...PORTRAIT...Bouamra Saïd

Saïd Bouamra est tombé dans le handball pour ne plus se relever. Et il adore cette chute qui n'en finit pas. Chute ' Chut... ! De telles chutes qui vous mènent aux sommets, qui n'en voudrait pas ' Car à tout point de vue la carrière de Bouamra est exemplaire. Il a occupé tous les postes dans le sport. Il est à la FAHB, il est au défunt CNIDS, il est cadre sup au MJS, il part, revient, on le dit mort, on le dit enterré, on célèbre ses obsèques, on fait une prière à sa mémoire et le voilà ressuscité, plus présent que jamais. Le même sourire aux lèvres.Et si vous le voyez en colère, ne le prenez pas trop au sérieux. Comme tout bon professionnel, il y a toujours un comédien caché en lui, alternant le froncement des sourcils avec les rires les plus fous. Fantôme, oui, mais pas vampire. Il n'a rien sucé, lui. Rien pris comme tant d'autres. C'est le contraire. Le sport lui a bouffé son temps, sa sueur, mais ne lui a pas pris l'essentiel : son âme et ses valeurs. Car voilà, on touche du doigt le c'ur même du sujet : Bouamra a le niveau, c'est un grand serviteur du sport comme on n'en voit plus de nos jours. Il aurait pu être un grand ministre. Il a été, et c'est tout aussi important, un homme de devoir et de responsabilités.
Caustique sans être cynique, intelligent sans être méprisant, on lui donnerait volontiers 100 ans, non, 200 ans tant il semble avoir vécu plusieurs vies dans le sport. Ce qui le caractérise, ou du moins l'image que je garde incrustée dans ma mémoire, c'est un énorme fou rire. Flash-back. 92, JO de Barcelone. Saïd était chef de la délégation algérienne. Réunion avec tous les chefs d'équipe. Objet : désignation, par ordre de taille, de la composante de ceux qui allaient défiler. Saïd commence à citer les sportifs qui prendraient la tête de la délégation algérienne. On y trouve tout naturellement des volleyeurs à défaut des basketteurs absents.
Et puis voilà qu'un chef d'équipe assez grand, mais pas culminant au niveau des volleyeurs, se leva l'air vexé : "J'ai droit moi aussi au premier rang." Dialogue :
Saïd : c'est par ordre de grandeur qu'on compose la délégation.
L'autre : je suis grand !
Saïd : c'est vrai, mais tu es moins grand que d'autres, donc tu seras au troisième rang !
-L'autre : je suis beau !
Saïd : oui, mais pas le plus grand.
L'homme, sympathique au demeurant, mais d'une sensibilité à fleur de peau, quitta la salle le visage fermé.
Et Saïd déclara alors avec un large sourire : Nous sommes tous des macaques, et chez les macaques tout le monde est kif-kif.
-Même moi ' lança Enzo, chef d'une équipe, le plus grand, le plus beau, le plus séducteur, le plus... Enzo l'unique !
-Même toi et moi, nous sommes des macaques ! Regardons-nous dans une glace et tu verras qu'on descend directement du singe ! Ils se sont regardés dans une glace. L'un s'est trouvé beau ; l'autre a vu le singe. L'un n'est plus dans le sport. L'autre a duré...
H. G.
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