Au lendemain de la fin de l'état d'urgence en Syrie, des dizaines de
milliers de manifestants sont sortis dans les grandes villes du pays pour
réclamer des réformes politiques profondes et le changement de régime.
La réponse du pouvoir syrien a été sanglante: au moins 82 morts. Et,
samedi, les tueries se poursuivaient dans ce pays touché par la vague de
changements politiques qui lamine plusieurs pays arabes.
Samedi, au moins onze personnes ont été tuées par balles lors des
funérailles des victimes de la répression féroce, la veille d'imposantes
manifestations hostiles au régime, qui a suscité l'indignation de la communauté
internationale. Des dizaines de milliers de Syriens en deuil participaient aux
obsèques, notamment à Douma, à 15 km au nord de Damas, et dans la province de
Deraa où est née la contestation à 100 km au sud de la capitale syrienne. A
Douma, cinq personnes ont été tuées par des tirs de «francs-tireurs» postés sur
des immeubles au passage du cortège funèbre qui se rendait de la mosquée au
cimetière, selon un témoin et un militant des droits de l'Homme. Dans la région
de Deraa où est né le mouvement de contestation, cinq personnes ont été tuées
samedi «par les forces de sécurité qui ont tiré à balles réelles sur les
habitants se rendant vers Ezreh pour assister aux funérailles ainsi que devant
l'hôpital de Deraa», a indiqué un autre militant.
Un vendredi saint sanglant
Au lendemain de la levée de l'état d'urgence, les forces de sécurité
syriennes ont ouvert le feu vendredi pour disperser les dizaines de milliers de
manifestants qui réclamaient la chute du régime, le gouvernement ayant mis en
garde contre toute manifestation organisée sans autorisation. Le vendredi 22
avril, qui devait être un ‘'vendredi saint'', s'est transformé en massacre.
Plus de 80 personnes ont été tuées et des centaines blessées dans l'une des
pires répressions des manifestations contre le régime, selon un nouveau bilan
donné samedi par des militants des droits de l'Homme qui ont averti qu'il (le
bilan) risquait encore de s'alourdir. Le Comité des martyrs de la Révolution du
15 mars, un groupe de militants formé pour recenser les victimes du mouvement
de contestation, a publié une liste nominative de 82 personnes tuées par les
tirs des forces de sécurité, dont des enfants et personnes âgées. Il a affirmé
procéder à des vérifications, notamment à Lattaquié, principal port syrien à
350 km au nord-ouest de Damas, où «le bilan pourrait être très élevé». Un autre
groupe de militants des droits de l'Homme fait état de 92 morts dans un
communiqué mis en ligne sur Internet. «Les forces de sécurité ont commis au 39e
jour de la révolution bénie un massacre terrifiant contre le peuple héroïque
syrien qui a manifesté pacifiquement pour obtenir ses droits légitimes à la
liberté et la justice», écrit le Comité des martyrs de la révolution du 15
mars, date du lancement du mouvement de contestation sans précédent contre le
régime. Il a fait état de «centaines de blessés et disparus» et accusé les
autorités «de terroriser et menacer les familles des victimes et d'enlever les
corps». «Des dizaines de blessés sont dans un état critique», a-t-il ajouté. Il
s'agit de l'une des journées les plus sanglantes depuis le 15 mars. Le 23 mars,
plus de 100 personnes avaient été tuées à Deraa, au sud de Damas, par les
forces de l'ordre. Le Comité des martyrs du 15 mars souligne, par ailleurs, que
c'est dans la localité d'Ezreh, dans la région de Deraa (au sud de Damas) où
est née la contestation, que le bilan a été le plus lourd: 21 morts. Dans la
province de Damas et celle voisine appelée Rif de Damas, 41 personnes ont péri
dont 11 dans la localité de Maadamiya. Un bilan lourd également à Homs, dans le
centre du pays, où 16 personnes sont mortes. Trois manifestants ont aussi été
tués à Hama, 210 km au nord de Damas, et un à Lattaquié où, selon le groupe,
«le bilan des martyrs risque d'être très lourd». La veille, le Comité syrien de
défense des droits de l'Homme, basé à Londres, avait fait état de «72 morts
jusque-là» et Amnesty International, citant des militants locaux, avait parlé
d'au moins 75 morts sous les balles des forces de sécurité. De son côté,
l'agence officielle syrienne Sana a fait état de dix morts et une trentaine de
blessés, dont des membres des forces de sécurité dans des attaques de «groupes
criminels armés» à Ezreh, Homs et Damas. Selon la version officielle syrienne,
les forces de l'ordre sont intervenues avec des gaz lacrymogènes et des canons
à eau uniquement pour empêcher des heurts «entre certains manifestants et
citoyens» et «protéger des biens privés». Le régime attribue, depuis le 15
mars, les violences à «des gangs criminels armés».
Le régime syrien au banc des accusés
Par ailleurs, deux députés syriens indépendants, Nasser Hariri et Khalil
Rifaï, ont déclaré samedi en direct à la télévision al-Jazira avoir démissionné
du Parlement pour protester contre la répression sanglante des manifestations.
«J'annonce ma démission du Parlement», a déclaré à l'antenne M. Rifai,
élu de la ville de Deraa (sud), l'un des foyers de la contestation du régime.
Il a expliqué son geste par son impuissance à «protéger les gens qui (l') ont
élu». Peu auparavant, M. Hariri, lui aussi élu de Deraa, a également annoncé sa
démission sur la chaîne, avançant le même motif. «J'appelle instamment le
président (Bachar al-Assad) à intervenir», a-t-il déclaré. Cette sanglante
répression des manifestations demandant des réformes politiques en profondeur en
Syrie, vendredi, a été fermement condamnée samedi par la communauté
internationale qui
a appelé le président Bachar Al Assad à cesser de recourir à la violence.
De Washington à Moscou, en passant par l'ONU, les chancelleries ont réagi
vivement, parfois avec indignation, après la dispersion à balles réelles par
les forces de l'ordre syriennes de ces manifestations dans plusieurs villes du
pays. Les Etats-Unis ont condamné, dès vendredi soir, «dans les termes les plus
forts, le recours à la force par le gouvernement syrien contre des
manifestants». «Ce recours révoltant à la violence pour lutter contre des
manifestations doit cesser immédiatement», a déclaré le président Barack Obama.
Il a, par ailleurs, estimé que ces violences démontraient que l'annonce par le
régime de la levée de l'état d'urgence n'était pas «sérieuse». La France, par
le biais de son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, a condamné «la
répression aveugle et brutale» lors de manifestations et appelé les autorités
syriennes «à renoncer à l'usage de la violence». «Les responsables et les
auteurs de ces crimes devront répondre de leurs actes», déclare le ministre.
L'ONU a lancé un appel analogue, condamnant «la violence récurrente» du
gouvernement syrien «contre les manifestants pacifiques». Le secrétaire général
de l'ONU a lancé un appel pour que cette violence cesse immédiatement et répété
sa demande «d'une enquête indépendante, transparente et efficace sur les
raisons des tueries». Jugeant «inacceptable» que les forces syriennes de sécurité
tirent sur la foule, Londres a accusé Damas de «meurtres». La Russie, de son
côté, a appelé à une accélération des réformes en Syrie et exprimé ses
inquiétudes pour les «personnes innocentes», victimes de «souffrances».
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 24/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Alilat
Source : www.lequotidien-oran.com