Algérie

Politiquement correct


Les élections législatives ont livré leurs résultats avec un taux d?abstention catastrophique qui a laissé nos dirigeants complètement groggy. Ainsi donc, la forte campagne médiatique menée avec la complicité de l?Unique, qui s?est appuyée, comme à l?accoutumée, sur ses traditionnels instruments de propagande pour conditionner les esprits, n?a pas suffi pour conduire massivement les Algériens vers les bureaux de vote. Les interviews à sens unique, les slogans triomphalistes, les accompagnements musicaux et folkloriques style Driassa père et fils ne font plus recette. Face à la crise multiforme que traverse le pays et devant le peu de crédibilité dont jouit l?institution parlementaire, ce flop électoral n?est, en fait, une surprise pour personne, sauf pour certains irréductibles du pouvoir absolu qui ont fait semblant d?y croire jusqu?au bout avant d?être confrontés à la dure réalité des chiffres. Et encore, a-t-on laissé entendre dans les coulisses de certains partis, la morosité aurait été plus prononcée si le score de la participation n?avait pas été... dopé ! Mais qu?à cela ne tienne, il n?y avait qu?à voir la tête que faisait le ministre de l?Intérieur lors de sa conférence de presse pour comprendre que la joie n?était pas de ce côté-ci de la barrière où tout ce qui est noir est d?office présenté comme blanc. Pour tout dire, Zerhouni qui nous avait habitués, dans pareilles circonstances, à plus d?éloquence voire d?arrogance, avait la mine des mauvais jours. On le sentait mal à l?aise avec cet échec électoral qu?il a voulu à tout prix transformer en... une victoire de la démocratie, disant pour se tirer d?affaire que, comparée à ce qui se passe aux Etats-Unis ou en Italie, l?abstention algérienne n?a rien de dramatique. Elle est bien là pourtant, moralement et physiquement présente, et les mots n?y changeront rien. Il faut donc la prendre comme un sérieux avertissement lancé à la classe politique qui s?éloigne de plus en plus de son peuple. A commencer par ceux qui sont aux commandes et qui, comme l?a fortement souligné en direct à la télé, lors du débat « spécial élection » Abdelkader Merbah du RPR, sont les premiers responsables de la faillie politique du pays. Ce débat, que l?Unique voulait présenter sûrement comme un modèle de pluralisme, de liberté d?expression et de transparence au lendemain d?une élection qui n?a pas soulevé grand enthousiasme, a failli se retourner contre elle compte tenu de la difficulté qu?avaient les deux animateurs à contenir des propos et des interventions souvent d?une rare violence contre le régime. Pour une fois, les représentants des partis invités n?ont pas usé de la langue de bois pour s?expliquer. Même s?ils faisaient, pour la plupart, partie des « petites cylindrées » comme on dit, ils ont centré la réflexion sur l?absence de démocratie dans le pays, rendant les gouvernants coupables de la perte de confiance ressentie par les citoyens. « Il faut dire la vérité au peuple, si on veut éviter d?autres désillusions électorales », a lancé Abdelkader Merbah en s?adressant directement au président de la République. Pour quelques secondes, un vent de liberté a soufflé sur le petit écran national... qui restera sans suite évidemment. L?autre image qui a fait le tour des chaumières a été celle de Belkhadem qui, en se présentant devant les journalistes dans une tenue « à l?ancienne », a quelque part défrayé la chronique. C?est quoi cet accoutrement, nous ont demandé de nombreux lecteurs qui ont vu derrière cette attitude se profiler un message politique pas très rassurant pour les démocrates. Qu?en est-il au juste ? Etant libre de s?habiller comme bon lui semble, le chef du gouvernement a sûrement choisi ce moment solennel pour revêtir cet ensemble traditionnel qui, selon lui, n?a rien d?un uniforme. Pour l?anecdote, il aura réussi par ce coup médiatique à faire parler de lui en jouant sur l?image... comme sait si bien le faire d?ailleurs le tout nouveau président français en s?affichant devant les caméras même pour le plus banal des gestes quotidiens. Une omniprésence tellement envahissante qu?en guise de bulletin un électeur algérien n?a pas trouvé mieux que de glisser la photo de Sarkozy dans une enveloppe pour lui adresser, lui aussi ,un message. La télé, c?est l?image et le costume de Belkhadem en faisant grincer mine de rien beaucoup de dents a montré qu?il n?avait rien d?un naturel innocent. A chacun sa marque de fabrique, son label... Cela dit, le leader du FLN, avec une perte assez conséquente de sièges dans la prochaine assemblée nationale, n?est pas dans la meilleure des postures. Quand le président Bouteflika en personne ne se montre pas satisfait de l?action gouvernementale, il y a des effets d?annonce qui sont attendus. Le mot de la fin de ces législatives qui ne fait pas spécialement rire, c?est le comédien de la troupe comique Fhama, élu dans sa région du Sud, qui le donne en disant que sa priorité c?est de régler d?abord ses problèmes... C?est ce qu?on appelle du politiquement correct.
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