Avec intelligence et courage, leprésident des USA fait des propositions hardies et novatrices; mais ilpense d'abord aux intérêts de son pays.
Barack Obama a beaucoup voyagé cesderniers jours, du Caire aux plages normandes, en passant par l'Allemagne. Tousles discours prononcés par le président américain n'ont pas la même portéestratégique. Les propos tenus devant la faculté du Caire le 4 juin ont unedimension tout à fait considérable. Certes, Barack «Hussein» Obama a d'abordvoulu séduire l'auditoire arabo-musulman. En rappelant son ascendancemusulmane, en citant le Coran, en magnifiant la richesse de la cultureislamique, il a rompu nettement avec le discours méprisant de ses prédécesseurs.Les perspectives qu'il a dessinées ont suscité la sympathie et l'intérêt despopulations et des chefs d'Etat concernés.
LeCaire, discours historique
Bien sûr, ce nouveau départ de lapolitique américaine devra être concrétisé par des faits tangibles. Hasard ducalendrier, deux élections ont eu ou vont avoir lieu dans la grande région. AuLiban, dimanche dernier, la coalition menée par le Hezbollah, pourtant donnéegagnante, a perdu les législatives au profit des partis plus traditionnellementpro-occidentaux. Le 12 juin prochain, les Iraniens vont élire le président dela République islamique, second personnage de l'Etat après le «guidespirituel», Ali Khamenei. Donné vainqueur jusqu'à présent, l'actuel titulairedu poste, Mahmoud Ahmadinejad, doit faire face à un opposant en pleineascension, Mir Hossein Moussavi, candidat réformiste et novateur.
Ce dernier a lors d'un débattélévisé durement critiqué son challenger: «Depuis votre élection, lesIranienssont humiliés» par la politique étrangère «extrémiste» menée parAhmadinejad, «vos propos sur l'Holocauste n'ont fait que servir Israël», luiservant de prétexte à l'invasion de Gaza.
Même Damas souhaite laréconciliation avec les Américains. Hasard du calendrier ou premiers effets del'inflexion de la politique américaine dans la grande région? On ne peutencore le dire mais il flotte comme un air de renouveau alors que leMoyen-Orient était englué depuis de nombreuses décennies dans un profondpessimisme. La «rupture» proposée par Barack Obama n'est pas exclusive degrandes continuités. Trois problèmes récurrents ont été abordés par leprésident américain. Afghanistan/Pakistan. La continuité a largement dominé.Obama a fortement réaffirmé la volonté américainede lutter contre le terrorisme.Seule inflexion, ce phénomène n'est plus assimilé unilatéralement à l'existence«d'Etats voyous». De même, le président américain a souligné les limites desoffensives militaires sur l'Afghanistan si elles n'étaient compensées par uneforte aide économique. Ce faisant, la Maison-Blanche ne pouvait que reconnaîtrel'impasse dans laquelle se trouve l'armée américaine aussi bien en Afghanistan,aux frontières du Pakistan et même en Irak, un sujet sur lequel le Président nes'est guère étendu. Enfin, une forte augmentation de l'aide économique n'estguère crédible dans cette période de récession économique mondiale.
Maintendue à l'Iran
Iran. Le renouveau de la politiqueétrangère sur ce sujet est patent. Loin des déclarations guerrières de George Bush,Barack Obama propose une main tendue au pouvoir iranien. La Maison-Blanchepropose certes une politique de coopération et de dialogue «à duréedéterminée», période qui serait close en janvier 2010, si rien ne changeait surle dossier du nucléaire militaire iranien. Mais même sur ce sujet, la positionaméricaine semble pouvoir aller jusqu'à accepter une proposition «à lajaponaise». Le Japon, en effet, ne possède pas d'armes nucléaires mais il a àsa disposition tous les moyens techniques ou tous les vecteurs nécessaires pourconstruire un arsenal nucléaire en quelques semaines, voire en quelques jours,si son intégrité territoriale était menacée. Fait symbolique significatif,Barack Obama, dans son discours du Caire, a reconnu que les USA avaient organiséet participé à la chute en 1953 - acte de forfaiture dans les relationsinternationales - du gouvernement du président iranien Mossadegh pourtantdémocratiquement élu. Cette «excuse» publique est un acte politique d'unegrande importance. De l'Indonésie, à l'Argentine en passant par le Brésil et leChili, la CIA a été en effet l'opératrice de putschs militaires qui dans laseconde moitié du XXe siècle ont renversé des régimes démocratiquement éluspour les remplacer par des autocraties comme le régime du Shah en Iran ou pardes dictatures.
Israël/Palestine: c'est sur cedossier que l'inflexion de la politique américaine est la plus sensible et,quelque part, la plus surprenante. Depuis la guerre de 1967, le Pentagone et laMaison-Blanche avaient décidé un partenariat militaire et politiqueisraélo-américain qui avait la primauté sur tout le reste de la politiqueétrangère américaine au Moyen-Orient. Toutes les décisions israéliennes étaientsoutenues, les pires, l'objet de vagues réprobations sans lendemain. L'aidefinancière et militaire à l'Etat hébreu ne rencontrait aucune limite. Enréaffirmant avec solennité la nécessite des deux Etats, l'arrêt immédiat descolonisations, le retour aux frontières de 1967 où s'y approchant, Barack Obamaa pris de court un gouvernement israélien qui avait l'habitude depuis plus de40 ans que Washington cède à tous ses caprices et couvre toutes ses exactions.
Lepouvoir israélien inquiet
Benyamin Netanyahou, convoqué il ya quelques semaines à la Maison Blanche, a peut-être enfin compris que laposition américaine n'était pas que rhétorique de façade. Il a très peu demoyens pour tenter un bras de fer avec son puissant allié mais la coalitionqu'il dirige actuellement, la pire formation d'extrême-droite de l'histoire del'Etat hébreu, éclaterait immédiatement au moindre recul, surtout ledémantèlement des colonies installées en Palestine. La position de Netanyahouest d'autant plus difficile qu'il a fait pendant plusieurs mois la sourdeoreille aux conseils pressants d'amodiation de son programme parl'administration américaine. Jusqu'où iront les pressions de la Maison-Blanchesur Israël? L'avenir le dira. Mais il y a d'ores et déjà un second sujetimportant d'inquiétude pour le gouvernement israélien. L'armée israélienne saitdéjà qu'elle peut remballer ses projets de raids aériens sur les installationsnucléaires iraniennes, agression qui aurait mis le Moyen-Orient de nouveau àfeu et à sang. Mais le piège tendu par Barack Obama est peut-être pire qu'iln'y apparaît. La Maison-Blanche souhaite qu'il n'y ait pas de bombes atomiquesiraniennes mais prône en guise de garantie pour Téhéran et pour que la paixrégionale s'installe, la dénucléarisation totale de tout le Moyen-Orient.Israël compris, hypothèse jusqu'il y à peu parfaitement invraisemblable pour lepouvoir hébreu. Les qualités économiques et morales de Barack Obama sontcertainement pour beaucoup à ce nouveau cours de la politique étrangèreaméricaine mais des raisons de fond plus prosaïques en sont le moteur. L'échecde l'«hyperpuissance» américaine avec la politique du «tout militaire» tentéepar George Bush et l'effondrement fin 2008 de l'économie des USA ont amenél'administration à des positions beaucoup plus réalistes. «Americafirst!», Washington reconsidère sa politique extérieure d'abord enfonction des intérêts stratégiques, militaires et économiques des Etats-Unis,dans les conditions du rapport de force actuel. La Chine devient le partenaireprivilégié car l'économie américaine dépend d'elle; on sourit aux Russesparce qu'ils redeviennent des interlocuteurs stratégiques incontournables.Quant au reste du Monde, c'est selon les besoins...
Défensed'abord des intérêts américains
C'est peut-être un peu lesentiment des chefs d'Etat européens les plus lucides après les différentssommets (G20, Otan) et visites du nouveau président américain en Europe.Certes, les discours étaient chaleureux, les propos, généraux, les discours,convaincants. Mais passé le moment de sympathie cordiale, les positions américainessont beaucoup plus crues. Barack Obama aime bien les Européens qui envoient destroupes en Afghanistan, qui intègrent l'Otan sous commandement US et qui necontestent pas la primauté du dollar dans cette phase de récession alors quecette monnaie est en grande partie responsable de la même récession. A laveille de Barack Obama en Allemagne, Angela Merkel n'a pas manqué d'envoyer descritiques feutrées mais fielleuses sur la nouvelle «volonté de puissance» del'administration américaine en matière de politique économique. Et le moins quel'on puisse dire, c'est que les relations Obama-Sarkozy sont diplomatiquement àpeine «cordiales». Pour les cérémonies du débarquement du 6 juin 1944 enNormandie, Barack Obama a exploité la gaffe de Sarkozy qui avait imprudemment«oublié» d'inviter la Reine d'Angleterre, en réclamant formellement saprésence. Il a ensuite décliné une invitation à déjeuner à l'Elysée. Il a tancéle président français sur la question de l'adhésion de la Turquie à l'UE, cequi n'était pas l'objet de la rencontre. Et, affreux affront, il a invitél'ex-président Chirac en visite officielle aux Etats-Unis (et non pasSarkozy)!
Cet affaiblissement relatif del'importance européenne aux yeux des Etats-Unis est certainement conforté parles hésitations actuelles de l'Union européennes. Les hommes politiques vantentà l'envi l'harmonisation réussie des mécanismes économes européens, ils saluentavec émotion la réussite de l'euro mais l'on voit bien, du fait de larécession, que les Etats européens pratiquent dans les faits une«renationalisation» des politiques industrielles et commerciales en vue deprotéger plus efficacement les intérêts particuliers de leur propre pays. UneEurope à 27 apparaît dans les moments difficiles que la planète traverse, deplus en plus difficile à gouverner d'une seule voix.
ans ce cadre un peu morose, la réélection duParlement européen a suscité peu d'enthousiasme et de participation desélecteurs européens. Et les résultats généraux entre les différents courants (largeprééminence des courants conservateurs) n'ont été commentés que pour leursconséquences locales dans les rapports de force gauche, droite, courantécologique, etc., de chaque pays et non pas dans leur dimension continentale.
France:douche écossaise pour le PS
Le paysage politique français aconnu une petite secousse tellurique. Toute petite lorsque l'on sait que cetteélection n'a recueilli que 40% de votants et que le sujet, l'Europe, est loinde passionner les Français. Mais tout de même!72 députés européensdevaient être élus en France. Avec 14députés, le Parti socialiste connaîtl'un de ses plus mauvais scores historiques. Le centriste Bayrou, qui rêvaitd'incarner la synthèse de la gauche et de la droite, s'effondre avec 6 élus,juste deux de mieux que la gauche radicale (4 députés et 11% des voix). L'UMPqui rassemble tous les partis de droite triomphe avec 30 députés, mais ellereprésente moins 30% des voix sans disposer de réserves.
Le triomphateur du scrutin estDaniel Cohn-Bendit, vieille figure franco-allemande de Mai 1968 aujourd'huianarcho-européano-libéral, qui a hissé le mouvement Vert à des sommets: 16,2%des voix et 14 députés, faisant résultat égal avec le PS! Ce dernier payedes années de bisbilles et concurrence acharnée entre ses principaux leaders,l'usure du modèle social-démocrate en Europe et la méfiance des salariés etplus généralement des actifs vis-à-vis des partis.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 11/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com