie) réduit qui peut fournir l'énergie pour toute une maison par exemple. «Le soleil en Algérie est généreux et gratuit, il suffit de s'en servir», rappelle-t-il. Abane donne des signes de nervosité lorsqu'il entend parler des possibilités naturelles qu'offre l'énergie solaire au pays.

«Bien sûr, c'est un procédé connu ! La différence est dans la recherche d'applications pratiques à moindre coût et avec un rendement pour bien des aspects de la vie sociale et économique», explique-t-il.

Puis, les yeux fiévreux, il vous annonce : «J'ai un autre projet, en cours en Algérie, de captation d'énergie gratuite supplémentaire : les décharges publiques !». Il vous raconte par le menu détail comment il a fait le tour de quelques universités et responsables administratifs pour leur exposer son projet : la méthanisation ou comment tirer profit de nos «poubelles».

D'où lui vient cette passion de recherche dans des secteurs souvent oubliés par les autres, alors qu'elles sont pourvoyeuses de bien de richesses ? C'est que le docteur Abane a déjà expérimenté les plus en vue et les plus médiatisées. Voilà plus de vingt ans, il avait amélioré l'aérodynamisme des ailes de l'avion français Concorde. C'était sa thèse de doctorat. Il vous montre fièrement des coupures de journaux français de l'époque où, en photos, le patron de l'avion à réaction, Dassaut, le congratule et le félicite. Sur d'autres journaux, il est reçu, pour d'autres raisons, par le vulcanologue Haroun Tazieff, aujourd'hui disparu. Comment ne pas être fier, lui l'enfant de Chlef, ayant tenu des réceptions d'hôtels à Bruxelles des nuits entières pour pouvoir terminer ses études en Belgique ? Comment ne pas l'être quand il est reçu et reconnu par les patrons des plus grandes industries françaises et européennes, lui, l'enfant de chahid qui n'a pas eu une enfance et une adolescence faciles au quartier de la Ferme à Chlef ?

Mais le docteur Abane est actif dans un autre secteur clé : le partenariat Europe-Algérie dans le domaine de la formation et de la recherche universitaires. Avec d'autres confrères algériens, ils assurent des séminaires de formation dans les universités algériennes et reçoivent à l'université de Valenciennes (France) des étudiants doctorants venus du pays, avant de les orienter vers les spécialités les plus pointues.

Lui et quelques autres chercheurs algériens et maghrébins ont organisé dernièrement, les 21 et 22 mai, à l'Université de Valenciennes, des «Journées franco-maghrébines» de la recherche. Pas mois de 14 recteurs et responsables d'universités algériennes étaient présents aux côtés de deux présidents d'universités marocaines et deux autres tunisiennes. La partie européenne était représentée par des directeurs et responsables français et de l'Union européenne (direction générale de la recherche de la Commission européenne). De son côté, le docteur Abane a ouvert des antennes de «l'Association euro-méditerranéenne de chercheurs», dont il est l'un des principaux fondateurs, à Blida, Mostaganem et Guelma.

«Le but est de bâtir des partenariats entre les universités européennes et algériennes avec, en plus de la formation, des programmes de recherches dans des domaines d'applications pratiques», dit-il. Pour l'heure, le docteur Abane continue le suivi d'étudiants doctorants à l'école polytechnique de Valenciennes en France et celle de Mons en Belgique. Les «thésards» comme il aime à le préciser. «Les chercheurs algériens travaillent dans la discrétion. Ne crois-tu pas qu'ils méritent de temps à autre une gratification publique ? Ça leur donne du courage et du baume au coeur», me dit-il. Voilà Docteur, c'est fait. Sans façon.




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