«Plus de 55% des logements sont vétustes» ABDELHAMID BOUDAOUD, PRESIDENT DU COLLÈGE NATIONAL DES ARCHITECTES À L'EXPRESSION

La question du logement et l'état de vétusté dans lequel se trouvent des milliers d'immeubles, préoccupe de plus en plus les citoyens qui redoutent une catastrophe en cas de violent séisme. Dans cet entretien, Abdelhamid Bendaoud nous parle du vieux bâti et des raisons qui ont précipité le vieillissement du parc immobilier et l'ont sérieusement affecté.
L'expression: L'Algérie est confrontée, présentement, à un curieux dilemme. D'un côté, elle doit faire face à la demande sans cesse croissante, en construisant chaque année 200.000 logements. De l'autre, elle est obligée de consacrer une énorme enveloppe pour rénover tous les immeubles déclarés vétustes. Selon vous, y a-t-il crise ou pas'
Abdelhamid Boudaoud: Si l'on se réfère aux sept millions de logements que compte, actuellement, le parc national et au TOL, c'est-à-dire le Taux d'occupation par logement qui est de 5,2 personnes en moyenne, forcément, il n'y a pas crise. Or, la situation est beaucoup plus complexe. La réalité est que des dizaines, voire des centaines de milliers de familles occupent des appartements de deux ou trois pièces. Ce qui donne des TOL très élevés, parfois supérieurs à 10 personnes. A l'inverse, il y a des Algériens qui possèdent plusieurs logements souvent inoccupés ou fermés. Le vrai problème, c'est le vieux bâti et tous ces immeubles qui menacent ruine.
Ne pensez-vous pas que le vieux bâti constitue une réelle menace, surtout après les derniers séismes qui ont ébranlé durement les vieux immeubles'
C'est vrai que les derniers séismes ont affecté des milliers d'immeubles, et ébranlé très sérieusement leurs assises, mais à mon avis ils ne constituent qu'une partie du problème. Si aujourd'hui la plupart des immeubles à usage d'habitation sont vétustes c'est uniquement parce qu'ils ne sont pas entretenus et que les locataires n'en prennent pas suffisamment soin et manquent souvent de civisme. Lorsqu'on construit impunément sur les terrasses et procède à des travaux sans consulter au préalable un expert, bien sûr qu'il y a danger. Savez-vous qu'une habitation c'est comme un bébé' Elle a un carnet ou un livret de soins où sont mentionnées toutes les tâches auxquelles les locataires doivent s'atteler pour l'entretenir et prolonger, du coup, sa durée de vie.
Sur les 7 millions de logements répertoriés à l'échelle nationale, d'aucuns affirment que près de la moitié ont été déclarés vétustes. Quel est votre avis'
Je dois tout d'abord vous rappeler que le nombre de logements recensés à travers le pays en 1962, c'est-à-dire à la date de l'Indépendance, était de 1.900.000 unités qui se composent comme suit: Alger: 610.000, Oran: 435.925, Constantine: 600 125 et le Sud: 154 262. 40% de ces logements avaient entre 15 et 40 ans d'âge, 57,5% avaient entre 10 et 20 ans et 2,5% avaient dépassé la centaine.
De 1962 à 2003, l'Algérie a construit environ 5 millions de logements. Pour répondre à votre question, je dirai que plus de la moitié, autrement dit 55% des logements environ, sont vétustes. Il n'y a pas que les constructions sur les terrasses, l'augmentation du TOL, l'absence de concierges qui assuraient leur entretien et veillaient à la propreté et au respect du livret d'entretien comme cela se fait dans d'autres pays, sont des facteurs aggravants qui ont accéléré l'usure des habitations et les ont, à la longue, fragilisés.
Pouvez-vous nous citer les immeubles et édifices publics qui ont plus de cent ans d'âge'
Il y a tout d'abord la prison d'El Harrach qui date de 1852, il y a ensuite, l'hôpital Mustapha qui existe depuis 1856, suivi de l'hôpital Maillot en 1870, le Sénat et la Cour d'Alger en 1900 et l'Université d'Alger en 1909. A cela s'ajoutent de nombreuses demeures et établissements scolaires qui ont atteint ou dépassé un siècle.
Pourtant, il est fait obligation aux institutions de procéder à des expertises régulières des édifices sous tutelle de l'Etat.
Il n'y a ni expertise, ni comme je viens de le préciser, de livret d'entretien des immeubles. Il faut d'abord avoir un livret de santé, qui nous permet de faire un diagnostic de l'immeuble, à savoir la vérification de la rampe d'escalier, considérée comme l'endroit le plus fragile en cas de séisme, notamment, des caves pour savoir si elles ne sont pas inondées, des balcons s'ils ne sont pas fissurés et risquent de s'effondrer, etc. Nous obtenons alors une grille de vétusté des lots des corps d'Etat secondaires.
Nous passons, ensuite au livret d'entretien où sont mentionnés les travaux à effectuer périodiquement. Pour vous donner une idée, sachez que la durée de vie de la tuyauterie est, en moyenne, de 20 ans et qu'en Algérie, elle n'excède pas les 10 ans. Pour la peinture, c'est 10 ans et la menuiserie 25 ans.
Rares sont les immeubles et habitations qui respectent ces durées. C'est pourquoi, on se retrouve avec des immeubles qui n'ont jamais été repeints depuis qu'ils ont été livrés ou réceptionnés.
Un mot pour conclure'
Ceux qui sont intéressés par l'achat d'un logement doivent faire très attention, en tenant compte de la durée de vie de la plomberie, des installations électriques et du gaz etc., qui doivent être déduites de la somme totale, avant d'officialiser la vente.