Algérie

Politiques publiques sécuritaires et stabilité : approches et conceptions



La sécurité, qui est un enjeu fondamental pour le citoyen et qui se trouve au c?ur des préoccupations nationales, exige des réponses efficaces de la part des responsables politiques et bien évidemment des politiques publiques concernées. Le débat sur la sécurité doit donc sans cesse être renouvelé, puisqu'il peut prendre des orientations différentes suivant le contexte social, les hommes politiques au pouvoir et la situation internationale. Aussi, l'analyse des politiques publiques nationales permet d'envisager la sécurité et plus généralement le maintien de l'ordre public national comme un enjeu déterminant, sujet à d'importantes mutations dans un contexte de globalisation. Même dans le classement par les spécialistes en la matière des différents types de politiques publiques, à la lumière des grands objectifs de la société, et sur lesquels s'appuient les relations de l'Etat et du gouvernement avec les environnements interne et externe, l'on peut répertorier le premier volet des politiques publiques qui englobe les trois axes importants de toute politique vitale de société : politiques publiques économiques qui envisagent le maintien de la croissance économique ; politiques publiques sociales qui projettent l'amélioration des conditions de vie de la société ; politiques publiques sécuritaires qui conçoivent et apprécient le maintien de l'ordre public et de la sécurité nationale. Ce qui laisse dire que ces trois axes de politiques publiques, selon qu'ils soient bien conduits ou non, peuvent permettre ou empêcher le développement ou la stabilité. Concernant le troisième axe évoqué, Sebastian Roché, dans son ouvrage Sociologie politique de l'insécurité, définit les politiques publiques de sécurité comme « l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires prises pour gérer le champ de la sécurité, ainsi que des actions ou programmes publics mis en oeuvre par les élus locaux et nationaux, les administrations seules ou en partenariat avec d'autres partenaires associatifs ou marchands. Elles s'adressent aux auteurs de violences, mais aussi aux victimes et à l'opinion publique ».      En outre, on peut mentionner aussi que d'autres facteurs entrent dans l'élaboration des politiques de sécurité, c'est-à-dire que le côté conception de sécurité échappe parfois même à cette élaboration institutionnelle classique. Ainsi, l'on peut rappeler aussi que la science politique est une discipline vaste dont l'un des aspects importants est l'analyse des politiques publiques, qui consiste à étudier les conditions pratiques et idéologiques dans lesquelles une décision publique est élaborée et mise en oeuvre. Autrement dit, la manière dont sont appréhendés les problèmes aura de fortes implications dans l'émergence de solutions possibles. Par exemple, si l'on considère que les problèmes de criminalité et d'insécurité sont sans véritables liens avec les problèmes d'échec scolaire, alors l'action publique sera probablement axée sur les mécanismes de contrôle et de sanction, et non sur l'éducation et la prévention, qui peuvent être considérés parmi les causes de ces problèmes. On peut ainsi dire que l'essentiel des politiques publiques se trouve dans les débats relatifs à la définition de problèmes, dans la détermination de la nature des relations et des rapports existants entre le secteur ou le domaine concerné par le problème et les politiques globales sectorielles ainsi que dans la recherche du référentiel politique du secteur (par exemple, l'Etat doit être en quête du référentiel de la politique sécuritaire...). Il faut savoir que dans une perspective moderne, l'objectif de l'action publique est de maintenir la paix civile et l'ordre public, à savoir l'ensemble des règles et des normes, écrites ou tacites, qu'un corps social impose à ses membres, afin d'assurer son unité et son harmonie. La liberté des individus, et plus généralement l'ensemble de leurs droits naturels, sont, par exemple, pour Hobbes, confiés à l'Etat qui, en retour, a pour mission d'assurer la sécurité de ces individus. Vu sous cet angle, la sécurité est au centre de l'action publique et le maintien de l'ordre constitue une fonction régalienne. Autrement dit, comme je l'ai déjà signalé dans l'article précédent intitulé La tentation sécuritaire..., l'Etat a donc tout intérêt à s'inscrire dans une démarche appelée tentation sécuritaire qui consiste à privilégier un mode d'action résolument politique et sécuritaire orienté sur l'auto-protection (à travers une pratique de normativité à outrance induite par la lutte contre les dérives sociales ou à travers la transgression des règles considérées comme trop permissives). Par ailleurs, la notion de sécurité ne doit pas se réduire aux politiques sécuritaires mais doit être comprise de manière plus globale : les objectifs de promotion de la paix et de la sécurité doivent être considérés comme des piliers essentiels du développement et de la réduction de la pauvreté. Cette vision renvoie à l'apparition dans les années quatre-vingt-dix du concept de « sécurité humaine ». Ainsi, le célèbre chercheur Armatya Sen considère que la sécurité humaine passe par l'accès de chaque être humain à sa dignité et ses droits fondamentaux. Envisagée ainsi, la lutte contre l'insécurité représente une condition indispensable du développement sous toute ses dimensions : militaire, civile, politique, sociale, économique et culturelle. Dans les pays développés, les responsables politiques privilégient depuis plusieurs années la sécurité des personnes par rapport au maintien de l'ordre. L'approche des problèmes est donc redéfinie de manière plus sociale et plus globale : à la répression traditionnelle sont ajoutées la prévention et la réinsertion. Par conséquent, la coopération est plus poussée entre les services de sécurité, mais aussi avec les collectivités locales, les associations... Les objectifs d'accroissement de la sécurité et de stabilité auront d'autant plus de chances d'être atteints que cette coopération sera réussie. Il faut garder à l'esprit que les actions entreprises, qu'elles soient préventives ou répressives, doivent s'effectuer dans le respect des principes démocratiques et de l'Etat de droit. En effet, les politiques publiques de sécurité doivent être centrées sur les besoins de l'Etat. De plus, le système de sécurité doit être un des principaux points forts du pays, qui doit donc se doter de ses propres outils de sécurité. Enfin, Jean-Claude Thoenig, dans un travail de recherche intitulé La gestion systémique de la sécurité publique, souligne qu'entre la définition d'une politique et son application sur le terrain, la distance peut être considérable. Toujours selon cet auteur, il ne s'agit pas là d'un simple détournement d'objectifs, mais il s'agit d'une réappropriation de cette politique par les agents chargés de l'appliquer, en fonction de la perception locale et particulière qu'ils en ont - perception qui peut être fort diverse selon les services et même à l'intérieur d'un même service (ce qui est appelé par Eric Monnier « les insuffisances de chaque exécution d'une politique publique d'un domaine ou sa dérive »).        Toutefois, cette perception peut aussi être convergente chez les divers partenaires, dans ce cas, le fonctionnement en réseau permet d'organiser une coopération informelle sur des priorités communes. Mais qui ne sont pas nécessairement celles que les directions centrales voudraient imposer. L'objectif attendu consiste donc à améliorer la connexion entre ceux qui pensent la politique publique et ceux qui l'exécute. Cela implique la fabrication de l'aptitude à réaliser cette sécurité dans un objectif de stabilité qui permet aux deux autres axes (politique économique et sociale) d'être menés à bien. Au total, il est clair que les politiques publiques sécuritaires, comme toutes autres politiques publiques doivent sans cesse être renouvelées et revues suivant les mutations de la société, c'est-à-dire que l'on doit considérer la réorientation de l'action publique sécuritaire. * Docteur en sciences politiques (politologue)
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