Septuagénaire bon pied, bon 'il, il a les yeux de l'enfant espiègle et heureux qu'il a toujours été. Le temps a voulu l'user, le rendre grincheux, vieux, et bien c'est lui qui a usé le temps. À soixante-dix ans, Jannis a 20 ans. Définitivement. Ce rare privilège n'est donné qu'à ceux qui ont 'la gaieté de l'esprit qui en marque la force', comme le souligne Ninon de Lenclos. La vie de Jannis ressemble à un roman. Suivons-le quitte à perdre haleine tant il ne sait pas s'arrêter. Bac en poche, il quitte son pays, la Grèce, pour l'Allemagne. Le voilà ingénieur. Il occupe différents postes en Allemagne. Mais comme il ne se résout pas à ce monde d'injustice, il s'engage dans la politique pour changer le monde. Le voilà député au parlement européen, le voilà porte-parole et coordonnateur du groupe PSE au parlement européen au sein d'une commission qui comprendra les droits de l'homme, le voilà chef de mission de l'Union européenne pour l'observation du processus électoral au Gatuemala et au Nicaragua. Syndicaliste dans l'âme, cet homme de conviction a le c'ur à gauche : il se retrouve dans les valeurs de fraternité, de solidarité et d'émancipation des peuples. Lui et l'Algérie c'est une belle histoire d'amour. Il le dit avec des trémolos dans la voix : 'J'étais un admirateur de la guerre d'indépendance. Je voulais venir en 1973, comme ingénieur en électricité, mais ça ne s'est pas fait ! '. Il aurait travaillé gratuitement tant la tâche lui semblait exaltante. Pensez, à l'époque, Alger était la Mecque des révolutionnaires.
Et Jannis aurait aimé faire ce pèlerinage dans ce lieu consacré. Il aime tout ce qui bouge. À sa façon c'est un homme pressé. Non point d'arriver quelque part. Mais de faire aboutir ses idées, ses idéaux de paix et de justice. Mais il viendra quand même en Algérie à une époque où notre pays n'avait pas beaucoup d'amis. Il viendra en 1997, à l'heure où les balles sifflaient dans tous les sens, où le 'qui tue qui' faisait rage. Lui prendra nettement position au Parlement européen contre cette thèse. Il le dira haut et fort, fera un énorme travail de lobbying pour dire qu'en Algérie il n'y a qu'un seul ennemi : le terrorisme islamiste. Si c'est dans l'arène qu'on voit le gladiateur comme dit Sénèque, alors on aura vu que Jannis est un vrai ami de l'Algérie. Il est là, avec nous depuis 4 ans. La raison : il est l'époux de Laura Baeza, la chef de la délégation européenne en Algérie. L'époux, mais aussi le confident, l'ami, le complice, l'homme de la vie de Laura. Une belle histoire d'amour qui nous fait croire à l'amour.
Oui, incrédules, nous avons vu un couple d'amoureux qui résiste à l'usure ! Il avoue avec beaucoup de tendresse que c'est Laura-il prononce Laoyra, que c'est mignon !- qui l'a amené à la littérature. Sur notre pays, il est intarissable comme tous les amoureux : 'En 4 ans, je n'ai pas connu un seul regard désagréable ! Les gens sont tellement gentils !', il refoule un rire, les yeux pétillants de plus en plus, avant d'ajouter : 'D'ailleurs on me prend souvent pour un Algérien'. Pianiste, il adore la musique classique, amoureux du monde, il a visité 80 pays avec toujours ce besoin de contact avec l'autre. Si Pompée a comme devise : 'Il est nécessaire de naviguer. Il n'est pas nécessaire de vivre', lui pense le contraire, au loin le stoïcisme mortifère : 'Il est nécessaire de vivre. Il faut donc naviguer'. À le voir si vif, si truculent, on se dit qu'il va encore naviguer vers d'autres rivages.
Dans quelques mois il ne sera plus avec nous. On aura perdu un homme de conviction. Perdu ' Non, plutôt partager, tant il est vrai que les hommes de valeur ont pour patrie le monde et pour amis l'humanité entière.
H. G.
hagrine@gmail.com
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Posté Le : 29/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Hamid GRINE
Source : www.liberte-algerie.com