Algérie

Plus rien à cacher !



Plus rien à cacher !
Tout le monde commence à se rendre à l'évidence, pour reconnaitre que la préservation de la vie privée devient une mission presque impossible au fur et à mesure de l'évolution des nouvelles technologies et notamment de l'usage du réseau internet. Dans le contexte actuel traversé par l'affaire des écoutes révélées par l'ancien agent des renseignements américains, les langues se délient et les pratiques se découvrent. Dernier épisode en date à alimenter les chroniques de presse, ce fameux téléviseur intelligent de LG qui s'occupe de balayer toutes les données privées mises sur son passage, à l'insu et contre la volonté de ses propriétaires. Ils n'en croyaient ni ses yeux ni ses oreilles, ce bloggeur anglais qui a décidé de tout mettre en public et de demander des explications au constructeur LG ; « LG (Lucky-Goldstar), tel que le présente l'encyclopédie Wikipedia, est un chaebol (conglomérat industriel sud-coréen), spécialisé dans l'électronique (dont la domotique), les téléphones portables, l'air climatisé (troisième entreprise mondiale), le petit électroménager et depuis 2008 les Business Solutions (solaire, sécurité). » Au courant de la dernière semaine de novembre écoulé, la presse internationale rapporte donc l'histoire de ce jeune bloggeur qui a découvert que le nouveau téléviseur intelligent de marque LG qu'il venait d'acquérir obéit à de drôles de commandes. Le petit écran se chargeait en effet de collecter les informations sur les programmes regardés par le bloggeur et sa famille, en dépit du fait qu'il a procédé à la désactivation de l'option de collecte des données. Le bouton prévu à cette fonction devait servir au constructeur à engranger des informations sur le mode de consommation des programmes télévisuels pour des besoins de ciblage publicitaire. Une pratique somme toute assez répandue au point de devenir une banalité marketing. ­­­­­Non seulement ce jeune consommateur anglais apprend que les programmes qu'il regarde sont systématiquement signalés au constructeur LG, par exemple, mais, raconte le quotidien français Le Figaro sur son site internet, lorsqu'il s'avise de jeter un ?il sur la liste des informations enregistrées par le téléviseur, « ce développeur informatique découvre des noms de fichiers personnels, présents sur une clé USB qu'il avait branchée sur sa télévision afin de les regarder sur grand écran », ce qui laisse exploser son indignation : « Ma femme était choquée d'y voir les noms de nos enfants, juste parce que nous avions regardé une vidéo filmée à Noël sur notre télévision ». Furieux, il lance une alerte sur les réseaux sociaux, pour créer un buzz et susciter la réprobation de ces pratiques, en même temps qu'il s'adresse au service commercial de LG pour explication. Naturellement, d'après ce qu'en relèvent les différents titres de la presse internationale, la firme a été contrainte de reconnaître les faits et d'admettre que ses « jojo » collectaient bien des données personnelles en nuançant que « la démarche en question est destinée à améliorer la pertinence du moteur de recommandation, et non pas à des fins publicitaires, et que les données récoltées ne sont en aucune façon stockées sur ses serveurs », selon le site Zone numérique. LG a précisé, ce faisant, que les données collectées étaient anonymes et que celles « récoltées sur les supports externes, comme les clés USB ou les disques durs externes, serviraient à LG à améliorer de nouvelles fonctions qui pourraient être installées ultérieurement sur les Smart TV. » Bien entendu que la fin de l'histoire survient après les excuses de LG « pour les désagréments causés au bloggeur » et ses assurances aux consommateurs de « travailler pour améliorer la qualité de service ». L'affaire aurait pu être rangée dans la case des faits divers si elle n'était pas survenue dans un contexte de grandes inquiétudes sur le devenir de la vie privée, et de débats de plus en plus sceptiques des spécialistes forcés d'admettre que les limites de la vie privée ne cessent de s'atténuer au fil du développement des nouvelles technologies et de la toile internet. Parmi les pères fondateurs du web, l'ingénieur américain Vinton Cerf, recyclé chez Google où il officie comme « futurologue », en est arrivé à cette pointe extrême de scepticisme, en déclarant récemment selon le site www.atlantico.fr/que « conserver une vie privée sur Internet ne sera plus la norme, et que ce sera à l'avenir un objectif quasiment inatteignable. Les réseaux semblent bien avoir jeté l'idée de vie privée aux oubliettes ». Si Internet suscite autant de craintes sur la protection de la vie privée, les experts tiennent à souligner que le réseau n'est pas seul en cause et que la chasse aux données privées se pratique quotidiennement et partout, même en hors connexion. Expert français en médias et web sociaux, Fabrice Epelboin, qui participait à un débat organisé par le site atlantico.fr relie le danger au contexte plus général des systèmes d'information qui se déploient dans pratiquement toutes les activités de la vie quotidienne. Ainsi, explique-t-il, « votre téléphone portable ? fut-il de première génération ? ou votre carte bancaire, par exemple, sont tout autant coupables que votre connexion internet ». Il trace ensuite un itinéraire des plus normaux de la plupart des citoyens qui peut commencer par « aller faire des courses au supermarché, et là », ajoute-t-il, « l'opérateur téléphonique retiendra dans ses infrastructures informatiques mon déplacement, par l'intermédiaire des antennes 3G qui accrocheront' mon portable tout au long du trajet ». Ce n'est que le début puisque, continue-t-il, « une fois mes courses effectuées, le GIE Carte Bleu ainsi que ma banque retiendront cet élément de ma vie privée. Monoprix ? dont je possède une carte de fidélité ? aura de son côté un inventaire complet de mes emplettes, lui permettant de savoir une multitude de choses à mon sujet ». Ce trésor de données sera ensuite mis en exploitation « avec une multitude d'acteurs, une pratique courante avec les cookies sur internet, mais qui n'a pas attendu internet pour exister ». Tout ce que vient de raconter l'expert se passe en dehors de tout contact avec Internet, avant de dévoiler ce qui l'attend, une fois connecté : « Une fois connecté (en rentrant du supermarché, donc), l'historique complet de mes navigations est conservé dans les datacenters de mon opérateur internet, et un nombre important de mes documents situés dans "le cloud", c'est à dire dans d'autres datacenters, sont visibles de tout un tas d'entreprises, et ceci n'est qu'un tout petit aperçu des données "intimes" que je disperse en utilisant internet ». Selon M. Epelboin, les coupables peuvent être nombreux, et les cybercriminels n'en constituent pas une plus grande proportion. Il désigne parmi les acteurs des différentes chasses aux données privées, « les entreprises, qui cherchent à affiner leur marketing à travers l'analyse de ces données personnelles, et les Etats, qui cherchent à anticiper et comprendre les changements au sein du social afin de maintenir une certaine forme de stabilité sociale et lutter contre tout ce qui peut y porter atteinte, ainsi qu'à faire de l'intelligence économique, et, accessoirement, à lutter contre le terrorisme, ce qui est en général la raison invoquée pour justifier cette surveillance ». Dans ce contexte, les révélations de Snowden n'ont pas épargné les renseignements français dont les techniques et les méthodes en la matière semblent avoir fait leurs preuves. S'appuyant sur des informations de la presse allemande, le site atlantico.fr, explique ainsi que si un internaute français est client « chez un opérateur internet "partenaire" de la DGSE ? comme l'a révélé récemment le Guardian ? alors c'est la totalité des informations non chiffrées qui transitent entre votre machine et internet qui est analysée et qui alimente un "super profil" contenant une quantité astronomique de données vous concernant, vous, ainsi que vos relations ». Bien plus, explique le site, « en vertu des accords "Lustre" signés par la France en 2010 - comme l'a révélé le mois dernier la presse allemande - sur la base de documents fournis par Edward Snowden - ce sont aussi bien les services secrets anglais que la NSA qui peuvent potentiellement avoir accès à tout cela ». C'est pour cela, entre autres, que les regards se tournent actuellement plus vers le réseau internet accusé d'être la véritable porte ouverte sur les atteintes les plus graves aux informations personnelles et aux données privées.




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