Algérie

Ploum Ploum, Rêve d'or et brillantine Arret sur image



Ploum Ploum, Rêve d'or et brillantine                                    Arret sur image
Si vous ne l'êtes pas encore, vous allez être rapidement mis au parfum. En quelques zestes d'hespéridés, car il est question d'essences, de fragrances et de lotions, et, bonheur suprême des sens, de crèmes, de baumes et de gels. Bref, du nez et de ce qui sublime la beauté de ces messieurs-dames. Où il est question de comment les Algériennes et les Algériens se pomponnaient, se parfumaient et naguère se «ploumploumaient» pour pas cher. Ah Ploum Ploum ! Pas le film Ploum ploum tra la la de Robert Hennion, pochade parfumée de 1947 avec Georges Gosset qui y pousse la chansonnette de même nom, sur des paroles à l'eau de rose de Francis Blanche. Non plus du journal satirique de même titre devenu en 1946 l'hebdomadaire Ploum ploum le grelot. Ou encore Ploum Ploum, la chanson du groupe de rock Téléphone. A évoquer le Ploum Ploum, son parfum remonte vite au «nez» de la mémoire. Oui, il s'agit du fameux parfum «algérien», celui qui est désormais un référent culturel. Vous verrez bien que les guillemets qui corsètent l'adjectif sont parfaitement légitimes. Ploum Ploum que d'aucuns méchants persifleurs appelaient «Ploum plouc». En réalité, le parfum en vogue de l'Algérien ordinaire, celui de nos mères et des belles qui pouvaient «faire la mérioula» pour moins de deux dinars. Ce mélange d'arômes et de phéromones, qui leur permettait de jouer aux belles délurées mais jamais aux marioles, n'est en effet pas algérien ! Eh oui, mesdames et messieurs, il est français le Ploum Ploum, ce flacon de couleur ambrée de Monsavon, avec une guitare et un trombone à coulisse noirs. Le Ploum Ploum fabriqué en Algérie, sous licence ou importé, était en revanche une eau de toilette dans un flacon rudimentaire. Mixture verdâtre dont le packaging austère s'ornait d'une simple guitare. Ce qui ne l'empêchait pas pour autant d'être la fragrance la plus vendue dans le pays où on la trouvait même chez l'épicier du coin. Moins qu'un parfum et plus qu'une substance odoriférante, cette composition olfactive évoquait un bkhour qu'on utilisait aussi comme after- shave, lotion corporelle ou fixateur-lustrateur de cheveux pour peu qu'elle soit mélangée à une huile d'olive. Miracle ploumploumesque qui transformait un parfum bon marché en gomina bio. En ersatz providentiel de la crème Pento ou encore de la brillantine Pompéïa ou Bleu Saphir de LT Piver avec laquelle on se lustrait la barbe et les cheveux. Ploum Ploum, c'était aussi un parfum pour cheveux, une lotion capillaire, du pétrole Hahn bon marché. D'un geste, on retrouvait «le charme troublant du printemps en fleur», comme le disait le slogan-pub de la brillantine Roja Flore. Potion magique qui évoquait presque la solution alchimique de «l'or potable» ! Dans le livre Des Femmes dans la Guerre d'Algérie, la moudjahida Djamila Amrane raconte que «pour (se) réchauffer les pieds, (elle) mettait du Ploum Ploum en (se) disant je vais me faire arrêter à cause de l'odeur» capiteuse et lancinante du parfum. Eau florale et huileuse, substrat chimique providentiel qui ne pouvait ravir la vedette à une star incontestée du sac de toilette des élégantes : Rêve d'Or en eau de Cologne ou en eau de parfum, en tout cas une promesse d'évasion et de détente. Réveil tonique et radieux, avec l'oranger, la rose-thé, le géranium et le vétiver. Elixir féminin qui lorsque le soleil est au zénith, laisse la magie de l'héliotrope opérer. Fleurs, agrumes, musc, ambre gris, molécules synthétiques, boisé, oriental, ambré, floral, cuir ou fougère, concentré ou dilué, le parfum, même ploumploumé, est un don de Dieu et un prodige de la main de l'Homme. Il est, dans la Bible, «l'Escalier du Ciel», 118 fois cité. Extraits, esprits ou eaux de parfum, de toilette ou de Cologne, «les parfums, les couleurs et les sons se répondent», disait Baudelaire. Ils se répandent aussi car ils sont le «bonheur de l'âme et l'harmonie du c'ur qui chante», selon Romain Rolland. C'est pour cela, peut-être, que «le venin et le parfum sont toujours dans de petits flacons», affirme Luis Sepùlveda. Ploum Ploum était aussi dans un flacon miniature mais jamais dans ses petits souliers.
N. K.


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