Algérie

Politique d'audit : Leçons de la crise


Politique d'audit : Leçons de la crise
Notre contribution à  El Watan Economie sous le titre 'Gouvernance des commissaires aux comptes : de l'Europe à  l'Algérie'(2) appelle aujourd'hui une mise à  jour sur la procédure du 'Livre vert.' Même si cette procédure prend place en dehors de nos frontières, il est intéressant d'examiner l'implication de la profession de l'audit dans une économie profondément en crise et qui plus que jamais a de bonnes raisons d'être reconsidérée sur de nombreux aspects comme l'indépendance, les modalités de désignation, les procédures de surveillance et de transparence. La publication du 'Livre vert' est la suite logique que la Commission devait donner après avoir pris en considération les commentaires et réflexions des différents acteurs du marché, notamment les cabinets d'audit. Le sujet attire encore plus l'intérêt dès lors que le 'Livre vert', à  présent publié, sur la politique d'audit et ses relations avec la crise, devrait aboutir à  un projet de loi  qui sera soumis au Parlement européen et au Conseil de l'Union européenne.
Les lobbies vont entretemps continuer selon les intérêts et les enjeux des différents acteurs de la profession de l'audit et surtout selon que les professionnels concernés soient du côté des grands cabinets ou des moins grands, d'autant que le calendrier de prise d'effet reste encore très long. En effet, si pour l'instant le document d'approche générale a été adopté par le Parlement européen, il reste à  la Commission européenne à  formaliser les propositions d'amendement à  la 8e directive  portant sur l'audit des comptes de sociétés qui devront àªtre publiées d'ici la fin novembre 2011.Ces propositions, qui font actuellement l'objet de consultations internes, seront certainement modifiées par le Conseil de l'Union et le Parlement européen, après plusieurs lectures qui ne devraient pas aboutir avant au moins un an, sachant qu'après l'adoption il faudra au moins deux autres années pour une application effective de la nouvelle réglementation, en tenant compte des mesures transitoires. Créer un marché européen de l'audit avec des règles harmonisées Outre que le reproche est fait aux grands cabinets internationaux, communément désignés par 'Big four', de constituer un oligopole, certains défenseurs de la réforme du marché européen de l'audit  leur attribuent la coresponsabilité de la crise financière actuelle, ou du moins celle de ne pas avoir vu venir la crise alors que ces sociétés d'audit sont au premier plan.
L'oligopole constituerait une menace, car les 'Big Fours' qui auditent au moins 80% des sociétés cotées sur les bourses européennes pourraient créer une sérieuse perturbation si l'un de ces cabinets venait à  àªtre en difficulté comme l'a été le cabinet Andersen en l'an 2001. La chute potentielle d'un des 'Big Four' pourrait alors causer beaucoup de tort dans la disponibilité des cabinets, mais également dans le système de confiance autour des informations financières des entreprises et surtout celles du secteur financier.  
Pour ne pas vivre la débâcle qui a suivi le démembrement du cabinet Andersen, la Commission européenne avance l'idée d'un plan de démantèlement des grandes sociétés d'audit, au cas où l'une d'elles serait défaillante.
Les missions conjointes d'audit, qui sont déjà appliquées dans certains pays européens, seraient généralisées avec l'association d'un cabinet qui ne devrait pas àªtre un des 'Big Four'. Ces mesures, y compris le renforcement de l'indépendance par la rotation des mandats avec un changement effectif des cabinets pour vérifier les comptes d'une même entreprise, permettraient,  selon le 'Livre vert', d'ouvrir le marché à  la concurrence. Les 'Big Four' qui jouissent du prestige de leur portefeuille clients, de leur répartition géographique combinée à  des ressources humaines importantes et spécialisées par industrie se défendent évidemment de la position contraire. Les 'Big Four' réfutent ce qu'ils considèrent comme un procès d'intention Certains vont même jusqu'à considérer que la guerre de l'audit a commencé avec comme détracteur la Commission européenne qui a lancé la première attaque avec son fameux 'Livre vert'. Si la plupart des cabinets saluent l'initiative d'une réforme, ils se reprennent vite pour rétablir que les auditeurs ne sont pas à  l'origine de la crise, en désignant les banques comme les seules responsables des 'subprimes' et de la crise de la titrisation. Pour réfuter la concurrence comme solution aux dysfonctionnements du métier de l'audit, ils se défendent que leur situation de monopole bénéficie à  leurs clients et que contrairement aux banques, ces cabinets ne portent pas un risque systémique.
Pour rebondir sur un sujet de crise plus récent, certains fustigent les projets de réformes financières ou structurelles, comme dans le cas de la crise de la dette grecque avec son impact sur la dévalorisation des titres de la dette grecque détenus par les banques, et sur lesquels les auditeurs doivent se prononcer. L'un de ces cabinets, dans sa réponse à  la consultation lancée par la Commission, précisait que le rôle de l'auditeur étant de certifier la conformité des états financiers aux règles comptables, il ne pouvait, dans le contexte actuel, que certifier les pertes reconnues par les banques et non les prédire en désignant les régulateurs comme seuls responsables de la non-prescription de provisions supplémentaires au titre des règles prudentielles. Par ailleurs, les 'Big Four' sont à  l'unanimité contre le projet de la désignation des auditeurs par une autorité, à  l'exception des cas où les régulateurs ont besoin d'avoir l'assurance d'un exercice professionnel sur des métiers spécifiques. Sur ce sujet, ils maintiennent que la prérogative de désignation de l'auditeur devrait rester aux actionnaires au risque de déresponsabiliser ces derniers, dans le cas contraire. Le sujet de la durée des mandats réunit une position quasi commune de ces cabinets qui estiment que la rotation ne sert pas forcément à  améliorer la qualité de l'audit et que de surcroit elle est coûteuse tant l'investissement dans la prise de connaissance de l'entité est important.En France, la Compagnie des Commissaires aux Comptes qui représente l'ensemble de la profession de l'audit légal, a répondu à  la consultation sur les 38 points en discussion en insistant auprès de la Commission européenne sur la nécessité :
- d'une meilleure communication avec les instances de gouvernance des entreprises pour un meilleur alignement de la perception de l'audit et de sa réalité ;
- de la normalisation de l'exercice professionnel avec une adoption urgente des normes internationales d'audit par l'Union européenne ;
- du maintien d'un marché concurrentiel ouvert à  tous les acteurs et quelles que soient leurs dimensions ;
- de maintenir le principe de l'unicité de l'audit, notamment pour les PME. Le Parlement européen a déjà rejeté certaines des propositions de la Commission Le Parlement européen a rejeté les propositions de la désignation et de la rémunération des auditeurs par un organisme régulateur. Ainsi, l'auditeur devrait àªtre désigné par un comité interne à  l'entité avec de préférence une fonction de supervision.
Pour l'instant, le Parlement européen ne se prononce pas encore sur l'obligation de rotation et  celle des audits conjoints dans l'attente des résultats d'une étude d'impact. Afin d'établir les bases qualitatives de l'audit, il a été demandé à  la Commission de soumettre des propositions sur la gouvernance d'entreprise et l'audit, avec une étude d'impact à  l'appui, pour apprécier l'élargissement des diligences de l'auditeur y compris sur les risques liés à  l'information. Par contre, le Parlement acquiesce la séparation des mandats d'audit et des mandats non audit et demande à  la Commission d'établir la liste des services hors audit qui sont incompatibles avec la mission de certification, pour cerner les situations de conflit d'intérêts.La Commission a été également sollicitée par le Parlement pour programmer l'adoption des normes internationales d'audit avec des procédures de supervision harmonisées. Il est considéré, dans ce contexte, que les autorités de supervision devraient intervenir sur la surveillance des proportions d'honoraires par rapport au revenu total des cabinets de manière à  assurer leur indépendance vis-à-vis d'un même client. Combiner un amendement de la  8e directive et une recommandation   Sur les grands principes, les modifications attendues devraient affecter l'audit des grandes sociétés cotées qui devraient àªtre soumises à  un audit conjoint selon les seuils de total de bilan ou de capitalisation de marché. Il est très probable qu'il soit requis que l'un des auditeurs ne soit pas une 'Grande Firme d'Audit', cette dernière étant définie comme titulaire de mandats auprès de sociétés cotées procurant au moins 15% du total des honoraires du cabinet.
Le sujet de la rotation intègre, dans le projet d'amendement, des limitations jusqu'à neuf ans, y compris la nécessaire rotation du professionnel signataire, avec une très probable mise en veille de la firme sur toute l'Europe en fin de mandat pour un certain nombre d'années (quatre sous le projet.) La sélection des cabinets d'audit devrait àªtre examinée par les comités d'audit  et les clauses, dans les appels d'offres, favorisant les 'Big Fours' ne devraient pas àªtre admises. Par contre, les régulateurs des secteurs banques et assurance devraient pouvoir exercer leur opposition à  la désignation des cabinets retenus. Il existe parallèlement un grand nombre d'autres sujets comme la supervision du montant des honoraires, l'exercice de la profession au sein de l'Union européenne, la délivrance d'un certificat de qualité  et la supervision de  la profession par des autorités de chaque pays qui devraient se regrouper au sein d'un collège de superviseurs européens. La portée de cette réforme et les ambitions sont tellement nombreuses, qu'il faudra attendre, après la publication de la directive amendée, au moins deux années d'implémentation effective, le temps de gérer à  titre transitoire l'en-cours de mandats, à  moins que les cabinets n'anticipent, notamment au moyen des lobbies qui ne manqueront pas d'ici l'adoption de la nouvelle réglementation.        

(1)Rapport de discussion intégrant une procédure de consultation au niveau européen .
(2)El Watan Economie du 13 décembre 2010.
 
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