Algérie

Plutôt les étoiles



Pourquoi ne pas tourner nos regards en direction des étoiles dès lors que tout, dans cette existence, est appelé à disparaître à tout jamais ' », lançait le grand romancier russe Boulgakov (1891-1940), à la fin de son non moins grand roman Le maître et Margueritte. Si le violent désir de triompher de certaines bassesses de la quotidienneté se trouve bien mis en relief dans toutes les littératures, il fait parfois l'objet d'une recherche volontairement articulée, maladive, par quelques écrivains de renom, sans que ces derniers ne puissent pour autant en connaître la véritable charge émotionnelle et en deviner les résultats.Ainsi, dans son célèbre roman De sang-froid, Truman Capote (1924-1984), mène une enquête d'écrivain-clinicien sur deux assassins ayant massacré tous les membres d'une famille dans l'Etat de l'Arkansas. Le succès est aussitôt fulgurant, sans égal dans l'histoire de la littérature américaine. Mais, le jour où ce même écrivain est invité à assister à l'exécution des deux criminels, il fond en larmes, découvrant ainsi qu'il a été là où il ne fallait pas aller. Du reste, Capote a sombré depuis dans l'alcool au point de mourir de délirium tremens. C'est qu'on ne sort pas toujours indemne après avoir longtemps flâné et farfouillé dans les banlieues glauques de l'être humain.Arthur Koestler (1905-1983), dans un livre cosigné avec Albert Camus (1913-1960), La guillotine, va jusqu'à plonger dans le corps du supplicié, pendant et après l'exécution. Rien n'y fait, la violence reste égale à elle-même, alors que les étoiles nous invitent cependant à les contempler dans leur firmament.Pourtant, le génie créateur de l'homme, qui s'adapte très bien à toutes les situations extrêmes, est, dans son essence, une fuite créatrice vers tout ce qui est beau. Mathématiciens, compositeurs, peintres, romanciers, poètes et autres créateurs sont en perpétuelle fuite, nous le savons bien. Ce n'est pas le ciseau qui fuit d'entre les mains du sculpteur, c'est plutôt la pierre qui se confond avec celui-ci pour offrir un autre visage de l'être humain, un visage hautement plus noble.Certes, on ne peut cloisonner la création littéraire, mais, en contrepartie, on ne peut pas lui demander de transgresser certaines sensibilités, même si certains créateurs sont en mesure de transmuter la méchanceté en quelque chose de beau et de lui permettre, en quelque sorte, une échappée vers les étoiles.Depuis Socrate, condamné à prendre la ciguë, jusqu'à Truman Capote, plongé dans les tréfonds de l'être humain, l'exécution du supplicié, bandit fût-il ou intellectuel, touche l'homme au plus profond de son être.Il y a lieu de se demander si l'humanité marche vers un esprit de pur syncrétisme qui ferait le bonheur d'une simple minorité, ou encore vers une voie de non-retour, celle d'une violence masquée comme cela se fait encore, à titre d'exemple, dans l'Etat du Texas de nos jours ' Et il y a toujours lieu de s'interroger sur la possibilité d'une adéquation entre la littérature et le mal, même si la copie de ce dernier s'annonçait toujours terne et fumeuse.


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