Algérie

Plus d'un millier d'étrangers arrivés par le poste de Deb Deb (Illizi) : Accueillis à bras ouverts



Plus d'un millier d'étrangers arrivés par le poste de Deb Deb (Illizi) : Accueillis à bras ouverts
Photo : Fouad S. Fuyant les troubles qui ensanglantent la Libye, des ressortissants algériens et des centaines d'étrangers continuent d'affluer au poste frontalier de Deb Deb dans la wilaya d'Illizi. L'Algérie, terre d'hospitalité, accueille à bras ouverts ces hommes et ces femmes qui ont tout laisssé derrière eux. Dès le 24 Février, un comité a été mis en place par la wilaya pour gérer cette situation exceptionnelle. L'Armée, la Protection civile, le Croissant Rouge ont mobilisé leurs troupes pour venir en aide à ces citoyens du monde et leur permettre de rentrer chez eux dans les meilleures conditions. Nos reporters sont revenus avec des témoignages poignants. Comme toutes les localités lointaines du Sahara, Deb Deb a un air de bout du monde. Il faut  quitter le chef-lieu de wilaya Illizi et parcourir 550 kilomètres pour y arriver. Une route rectiligne qui n’a pas le charme fou des paysages de Tamekrest que découvre le voyageur en route vers Djanet.La wilaya d’illizi compte trois daïras aux vocations affirmées. Djanet est touristique, Illizi est administrative et In Aménas, la plus proche de Deb Deb (220 km) est parsemée de bases pétrolières et de champs gaziers. Une région targuie   dont la toponymie se décline en tamahek.  Aménas désigne dans ce dialecte amazigh la petite assiette en bronze qu’on accroche aux chameaux et Tigentourine le nom de ces superbes dunes qui brisent l’uniformité du paysage à une vingtaine de kilomètres au sud d’In Aménas n’est que le pluriel de Taguentourt, une colline. La wilaya d’Illizi partage sur 1200 km des frontières avec la Libye. Trois postes frontaliers assurent le passage des voyageurs.  On peut rejoindre les deux villes, Ghat et Ghadamès les plus proches  de l’Algérie à partir de Tinalkoum, Taret et Deb Deb. Au niveau de cette dernière, la ville de Ghadamès n’est qu’à 10 km. Lounas  Ammar (FLN), deuxième vice-président de l’APC, parle des villes libyennes comme on évoquerait des quartiers voisins. «C’est banal pour la population estimée à 4138 personnes vivant surtout d’élevage de caprins, de se rendre au marché du mardi où on peut trouver de la farine moins chère, des légumes et du poisson frais». Les rivages de Tripoli sont à moins de 700 km alors que Ouargla est distante de ….. 1082 km. Ces derniers jours, les automobilistes libyens viennent faire le plein de l’autre côté. Un homme dont la femme est sur le point d’accoucher n’hésiterait pas à transporter celle-ci à l’hôpital de Ghadamès  plus équipé et pourvu de spécialistes étrangers. Celui d’In Aménas  est déjà trop loin. Comme dans toutes les zones frontalières, les familles ont des relations enchevêtrées. Ceux qui traversent le poste de Deb Deb sont  surtout des habitants et des travailleurs qui arrivent d’autres régions d’Algérie pour aller rejoindre  leur travail ou commerce en Libye», nous dit un policier de la PAF. Par contre, un autre flux de voyageurs s’est considérablement tari. Jusqu’au milieu des années  90, on se rendait en Libye comme en Europe ou au Maroc pour acheter et revendre des habits, de l’électroménager et tous les produits introuvables sur le marché national. «Aujourd’hui, l’Algérien trouve tout chez lui mais ce n’est pas la seule raison», explique un jeune qui s’est reconverti comme tant d‘autres comme chauffeur taxi  clandestin. «Au change parallèle, un dinar libyen dont le coût fluctue  entre 70 et 78 DA, on est perdant».  Désormais, on  se rabat surtout sur des portables achetés en Libye pour l’équivalent  de 3000 DA, se revendent entre 5000 et 6000 DA.  L’EAU ET LE DRAPEAU En cette fin d’après-midi lumineux du  mercredi 2 mars, ceux qui franchissent le poste frontalier n’ont rien ni des uns ni des autres. Pour la plupart, ce sont des travailleurs égyptiens  qui quittent le pays voisin en proie à des troubles. Ils arrivent en groupe de vingt à trente traînant de gros sacs ficelés et pour certains des appareils électroménagers. Personne n’accable le peuple libyen qui serait «très hospitalier et accueillant». Dès le 24 février au niveau de la wilaya d’Illizi, un comité a été mis en place pour gérer cette situation exceptionnelle. La situation n’est en rien comparable pour le moment à ce qu’on voit sur les frontières tunisiennes. Ni bousculades ni cohues. Les villes telles que Ghadamès n’ont pas connu des soulèvements aussi graves que ceux de Benghazi ou de Zouara situés plus au nord. En Algérie, l’Armée, la Gendarmerie, la Protection civile, le Croissant rouge et l’administration se sont mobilisés pour accueillir  ceux qui quittent le territoire libyen.  «On ne sait pas comment les choses vont évoluer, nous dit M. Sahnoun attaché au cabinet du wali.C’est lui qui s’exprime au nom de cette «cellule de suivi, d’animation» enchaîne réunion sur réunion et se démène dans tous les sens. Dès que, rapidement les formalités d’entrée sur le territoire national effectuées, on offre des bouteilles d’eau à ces étrangers. Les policiers ou les douaniers redoublent d’attention. Ils n’ont pas assez de mots, de gestes pour rassurer, soutenir. Une phrase revient souvent à l’endroit des uns et des autres, notamment des Egyptiens. «Vous êtes chez vous, dans votre second pays». Visiblement ceux-là sont ravis. Le fameux match pour la qualification au Mondial 2010  a  quelque peu détérioré les relations entre les deux peuples. Beaucoup d’entre-eux enroulent le drapeau algérien autour du coup et se font photographier avec des policiers, des douaniers ou de simples citoyens de passage. «Je dirai tout le bien que je pense de l’Algérie et des Algériens dès mon arrivée à l’aéroport», jure Aymene. «Je me sens heureux», lance un autre qu’on croirait d’abord Slave. Rafik Fouad est un chauffeur et arrive de Zenten où, selon lui, «la situation est hors de contrôle». Son témoignage fait rire. «Avec tout ce qui a été tiré, on aurait pu libérer le monde arabe … ». Ils sont près d’un million d’Egyptiens à vivre en Libye exerçant surtout des métiers manuels (peintres, mâcons, menuisiers ;….). La nuit est presque tombée. On a les yeux rivés sur le côté libyen d’où peuvent surgir à tout moment des personnes. Le chauffeur rejoint par d’autres Egyptiens grignotant des biscuits offerts par les policiers jure qu’ils téléphoneront à leurs connaissances parties vers Ras Jdir ou Edhahbia, postes tunisiens vers le nord de revenir rentrer par l’Algérie. Deux Algériennes arrivent et cherchent à rejoindre Deb Deb à cinq kilomètres plus loin. Un policier fait arrêter une voiture de l’APC et les fait monter. Un travailleur est invité à passer la nuit à l’auberge avant de rejoindre Ain Touta le lendemain. «Ce sont des amis libyens qui m’ont ramené ici car je voulais passer par Edhahbia mais il y avait un monde fou et j’ai préféré rebrousser chemin», dit-il.  Chacun veut savoir ce qui se passe de l’autre côté, dans ce pays dont le drapeau vert flotte à une centaine de mètres plus loin. «Des armes sont aux mains de jeunes dans la rue et on s’en prend surtout aux locaux des comités populaires», raconte-t-il. Soudain, la quiétude des lieux est perturbée.Deux  jeunes  Ghanéens qui ne parlent qu’anglais arrivent du champ où l’on distingue les bornes évitant le poste. Ils exhibent des passeports et tentent de faire croire qu’ils se sont juste trompés de chemin. «Ce sont des clandestins, on connaît leur jeu. Remettez-les aux gendarmes. Ils seront présentés devant le  procureur», dit un policier. Ces derniers jours, 200 clandestins ont été ainsi présentés devant le tribunal. Beaucoup d’africains fuient la Libye où ils sont soupçonnés d’être des mercenaires.   LES ALGÉRIENS AUX PETITS SOINSLes groupes sont aussitôt dirigés vers le lycée de Deb Deb qui compte 800 places ou l’auberge. L’ANP dispose aussi d’un camp de 1200 places pour parer à toute éventualité.  Des minis- cars sont stationnés sur l’esplanade cimentée pour diriger les «arrivants» vers leur lieu d’hébergement. Le lendemain, escortés, ils prendront le chemin vers In Aménas. Une ambulance de la protection civile est là pour une éventuelle évacuation. Les gouvernements affrètent des avions pour le rapatriement de leurs  citoyens à partir de cet aéroport ou de celui de Djanet pour ceux qui arrivent de Tinalkoum. Ils ne s’envoleront pas le jour même. Seuls 67 ressortissants furent évacués le 27 février, jour même de leur arrivée à bord d’un aéronef de Swiss Airlines vers Bonn. Il s’agissait notamment de trois Allemands, cinq Britanniques, 42 Philippines, 1 Sud-africain, 3 Biélorusses et six Thaïlandais.  A In Aménas, nous retrouvons à l’auberge un des cinq sites  où atterrissent les hommes et les femmes, moins nombreuses.  Djamel Hassen Ahmed, ce jeune Egyptien de 24 ans travaille pour une société de promotion immobilière comme menuisier. «C’est pour améliorer ma situation que je suis parti en Libye. 1000 dinars libyens valant 4000 livres égyptiennes, je peux assurer mon avenir», nous confie-t-il.  Les ressortissants étrangers ont interdiction de quitter les sites d’hébergement géréS par la Protection civile qui a mobilisé des éléments de la caserne d’El Hamiz. Viétnamiens, Syriens ou Philippins, se contentent de se chauffer au soleil ou de s’allonger sur leurs lits.  Ils se disent «rassurés d’avoir fui une situation qui risquait de prendre des proportions plus dangereuses». La plupart a tout laissé et pour quelques-uns, il a fallu le concours de l’Ambassade d’Egypte à Alger pour délivrer des autorisations d’entrée provisoires en guise de passeports perdus.  Mohamed Aissa Abdel All, conseiller des travailleurs, est venu de l’ambassade d’Alger avec d’autres fonctionnaires pour prendre en charge leurs concitoyens. «Nous avons déjà rapatrié à bord de deux avions 340 personnes dont sept familles». On rencontre dans les couloirs de la daïra d’In Aménas des diplomates Pakistanais, Vietnamiens pris en charge par Sonatrach qui a affrété également des bus et offert des denrées. «On nous a confisqués dès notre arrivée à Tripoli nos passeports», explique Moustafa qui fait partie des 83 ressortissants égyptiens encore hébergés mercredi à l’auberge. D’autres nationalités sont présentes mais moins nombreux sont les Mauritaniens, (21) Marocains (6) ou les Maliens (2).  Les Viétnamiens ont été dirigés vers un autre site. Du côté de Tinalkoum, nous confiait mercredi un responsable de la PAF.  «Douze Maliens quatre Espagnols notamment sont rentrés sur le  territoire national. Les statistiques évoluent au fil des jours. Les agents de la Protection civile, des policiers sont partout rassurant tantôt et échangeant des plaisanteries avec les uns et les autres. L’ambassadeur du Vietnam venait de passer pour rassurer ses compatriotes et remercier les autorités algériennes. Ce sont les mêmes motivations qui semblent pousser les pakistanais à s’exiler en Libye. La plupart ne parlent que panjabi. «Je suis très pauvre», dit Amir Shahzad  qui travaille pour le compte d’une société tunisienne en Libye et qui se demande déjà s’il «peut trouver du travail en Algérie». Né en 1981 à Islamabad, il  rêvait  de retourner chez lui pour acheter plus tard un bus. Ses 4000 dollars mensuels convertis en 40 000 roupies sont l’équivalent d’un salaire de cadre dans son pays». Beaucoup de ces hommes ne savent pas s’ils retourneront un jour en Libye. Ils n’ont jamais foulé le sol de l’Algérie. «J’en garderai pourtant un souvenir plus intense. Comme un rayon de soleil», assure Amir Shahzad qui débarquait jeudi à l’aéroport Houari Boumediene avec ses cinq amis.


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