Algérie

Poésie de Karima Kebir Un savoureux mélange de poèmes en prose


Publié le 27.11.2023 dans le Quotidien l’Expression
Vous voulez une autre preuve de romantisme? Allez sur n’importe quelle page. Mais allez surtout à la page 34…

Les billets doux est le titre choisi pour son livre où se mêlent sentiments, rêves, poésie et prose. C'est un livre que l'on peut lire comme une correspondance dont le destinateur et le destinataire ne sont qu'une seule et même personne. Ou bien tout simplement comme un recueil de poèmes en prose ou l'auteur donne libre cours à sa verve.
Quoi qu'il en soit, de quelque côté qu'on veuille le prendre, ce livre séduit, passionne, émeut comme toute oeuvre littéraire bien faite.
Qui en est le destinataire?
Une question qui ne manquera pas de se poser: billets doux pour qui? Vient tout de suite la réponse: ce sont des billets doux destinés au lecteur. C'est, honneur et bonheur mêlés, pour lui que sont rédigés dans la fièvre de la passion les 61 lettres d'amour. En bref: «Un tête-à-tête romantique» comme l'écrit page 68 notre jeune Sévigné.
Quand on sait que «Chacun de nous possède en son coeur un coffret», (p.37), le doux tête-à- tête n'en prend que plus de saveur.
Vous voulez une autre preuve de romantisme? Allez sur n'importe quelle page. Mais allez surtout à la page 34. Vous connaissez Le lac de Lamartine. Eh bien notre billetiste a le sien et il est aussi «majestueux» ainsi qu'elle l'intitule.
«Silencieusement, nous glissons sur ce lac...» Il y a beaucoup de tendresse naturellement, comme dans la page 78 «Tandem d'amour que la fébrile cadence du coeur dépasse.» Mais bientôt l'absence s'installe et ce sont des soupirs et des larmes. Les pages en sont imbibées. Car se tête-à- tête n'est pas éternel.
Comment lire ce livre-recueil
À chacun d'adopter la méthode de lecture qui lui plait: dévorer d'un seul coup l'ouvrage, comme font les gros gourmands ou mettre du raffinement dans sa lecture, en prenant chaque soir un billet et en s'attardant à chaque mot, à chaque phrase pour lui arracher son sens le plus secret, le plus intime. L'auteure ne raconte pas d'histoire. Il n'y a pas de lien apparent entre les pages. On peut lire chaque billet séparément.
D'ailleurs, aucune date n'en indique la rédaction. Sur quel élément s'est fondé l'ordre chronologique de ces billets doux? Dans son court préambule, leur auteur n'en dit pas un mot.
Mais il semble qu'il y ait un lien né peut- être de notre imagination.
Le fait est que lorsqu'on s'immerge dans cette fiction où l'on devine quand même qu'il y a du vrai, car au fond, le principal héros est le narrateur qui n'est autre que l'auteure, on découvre petit à petit qu'il y a un petit cheminement vers la fin, qui arrive sur une note d'espoir.
On pense que l'héroïne de ce livre est depuis le début de cette belle romance en quête de quelque chose et qu'à la fin, elle est sur le point de réussir. L'amour? Bien sûr. Il constitue la substance de ce court ouvrage. Mais le doute aussi, l'inquiétude et l'angoisse qu'il suscite, et la fin, la lueur d'espoir qu'il permet d'apercevoir dans le long tunnel que la voyageuse traverse.
Le mot chez Kebir est toujours à sa place et la phrase toujours élégante et harmonieuse. C'est par cet aspect essentiellement littéraire que le livre s'impose surtout. On l'aime, parce que le texte est vivant et plein d'attraits.
Une chose le rend encore plus gai: l'illustration. Chaque billet est illustré de façon artistique, magistrale. Non seulement, ces jolies figurines sont une aide précieuse pour éclairer le sens du texte, mais à le rendre plus attrayant.
Un sot, naturellement, peut trouver le livre mince. Ce ne serait pas la première depuis que la littérature existe. On l'a dit récemment d'Annie Ernaux, prix Nobel pour ces derniers romans, dont le dernier ne dépassait pas la cinquantaine de pages. Si on le disait de l'auteure des billets doux qui font 85 pages, ce ne serait donc pas une nouveauté.
D'ailleurs, par définition, Les billets doux excluent toute velléité d'étalement et de longueur. Pourquoi ce que ce genre se refuse dans sa forme journalistique ou littéraire, l'accepterait-il dans celle de l'ouvrage qui les réunirait? Plus volumineux, Les billets doux de Karima Kebir n'auraient pas nui à cette exigence de concision qui les définit essentiellement?
Comment en avons-nous entendu parler pour la première fois?
C'est par le mari que nous avons entendu parler d'elle et de son livre. Le recueil de ces poèmes en prose qui peuvent se lire effectivement comme autant de billets doux a tout de suite éveillé notre curiosité comme toute chose nouvelle, mais, faute d'occasions, livre et auteur nous sont demeurés longtemps inconnus. Un jour, en arrivant à la cellule de communication de la wilaya, on nous remet une grande enveloppe.
À l'intérieur, il y avait Les Billets doux. En vérité, nous étions prévenus de cette délicatesse. Le mari nous a avertis que nous allions avoir un exemple de ce recueil. Ce que nous ne savions pas, c'est qu'il allait transiter par la cellule.
Par la suite, nous avions rencontré l'écrivaine qui est native d'Alger, ainsi que son mari, au moins deux fois.
À la maison de la culture où elle a organisé une vente-dédicace de son livre en compagnie de sa fille, une lycéenne, à l'époque, et une autre encore à la bibliothèque principale où elle a présenté son livre et où elle a été honorée. Nous avons pu bavarder, alors, un instant, autour de son livre et de son ambition qui était de ne pas s'arrêter à mi-chemin, maintenant que ce livre lui ouvrait la voie vers la carrière littéraire. Ce que l'on peut dire pour conclure est que ce livre plein de charme et de force nous a fortement ému et qu'on aimerait en lire d'autres de la même main.

Les Billets doux est édité chez Dar El Adib
Ali DOUIDI

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